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Stress hydrique au Maroc : Quelles politiques publiques pour limiter la casse ?

Stress hydrique au Maroc : Quelles politiques publiques pour limiter la casse ?

Le Maroc n’a pas vécu une telle situation climatique depuis la grande sécheresse des années 80 du siècle dernier. On s’en souvient, les Marocains avaient vécu des années sans pluie, avec des barrages à capacité minimum, une aridité sans précédent et des centaines de milliers de bétail morts à cause du manque d’eau et de fourrage.

Depuis cinq ans, entre 2018 et 2022, le Maroc connaît encore l’une des pires sécheresses de son histoire. Tous les indicateurs sont au rouge et cela touche l’ensemble du territoire marocain, du Détroit à Lagouira, en passant par l’Oriental, par la vallée du Saïss, par la région du Gharb, pourtant connue comme le grenier à blé du pays, par les régions montagneuses, par le Sahara et les côtes atlantique et méditerranéenne. 
 
En effet, selon les chiffres émanant du ministère de l’Équipement et de l’Eau, le Maroc n’a eu cette année qu’un apport de 1,38 milliard de m³ en eau. Nous sommes loin des volumes habituels puisque cela constitue une baisse de 85% de l’apport habituel. Cette baisse très importante se répercute sur la disponibilité de l’eau par habitant au Maroc. Si cette disponibilité par habitant est passée de 2.560 m3/ habitant/an en 1960 à près de 700 m3/habitant/an en 2010, elle a rechuté de manière très significative pour n’atteindre que 650 m3/ habitant/an en 2019. Il s’agit là d’une baisse de 74,6%. Et durant les trois dernières années, les choses ont même empiré. D’ailleurs, le ministère de tutelle craint le pire, puisqu’il prend très au sérieux l’hypothèse selon laquelle la dotation en eau pourrait chuter en dessous du seuil de pénurie situé à 500 m3 à l’horizon 2030. Autrement dit dans sept ans. Ce qui veut dire demain.
 
Face à cette situation, de nombreuses mesures sont envisagées, mais toujours avec beaucoup de retard, comme d’habitude quand il s’agit d’anticiper et de prendre les devants face à des situations aussi extrêmes. Parce que cette menace de sécheresse ne date pas d’hier, mais de plus d’un demi-siècle. Et elle a été aggravée par la vitesse à laquelle les changements climatiques et le réchauffement planétaire se sont accélérés, prenant tout le monde de court.
 
Dans ce sens, les demandes en eau au Maroc montrent de manière qui ne souffre d’aucune ombre un déficit de près de 2,3 milliards de m3/an à l’horizon 2030. Ce déficit pourrait être rectifié à hauteur de 1.751 millions de m3 par la mobilisation de ressources en eau de surfaces supplémentaires, 510 millions de m3 issus de la désalinisation et 325 millions de m3 provenant de la réutilisation des eaux usées épurées, comme on peut le lire dans un rapport, publié en 2020, par la Direction des études et des prévisions financières (DEPF) et intitulé : «Le Maroc à l’épreuve du changement climatique : situation, impacts et politiques de réponse dans les secteurs de l’eau et de l’agriculture». 
 
C’est dire que les autorités sont bel et bien conscientes de tout le retard que le Maroc accuse à ce niveau. Un retard très préjudiciable puisqu’il menace pratiquement tous les secteurs de l’économie marocaine qui dépendent dans leur écrasante majorité des ressources hydriques.
 
Évidemment, des efforts sont consentis pour réduire les quantités d’eau déversées dans la mer chaque année, tout comme le dessalement des eaux de mer qui doit, selon le ministre de l’Équipement et de l’Eau, Nizar Baraka, assurer 50% des 1,8 milliard de m³ destinés à l’utilisation domestique. Dans cette même logique de trouver des solutions fiables et pérennes, les autorités se sont penchées sérieusement sur la problématique du détournement des ressources hydriques. À titre d'exemple, quelque 300 millions de m³ des eaux de l’Oued Oum Errabia sont détournés chaque année, soit 1 million de m³ volés chaque jour. Quand on multiplie ce chiffre par toutes les rivières du pays, le niveau de la catastrophe donne froid dans le dos.

Et ce n’est pas tout. Ce type de pratique entraîne aussi une perte considérable, allant jusqu’à 40%, au niveau des canaux d’irrigation et d’eau potable. Il faut aussi s’attaquer de façon efficiente au fléau des puits anarchiques puisque 91% des puits forés ne sont pas autorisés. Et ce chiffre reste en-deçà des réalités du terrain parce qu’il faut du temps et des moyens techniques et humains, couplés à une grande logistique scientifique pour mettre le doigt sur tous les puits clandestins dans toutes les régions du Maroc.
 
Face à cette crise qui frappe le pays de plein fouet, il faut aussi signaler que la neige couvrait normalement 45.000 km². En 2022, elle ne couvre que 5.000 km². Ce qui constitue une baisse de plus de 89%, comme l’a précisé Nizar Baraka.
 
A tout ceci, il faut ajouter d’autres dégâts concomitants qui, combinés, rendent la situation encore plus virulente. On le sait, selon plusieurs rapports, le Maroc perd annuellement environ 22.000 hectares de terres les plus propices à l’agriculture, et ce, en raison de l’empiètement urbain, de l’exploitation excessive des sols et de l’utilisation des méthodes de labour inappropriées. Une anarchie et une permissivité qui font des ravages écologiques depuis plus de 50 ans. Sans oublier que le pays perd annuellement plus de 31.000 hectares de forêts et 93% des zones pastorales qui sont très dégradées. Sans forêts et sans arbres, la sécheresse s’accentue et le climat continue son cycle de dérèglement de façon irréversible. Et quand on sait que le secteur agricole est le principal utilisateur d’eau au Maroc, puisqu’il consomme environ 90% du volume total des ressources en eau mobilisées, il faut bien dire qu’il y a péril en la demeure.
 
Ceci sans compter avec la pollution massive des cours d’eau, de la mer et des rivières. Une pollution chimique d’un côté dont on connaît le terrible impact sur la qualité de l’eau et l’anarchie que connaît le domaine du traitement des déchets. Il faut savoir que le Maroc compte 300 décharges implantées de manière illégale et que seulement 2% des déchets ménagers sont recyclés ou placés dans des décharges contrôlées. Ceci, sans parler des déchets industriels qui s’élèvent à 930.000 tonnes par an, dont 42% sont concentrées dans la région du Grand Casablanca, et dont une partie pollue l’eau de toute la région et impacte profondément les nappes phréatiques.
 
Nous sommes en face d’un cycle vicieux par rapport à la gestion des crises touchant les ressources hydriques au Maroc, puisque cette problématique est systémique et doit être traitée dans l’urgence et de manière holistique en fédérant tous les départements du pays.

 

 

Abdelhak Najib 

 

 


 

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