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«Nécessitant l’appel à une médiation, le Chiqaq a un impact positif en cas de divorce»

«Nécessitant l’appel à une médiation, le Chiqaq a un impact positif en cas de divorce»

- Le nombre de divorces tend à augmenter au Maroc. Manque de communication, répercussions du Covid-19, problèmes matériels… les raisons sont multiples. 

- Entretien avec Me Abdelhakim El Kadiri Boutchich, juge près la Cour internationale de résolution des différends «Incodir» à Londres, et consultant international auprès de l'Ordre mondial des experts internationaux à Genève.

 

Propos recueillis par Ibtissam Z.

 

La Quotidienne : Dans les tribunaux, on constate de plus en plus une hausse des cas de divorce. Comment expliquez-vous ce phénomène ? 

Me Abdelhakim el Kadiri Boutchich : Cette augmentation est due, selon les experts du secteur, à plusieurs causes notamment en raison de certaines dispositions du code de la Moudawana de 2004, qui a donné aux femmes plus de liberté pour demander le divorce. Depuis 2021, il y a eu effectivement une hausse accentuée des divorces. Néanmoins, plusieurs raisons expliquent cette augmentation, en voici quelques unes : 

• Le confinement de mars 2020 en raison de l'épidémie.

• Le surpeuplement et les faibles revenus stressent les familles et les couples, provoquant des conflits et des séparations.

• Des effets économiques et psychologiques de la pandémie.

• Depuis 2004, le Code de la famille favorise la hausse du divorce par Chiqak et du divorce à l'initiative de la femme.

• Le divorce par consentement mutuel a augmenté. En examinant les demandes de divorce traitées par les tribunaux de la famille, on note 135.724 demandes en 2021, dont 56% ont été faites par les femmes. 

• Le manque de maturité, de conscience, de communication. Un autre point vient s’ajouter, celui de la violence, c’est un fait non négligeable. 

 

L.Q : Pourtant, les cas de divorce ont connu une baisse significative depuis 2004 (année de l'entrée en vigueur de la Moudawana) avant que cela ne reparte à la hausse en 2021, avec 26.957 cas de divorces prononcés. Le contraste est saisissant, quel constat en faites-vous ?

Me A.E.K.B : Le nombre de cas de divorce a augmenté depuis l’entrée en vigueur de la Moudawana en 2004, grâce à la simplification des procédures de divorce, en particulier l'habilitation des femmes à demander le divorce. Selon l'association des adouls, qui traite des dossiers de divorce grâce au Tatlik, c’est une démarche plus facile pour les femmes, sans preuve nécessaire de maltraitance ou d'abandon.

Les divorces au Maroc sont en augmentation malgré les mesures légales, selon les associations féminines.

 

LQ : Faut-il réformer la procédure du divorce ? La formule du Chiqaq a-t-elle un impact sur ce phénomène ?

Me A.E.K.B : Bien évidemment, il est nécessaire d’instaurer une telle reforme pour remédier aux défaillances de l’actuel code de la famille. Elle sera sans doute basée sur l'idée d'équilibrer et d'autonomiser les hommes et les femmes avec leurs droits et de prendre en compte les intérêts des enfants.

Néanmoins, pour assurer un équilibre psychologique des enfants suite au divorce, plusieurs projets d’amendement qui ont été faits à ce sujet. Dans ce sens, il faut noter que parmi les points qui ont été étudiés à la Chambre des conseillers relatifs à  la réforme du code de la famille figurent : 

• En matière de tutelle, le père peut demander la garde partagée en cas de mariage de son ex-femme, afin de ne pas priver la mère de ce droit.

• Donner au père le droit de revendiquer la garde conjointe dans le cadre d'un divorce. Même en cas de divorce, les enfants ont besoin de leurs deux parents et les deux doivent s’investir dans leur éducation.

• Les articles 183, 18 et 185 du Code doivent être abrogés et remplacés par des dispositions logiques reconnaissant le principe d'égalité entre les hommes et les femmes.

• En matière de tutelle, le pouvoir doit aussi être partagé entre les deux parents. En cas de désaccord, le parent gardien doit prendre position pour éviter les attitudes parentales abusives.

• Pour l'entretien, l'enquêteur doit se référer à un spécialiste qui appellera ensuite les deux parents pour vérifier leurs revenus et leurs biens afin de rédiger un rapport spécialisé décrivant les besoins de l'enfant.

• Concernant le droit de visite, il faudrait l'étendre aux parents car actuellement, les parents divorcés n'ont droit de visite que le dimanche, ce qui est totalement insuffisant.

• Accorder à l’incubateur le pouvoir de remplir tous les documents administratifs relatifs à l’enfant.

• Assurer les procédures du divorce devant les adouls.

• Faire appel aux centres de médiation indépendants.

• En ce qui concerne Chiqaq qui signifie «le désaccord du couple», il a un impact positif en cas de divorce nécessitant l’appel à une médiation à travers laquelle le médiateur sera chargé d’étudier les causes principales des problèmes survenus entre le couple. Et ce, pour aboutir à une conciliation ou dans le cas contraire à un divorce rapide et équitable.

 

LQ : Le divorce à l’amiable a sensiblement augmenté. Quelle est votre analyse concernant cette nouvelle donne ?

Me A.E.K.B : Tout d'abord, il s'agit d'une procédure relativement simple et rapide en termes de délais. Ainsi, un divorce consensuel montre que vos objectifs sont les mêmes, à savoir mettre fin à votre relation, ce qui cause certainement moins de douleur et de mal aux enfants qu'un divorce où chacun prend son parti.

 

L.Q : La médiation joue un rôle important en matière de conflit entre les couples. Quelle en est sa portée ?

A.E.K.B: La médiation familiale est un mécanisme alternatif de résolution des conflits familiaux en dehors du système judiciaire. Elle adopte le principe du dialogue et de la concertation pour construire et reconstruire les liens familiaux d'une manière qui aide à la cohésion de toute la famille et évite la désintégration et la séparation familiale. Elle est un moment d'écoute, de communication et de négociation des conflits familiaux. Son but est d'évacuer le stress et de rétablir les relations familiales fragiles (enfants, parents, grands-parents, héritiers, etc.). A cet effet, la médiation peut aboutir à une procédure de conciliation. Personnellement, j'ai entamé des missions de médiation de la famille, et certaines se sont révélées fructueuses. Tout dépend de la prédisposition, la solidité et la compréhension du couple. Souvent, il suffit de trouver un terrain d'entente pour trouver le juste équilibre afin de préserver la sacralité de la famille. La médiation en général est régie par les dispositions de la loi 95/17 sur l’arbitrage et la médiation conventionnelle, publiée au bulletin officiel n°7099 du 13 juin 2022. Il est vrai que le médiateur se base sur certains outils pour réussir sa démarche. En l’occurrence, la chaleur humaine et l’intérêt pour les autres avec absence d'a priori. Aussi, scruter les émotions de ceux qui vont à la médiation. Enfin, être à l’écoute et d’une grande compréhension vis-à-vis de l’autre et surtout faire preuve de patience pour rechercher les vrais problèmes et les résoudre.

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