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Chronique : Valeur de décadrage de notre époque

Chronique : Valeur de décadrage de notre époque

Aujourd’hui, dans ce monde fragmenté où nous survivons à coups de clivages, de séparation, de xénophobie et de racisme, la question est simple dans une équation à zéro inconnue puisque toutes les manifestations d’un chaos prochain sont visibles et lisibles.

 

Par Abdelhak Najib 

Écrivain-journaliste

 

Aujourd’hui, dans une planète divisée et éreintée, avec des puissances en fin de cycle, avec des économies exsangues, la chute pointe à l’horizon pour un Occident, qui a épuisé tous ses moyens et qui joue les temps morts en essayant de maintenir l’illusion d’une puissance perdue. 

Car, il ne faut pas s’y méprendre, à tous les niveaux de la vie des humains, à tous les étages de la gestion de ce globe terrestre, dans tous les domaines, à travers tous les secteurs de la politique, dans ce qu’elle a de basique à l’économie et la finance dans ce qu’elles ont de volatile en passant par tous les types de sociétés possibles existant dans tous les continents de cette terre, en passant par toutes les cultures du monde qui ont perdu une grande partie de leurs identités et de leurs différences et diversités dans une globalisation forcée des us et coutumes d’une humanité homogénéisée et sans reliefs obéissant aux mêmes normes et standards, la vacuité, dans son sens physique le plus absolu, définit les nouvelles strates d’un monde où l’espace grandissant du vide est en extension permanente et à une vitesse stellaire. 

Partout, dans toutes les activités des humains, malgré cette thésaurisation sur le stockage de tout ce qui se produit au quotidien, par trillions de trillions de marchandises de tous genres, partout la dimension du vide grignote plus de terrain à la fois dans l’espace et dans le temps. Cette structure du vide ressemble à une espèce de vortex, à une sorte de trou de verre, qui au lieu de courber l’espace-temps, le plonge dans des trous noirs multiples qui avalent les heures, les jours et les années tout en réduisant les espaces à des dimensions d’écrans de tailles variables et de visibilités de plus en plus floues tendant vers l’opaque. 

Dans ce schéma, l’homme dit moderne, lourd et alourdi par tout ce qu’il accumule et qu’il doit porter voire traîner comme un calvaire, non seulement il est éreinté parce qu’il a épuisé toutes ses ressources à la fois naturelles, physiques, psychologiques, mentales et spirituelles, mais il est vidé de toute sa substance d’humain capable de résister à sa propre chute dans un chaos qu’il a créé de toutes pièces. Il y saute mains liées et pieds joints ne pouvant amorcer aucun autre mouvement ni action en dehors d’une plongée sans précédent dans un vide hostile sans la moindre réactivité, perdant jusqu’à ce réflexe primal de s’accrocher à des cordes imaginaires ou des filets de protection même illusoires. Il tombe. Et il contemple sa chute dans le vide. Hébété. Hagard. Inconscient. Anesthésié. Lobotomisé. Tel un automate détraqué. Comme un pantin disloqué. Il chute et il ne touche pas le sol. La gravité l’aspire dans ses tourbillons invisibles alors que la gravitation l’expulse hors orbite. Il devient un résidu cosmique aussi insignifiant que ce grain de poussière en perdition dans l’immensité des galaxies. Mais une poussière avec un ego. Un résidu doté d’une forme de conscience larvaire et surdimensionnée. 

Cette même conscience qui fait sentir à cette entité en chute libre qu’elle dépend du vide même qu’elle incarne. Autrement dit, plus elle tombe, plus elle se vide de toute substance. Plus elle se désagrège plus le vide qui l’aspire grandit. Dans ce processus, c’est justement l’ouverture de la structure complexe du vide qui rend la chute de l’homme interminable. Car plus cette particule non élémentaire s’enfonce dans le vide, plus l’espace et le temps se décontractent éloignant du même coup ce corps désormais étranger de son point de départ et a fortiori de son point de chute hypothétique et désormais inconcevable, puisqu’il n’obéit plus à aucune norme établie dans cette géométrie invariable qui épouse une seule et unique ligne droite, avec un début, mais sans fin aucune. Cela rappelle exactement le voyage qu’effectue une onde cosmique que l’on suppose déclenchée par l’éclat du big bang vers le supposé versant opposé de l’univers, qui, lui, poursuit inexorablement son extension vers nulle part. Vers ce point cosmique indéterminé qui peut tout aussi point avoir pris naissance dans ce que la physique moderne nomme le temps de Planck. C’est-à-dire, l’avant instant zéro. C’est-à-dire avant la notion même du temps. C’est-à-dire hors de toute temporalité quantifiable aussi quantique puisse-t-elle prétendre être.

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