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Litiges immobiliers : David contre Goliath ?

Litiges immobiliers : David contre Goliath ?

Dans le secteur de l’immobilier, le rapport de force opposant les acquéreurs aux promoteurs est souvent comparé au récit biblique du combat entre David et le géant Goliath.
 


En effet, d’un côté l’acquéreur, souvent salarié de la classe moyenne, achète le plus souvent un bien immobilier à crédit sur une longue durée, dans l’espoir d’acquérir enfin un patrimoine confortable et de qualité. 
 
De l’autre, des promoteurs, qui comme tout businessman, cherchent à accroitre leur taux de profit. Beaucoup le font légalement dans le respect des cahiers de charge et des normes de construction, mais certaines brebis galeuses du secteur ne se gênent pas pour faire des économies sur les matériaux, au détriment des acquéreurs.
 
Une fois le bien acheté, une fois qu’il découvre des vices de construction  qu’ils soient apparents ou cachés, l’acheteur n’a plus que ses yeux pour pleurer. Soit il appelle le promoteur pour se plaindre et lui demander de réparer les vices de construction, et il aura de la chance si ce dernier est honnête et répond à sa requête. Soit l’acquéreur se retrouve livré à lui-même, et n’a plus qu’à prendre en charge lui-même les réparations, et optionnellement à maudire le promoteur. 
 
Or, dans un cas comme dans l’autre, notre acheteur lambda ignore vraisemblablement qu’il existe une loi qui le protège et lui donne raison.
 
Car bien que David fut beaucoup moins imposant que Goliath, il disposait néanmoins d’une fronde qui fit la différence. Dans notre cas, cette fronde est la loi. 
 
Deux célèbres adages caractérisent la loi : «Nul n’est censé ignoré la loi» et «Dura lex sed lex» en latin, qui veut dire : «La loi est dure mais c’est la loi».
 
Revenons à notre acheteur lambda qu’on appellera à partir de maintenant «Candide», comme le personnage du célèbre conte philosophique de Voltaire.
 
 
Scénario (acte I) : La résignation 
 
Candide signe le contrat de vente, donne une avance au vendeur et contracte un crédit auprès de la banque. Mais lors de la remise des clés, il constate qu’il y a toujours les mêmes vices apparents qu’au moment de la première visite, soit au niveau du carrelage, de la peinture ou de la boiserie. Pourtant, le promoteur a promis qu’il allait s’en charger. 
 
Candide, étant un tantinet exigeant bien qu’un peu naïf, réclame du promoteur de réparer tout ça. Le promoteur s’avère être intransigeant et lui rétorque : «soit tu prends l’appartement tel qu’il est, soit tu te rétractes».
 
Facile à dire puisque la rétractation coûtera une petite fortune pour Candide. Il y a tout d’abord l’avance qu’il peut perdre, puis les frais de rétractation du crédit auprès de la banque.
 
 
Scénario (acte II) : La colère
 
Mais ayant grandi dans une culture du «gher sellek», Candide décide de ravaler sa colère, en choisissant de garder l’appartement.
Mais il se trouve que la première nuit qu’il y passe avec sa famille, il se met à entendre tous les bruits et conversations des voisins, comme si aucun mur ne les séparait. Puis comme un malheur n’arrive jamais seul, un an plus tard, une énorme fuite d’eau apparait à l’intérieur  d’un mur, causant des dégâts colossaux. Enfin et pour couronner le tout, six mois plus tard, des fissures apparaissent ici et là dans certaines chambres.
 
Là Candide se dit, je ne suis pas plus bête qu’un autre, je vais aller voir un avocat mais sans trop y croire.
 
 
Scénario (acte III) : La justice
 
Car on peut reprocher bon nombre de choses à la loi marocaine, mais heureusement pas sur ce terrain là.
Puisque l’avocat apprend à Candide une magnifique nouvelle : «il existe bel et bien une loi qui oblige le promoteur à prendre en charge les réparations des vices cachés (isolation phonique, fuites d’eau, fissures…), et que l’acquéreur a deux ans à partie de la date de remise des clés pour faire valoir ce droit.
 
L’article n°549 du Dahir des obligations et des contrats indique que dans le cas de vices cachés découverts durant la période de deux ans (article 65 de la loi 31-08), le vendeur étant tenu par une obligation de garantie, ce dernier se devra d’entamer sans délai toutes les réparations nécessaires, ou d’indemniser l’acheteur si ce denier est d’accord.
 
Si le vendeur refuse, Candide peut recourir à une expertise indépendance afin d’évaluer les dégâts, la nature cachée du ou des vices de construction, les responsabilités et le montant correspondant aux réparations. Armé de cette expertise, Candide se devra de mettre en demeure le vendeur et le promoteur pour exiger les dites réparations. 
 
Dans le cas d’un refus, notre ami Candide peut porter l’affaire devant la justice et obtenir gain de cause si les vices de construction sont effectivement cachés, et ne procèdent pas de dégâts provoqués par l’acheteur lui-même.
 
 
Scénario (Acte IV) : la délivrance 
 
Délivré de sa naïveté et de son ignorance de la loi, Candide sera rebaptisé «citoyen» au sens profond du terme. Un citoyen connaissant ses droits et ses obligations. Un citoyen, qui ne le laissera plus faire face à la malhonnêteté et la cupidité de certaines personnes, dont aucun secteur n’en réchappe.
 
Désormais, soit notre citoyen a vu sa maison réparée par le promoteur, soit il a obtenu gain de cause auprès de la justice. Dans un cas comme dans l’autre, il servira d’exemple vertueux à tous les citoyens victimes des mêmes abus, mais qui jusqu’à présent ignoraient la loi, ou tout simplement, n’osaient pas y recourir.

Rachid Achachi, chroniqueur, DG d'Arkhé Consulting

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