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Délais de paiement: des chiffres «assez inquiétants» avec la crise

Les délais de paiement se sont rallongés de 40 jours supplémentaires pour les TPE.

L’Etat souhaite instaurer un dispositif de sanctions pécuniaires à l’encontre des entreprises privées présentant des délais au-delà des limites réglementaires.

 

Par B. Chaou

 

Les délais de paiement ont toujours constitué un défi majeur pour l’économie marocaine. La lenteur des exécutions des paiements ralentit le développement économique et représente un frein face à l’émergence des entreprises nationales, surtout celles en phase de démarrage, une période cruciale durant laquelle le besoin en liquidité est conséquent. Si l’Etat, de son côté, a accéléré les remboursements et paiements afin de donner l’exemple, mais aussi dans une optique d’amélioration du climat des affaires, le secteur privé peine pour sa part à suivre.

Les petites structures sont les plus impactées

Les pratiques de paiement semblent ne pas s’améliorer et risquent de s’aggraver davantage avec la crise actuelle. Les délais de paiement demeurent assez longs dans l’ensemble, mais varient selon la catégorie et la taille de l’entreprise. Les grandes et moyennes entreprises semblent plus maîtriser leurs délais de paiement, au moment où les très petites rencontrent de nombreuses difficultés. Selon Amine Diouri, directeur Etudes et Communication d’Inforisk, «les derniers chiffres connus jusqu’ici montrent que les TPE ont un délai client de 220 jours, les PME de 113 jours, et les AGE (grandes entreprises) de 80 jours».

En effet, les petites entreprises subissent, d’un côté, des délais longs avant de pouvoir récupérer leurs créances et, de l’autre, l’obligation de payer leurs fournisseurs dans les délais plus courts afin de préserver leurs relations commerciales. À contrario, les grandes entreprises jouissent de délais clients relativement bas et bénéficient parallèlement des délais fournisseurs largement au-dessus des moyennes observées chez les PME et les TPE.  «La question des délais fournisseurs est importante, parce qu’on se rend compte que pour les grandes entreprises, les délais clients sont bas au moment où la durée de paiement des fournisseurs est plus longue», confirme Amine Diouri.

Le stock interentreprises est inquiétant

Par ailleurs, aucun secteur d’activité n’échappe à la problématique des délais de règlement, ce qui entraine un gonflement du stock de crédits interentreprises. «Le vrai défi est au niveau du crédit interentreprises privés; on parle de 420 milliards de DH. J’attire l’attention sur le fait que près de la moitié de ce montant est détenue encore une fois par les grandes entreprises», fait remarquer notre expert. Une situation qui ne risque pas de s’arranger avec la crise actuelle, qui a mis à sec les trésoreries de plusieurs entreprises.

«Sur la base d’études auxquelles nous avons participé, globalement on se rend compte que durant toute la période de crise, les délais de paiement, notamment pour les TPE qui étaient déjà à un niveau trop élevé, ont augmenté entre 40 et 50 jours supplémentaires, et de 40 jours pour les grandes entreprises. Nous atteignons des chiffres en termes de délais de paiement assez inquiétants», martèle Amine Diouri. À noter que, de manière générale, ce sont les entreprises dont l’activité est orientée vers une clientèle de particuliers qui affichent les niveaux les plus réduits. Quant aux secteurs d’activité dont la clientèle est composée essentiellement d’entreprises, les délais de paiement ressortent à des niveaux remarquablement plus hauts.

L’Etat donne l’exemple

Afin de pallier la non-maîtrise des délais de paiement qui s’est manifestée aussi bien au niveau des administrations, des collectivités territoriales que des EEP durant les années écoulées, un ensemble de réformes juridiques ont été menées. Ce qui a permis d’atteindre plusieurs résultats encourageants, se traduisant par la réduction des délais globaux du côté des organismes publics. Et les récents chiffres en attestent. En effet, les délais de paiement déclarés par l’ensemble des EEP concernant le mois de mars 2021 ressortent en moyenne à 38,4 jours contre 42,6 jours à fin mars 2020. Des données qui corroborent celles fournies par Inforisk, estimant que «les délais moyens de paiement pour les établissements publics tournent aux alentours de 40 jours, en forte diminution durant les dernières années».

Entreprises privées, bientôt les sanctions

Face à cette problématique qui persiste dans le privé, l’Etat a décidé de prendre les choses en main. Ainsi, lors d’une réunion tenue en février dernier en présence de Mohamed Benchaâboun, ministre de l’Economie, des Finances et de la Réforme de l’Administration, et Chakib Alj, président de la Confédération générale des entreprises du Maroc (CGEM), il a été décidé de mettre dans le circuit d’approbation le projet d’amendement de la loi n°15- 95 formant code de commerce et visant l’instauration du dispositif de sanctions pécuniaires à l’encontre des entreprises privées présentant des délais au-delà des limites réglementaires.

L’un des principaux changements attendus est le remplacement des indemnités de retard par l’application de sanctions pécuniaires. S’agissant des montants des amendes, on parle de 3% pour le mois de retard et 1% pour chacun des mois suivants. A noter que le produit des amendes sera consacré à l’appui des entreprises. Dans cette perspective, il reviendrait à l’Etat la responsabilité de se charger de la mise en application des sanctions. Les experts semblent en tout cas favorables à une telle initiative.

«J’ai toujours été partisan de l’idée de mettre en place des amendes faites par une tierce partie. Dans les différentes lois 49.15 et 32.12 de 2011, quand la facture n’était pas payée à temps, les fournisseurs pouvaient appliquer des pénalités, mais ça n’a jamais fonctionné car ils avaient peur de perdre leurs clients. Là, nous faisons intervenir l’Etat; nous pouvons donc être certains que lesdites amendes seront appliquées aux mauvais payeurs. Je pense que cette mesure aura un réel impact», nous confie Amine Diouri.

Ce système de sanctions pourrait encourager les entreprises à améliorer les délais de paiement vis-à-vis de leurs partenaires commerciaux. Car, souvent, pour les grandes entreprises, il s’agirait plus d’une question de culture et d’organisation que de difficultés de trésorerie.

Le système managérial des grandes structures, par exemple, ne donne pas l’indépendance totale au service financier et comptable, qui doit à chaque fois attendre l’approbation des supérieurs hiérarchiques avant de réaliser les remboursements, chose qui empiète sur la procédure de règlement. Quoi qu’il en soit, si nous observons ce qui se passe ailleurs, le système de sanctions a donné des résultats probants dans plusieurs pays qui l’adoptent, notamment en Allemagne ou en Italie, où les délais se sont bien raccourcis par rapport aux pays qui n’appliquent pas d’amendes.

À noter que les autoentrepreneurs, les entreprises du secteur agricole dont le bénéfice annuel est inférieur à 5 MDH et les TPE dont le chiffre d’affaires est inférieur à 3 MDH ne sont pas concernés par le projet de sanctions liées aux retards de paiement.

 

 

 

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