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Covid-19: Le spectre d’une troisième vague très sévère

Covid-19: Le spectre d’une troisième vague très sévère

Certains professionnels de santé redoutent une troisième vague et appellent les autorités à agir pour prévenir toute détérioration des indicateurs sanitaires.

Parmi les faiblesses du Maroc, sa capacité limitée de dépistage et de séquençage.

La tendance observée : un rajeunissement des patients admis en réanimation.

 

Par D. William

 

La situation épidémiologique est relativement stable au Maroc, avec un taux de circulation du virus (R0) toujours en dessous de 1. Entre le 1er et le 28 mars, le Royaume a enregistré 10.893 cas, soit une moyenne quotidienne de 389 contaminations.

Sur la même période, 161 décès ont été enregistrés, soit une moyenne d’un peu moins de 6 morts par jour. Si, globalement, les indicateurs sanitaires se sont améliorés, force est de constater cependant que, durant la dernière quinzaine, le nombre de cas est un peu reparti à la hausse, passant de 5.171 du 1er au 14 mars, à 5.563 contaminations du 15 au 28 mars, soit une progression de 7,6%.

Les Marocains se relâchent-ils ? Respectent-ils moins les gestes barrières ? Ou, simplement, sontils pris de lassitude face à une pandémie qui, depuis une année, les empêche de vivre normalement ? Lassitude ? C’est peut-être cela, surtout du côté des jeunes, contraints de subir les privations inhérentes aux mesures restrictives et qui, visiblement, se sentent moins en danger que les adultes. Ce qui explique, certainement, la multiplication des contaminations dans les écoles.

Le lycée Descartes de Rabat a été ainsi contraint de fermer ses portes le 27 mars et d’imposer l’enseignement à distance pour tous. Une décision légitimée par la hausse soudaine des cas positifs au niveau des classes de 1ères, à cause des écarts de conduite récents de certains élèves à l’extérieur de l’établissement, qui organisaient des évènements festifs les week-ends.

Les professionnels de santé aux aguets

En tout cas, la situation actuelle interpelle les professionnels de santé, voire commence à les inquiéter. Ils craignent une détérioration des indicateurs sanitaires, surtout avec la présence du variant anglais, plus contagieux, et dans un contexte où la campagne de vaccination est au ralenti. Rappelons que le ministère de la Santé a fait état d’un total de 24 contaminés à cette souche au 20 février.

Depuis, aucune nouvelle statistique n’a été donnée pour ce variant, mais on peut imaginer qu’en un peu plus d’un mois, sa présence sur le territoire s’est renforcée, au regard de sa forte contagiosité. D’ailleurs, environ 40 cas de ce variant ont été détectés à Dakhla. L’avant-veille, samedi, le premier avertissement a été lancé par le chef de gouvernement, Saad Eddine El Otmani, sur son compte Tweeter.

«Ces derniers jours, le nombre de cas de Covid19 a relativement augmenté et le nombre de cas graves nécessitant une réanimation est passé à 72 au cours des dernières 24 heures. C’est un indicateur auquel tout le monde doit faire attention, afin de ne pas vivre une troisième vague», a-t-il écrit.

Pour le Dr Tayeb Hamdi, viceprésident de la Fédération nationale de la santé, «certes, l’épidémie est contrôlée et la campagne de vaccination est assez avancée, même si nous n’avons pas encore atteint les 70 à 80% de la population cible pour l’immunité collective. Cependant, nous avons une faiblesse qui se situe dans notre capacité de dépistage et de séquençage qui reste limitée, ce qui fait que nous ne pouvons pas évaluer dans les détails l’évolution de l’épidémie dans les régions».

Par ailleurs, constate-t-il, «nous faisons face à deux risques. Le premier est inhérent à une troisième vague, qui peut être indépendante de la présence des variants. Deuxièmement, c’est l’association de la 3ème vague et des variants, qui a déjà des conséquences catastrophiques en Europe. Dès lors, il n’y a aucune raison pour que le Maroc ne soit pas confronté à la même situation. Si on ne prend pas toutes les dispositions nécessaires, nous risquons une troisième vague très sévère qui entraînera le durcissement des mesures restrictives».

«Ce risque est bien présent, mais il est évitable si l’on arrive à freiner la propagation des variants», tempère-t-il cependant. L’analyse du biologiste Mounir Filali s’inscrit dans la même veine. Selon lui, «il y aura une troisième vague; il n’y a aucune raison que nous y échappions. La seule interrogation porte sur son ampleur et sa durée. Je pense que nous y ferons face dans 6 à 8 semaines. Je peux me tromper, bien sûr. En fait, j’espère me tromper».

Raison pour laquelle il «appelle donc, de grâce, la population, même si c’est difficile, même si elle en a marre, de maintenir les gestes barrières et les précautions, spécialement les jeunes, qui n’ont pas été pour le moment vaccinés et qui risquent d’être plus touchés par cette vague». Le professeur Said Moutawakkil, anesthésiste-réanimateur, docteur en biologie et membre du Comité scientifique national, est, lui, moins alarmiste, estimant que même si «les cas de variants anglais constituent un risque épidémiologique et une véritable menace pour le Maroc, le foyer de Dakhla étant un véritable signe d'alarme, la situation reste relativement stable pour l'instant».

Vers un durcissement des restrictions ?

Au moment où certains professionnels de santé tirent la sonnette d’alarme, les autorités ont un peu lâché du lest en permettant, sous conditions, la réouverture des salles de sports et des hammams; des endroits clos, propices à la transmission du virus. Bonne ou mauvaise décision ? Les avis sont partagés. Les autorités vont-elles alors poursuivre cette stratégie d’allègement durant le mois de Ramadan ? Vont-elles autoriser les prières dans les mosquées, repousser l’heure du couvrefeu… ? Ou vont-elles plutôt durcir les mesures restrictives ?

Si l’idée d’un durcissement des restrictions fait son chemin, pas question cependant de revenir à un confinement strict, qui, pour l’instant, n’est pas justifié par «des raisons épidémiologiques», estime le Pr Said Moutawakkil, qui milite pour qu’on veille «au respect des mesures barrières en attendant l'arrivée des vaccins».

Même son de cloche chez le Dr Tayeb Hamdi, pour qui il est «difficile de revenir à un confinement strict, parce que, d’une part, c’est sous-entendre qu’il faudra s’y tenir jusqu’à vacciner les 80% de la population cible. Or, on ne peut affirmer qu’on aura l’immunité collective en août, septembre, voire même en janvier 2022, puisque cela dépend de la production mondiale de vaccins et de la réception des doses par le Royaume. En cela, on ne peut pas confiner la population durant toute cette période».

«Néanmoins, faut-il attendre que la situation sanitaire se dégrade, avec notamment la propagation des variants, pour ensuite prendre des mesures plus coercitives ? Ou faut-il les prendre maintenant pour prévenir un tel risque» ?, s’interroge-t-il. Selon lui, «il faut avoir les chiffres réels des variants au Maroc et faire des campagnes de dépistage pour avoir une idée sur la présence du virus et de l’immunité dans la population, afin de pouvoir décider dans les jours et semaines à venir des décisions à prendre».

Il reste cependant convaincu «qu’on ne doit pas se relâcher et qu’on aura certainement besoin de serrer la vis au niveau des mesures restrictives, peutêtre en avril, mai et une partie du mois de juin, pour pouvoir, après, permettre une reprise des activités économiques, touristiques, sociales…». «Le timing dépendra de plusieurs paramètres (nouveaux cas, présence des variants, taux de vaccination de la population, réception des doses de vaccins…)», conclut-il.

Pour sa part, le Dr Mounir Filali plaide pour davantage de sensibilisation de la population : «ce qu’il faudrait à mon avis pour éviter justement le confinement, c’est faire des rappels auprès de la population de manière massive, pour respecter les gestes barrières et les mesures de précaution». «J’ai été récemment en visite dans une ville du centre du pays, plus personne ou très peu portent encore le masque. Devant les chiffres très bas actuels, les gens se relâchent et c’est normal. Mais c’est à nous, professionnels de santé, autorités…, de les alerter et de leur dire que la guerre n’est pas gagnée», ajoute-t-il. C’est dire que la vigilance reste de mise aujourd’hui plus que jamais afin d’éviter la dégradation des indicateurs sanitaires. Histoire de ne pas vivre ce que vivent des pays comme la France actuellement.

 

Le profil des admis en réanimation change
Même s’il n’y a pas de statistiques officielles, les professionnels de santé sont unanimes à dire que le profil des patients en réanimation tend à changer, dans un contexte où les personnes âgées et celles à risque ont été vaccinées. «La semaine dernière, nous avons observé une augmentation substantielle des admissions en réanimation. Les malades sont de plus en plus jeunes, avec un profil de gravité alarmant», constate le Pr Moutawakkil. «Selon les impressions de différents patrons de services de réanimation de CHU que j’ai contactés, les patients accueillis sont de plus en plus jeunes», informe de son côté le Dr Hamdi. Toutefois, «cela ne veut pas dire que c’est la faute à la forte circulation des variants. Parce que, si c’était le cas, on aurait eu une explosion de l’épidémie, avec une hausse sensible des contaminations, des décès et des cas en réanimation», ajoute-t-il. Selon lui, «s’il y a de plus en plus de jeunes dans les services de réanimation au Maroc, c’est à cause ou grâce à la vaccination des personnes âgées, lesquelles sont maintenant protégées».

 

 

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