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Maroc-UE : Querelle de poissons

Maroc-UE : Querelle de poissons

Clap de fin pour le protocole de pêche Maroc-Union européenne. Après 4 années de mise en œuvre, il arrive à terme ce lundi 17 juillet. 
Ce protocole quadriennal attribuait des possibilités de pêche à l'UE en échange d'une contrepartie financière d'un montant total de 208 millions d'euros.

Ce protocole de pêche sera-t-il reconduit ? Quel avenir pour la coopération Maroc-UE dans le domaine halieutique ? 

«Le Maroc et l’Union européenne ont convenu de poursuivre leur coopération comme le prévoit l’Accord de partenariat dans le domaine de la pêche durable, qui demeure en vigueur, de manière à approfondir le partenariat bilatéral sur des volets essentiels, tels que les campagnes scientifiques, la coopération technique, la lutte contre la pêche illégale, l’intégration économique des opérateurs, les dispositifs de sécurité en mer et d’amélioration des conditions de travail et de protection des marins», indique un communiqué conjoint publié à l’issue de la 5ème session de la Commission mixte chargée du suivi de l’Accord, tenue jeudi à Bruxelles.

Au-delà de cette déclaration d’intention, il y a une certitude : le partenariat bilatéral dans ce secteur ne sera plus le même.

Et le ministre des Affaires étrangères, de la Coopération africaine et des Marocains résidant à l’étranger en a d’ores et déjà annoncé la couleur. Précisant que «l’accord de pêche Maroc-UE est toujours en vigueur», mais «c’est le Protocole de pêche, conclu pour quatre ans (2019-2023), qui arrive à expiration le 17 juillet», Nasser Bourita a clarifié la position marocaine à sujet, soulignant qu’une «réflexion est en cours au sein du gouvernement».

Celle-ci tient compte de 3 paramètres :

     • Le premier est «d’ordre doctrinal» : autrement dit, conformément à la vision et à la politique étrangère tracées par le Roi Mohammed VI, le Maroc d’aujourd’hui privilégie des partenariats «avec une valeur ajoutée plus claire». Le Royaume souhaite ainsi «des partenariats plus avancés, où la valeur ajoutée marocaine est plus forte».

     • Le second paramètre intègre la stratégie nationale de la pêche «Halieutis», qui prend en considération les attentes des opérateurs et exige donc des adaptations dans le cadre de l’interaction avec les partenaires.

     • Le troisième paramètre tient compte des données scientifiques : l’objectif est de préserver cette ressource naturelle importante et pour le Maroc et pour les Marocains, et d'assurer sa durabilité.

De fait, «le Maroc interagira donc avec la partie européenne sur la base de cette réflexion, qui est en cours», conclut Bourita.

 

L’UE et sa position ambiguë

La posture actuelle du Maroc se comprend. En filigrane, il y a deux aspects essentiels :

     •  Primo : la dimension économique. Car, à la lumière des ambitions de développement du Royaume, le modèle actuel de coopération «Contrepartie financière vs Droit de pêche» semble ne plus être suffisant.

Certes, dans sa mise en œuvre, l’accord de pêche et son protocole ont eu des retombées bénéfiques, avec un impact socio-économique positif sur le secteur, sur la pêche artisanale et l’aquaculture durable au profit des jeunes entrepreneurs et des coopératives de pêcheurs, ainsi qu’en termes de création d’emplois, de formation et d’insertion des femmes et des jeunes dans la vie active.

Mais, comme l’a dit Bourita, il faut plus de valeur ajoutée. 

 

     • Secundo : la dimension politique. Parce que cet accord de pêche est parasité par le verdict du tribunal de l’UE rendu en septembre 2021, qui a annulé les décisions du Conseil européen au sujet des accords agricole et de pêche avec le Maroc, suite à un recours du polisario.

Le tribunal a cependant maintenu les effets de ces deux accords, «car leur annulation avec effet immédiat est susceptible d'avoir des conséquences graves sur l'action extérieure de l'Union européenne et de remettre en cause la sécurité juridique des engagements internationaux auxquels elle a consenti».

Bruxelles avait alors fait appel de cette décision du tribunal européen. Et l’affaire n’est pas encore tranchée.

 

Voilà donc ce qui agace et irrite passablement le Maroc. Car l’arrêt de la justice européenne confirme les voix discordantes au sein de l’UE.

Ses tergiversations récurrentes et son discours ambigu jettent de l’ombre sur ses relations avec le Royaume.

Et donnent malheureusement du crédit à une entité fantoche, qui a pu arriver à remettre en cause un accord conclu entre un Etat souverain et le tout puissant bloc européen !

Conséquence : le non-renouvellement du protocole d’accord entrainera un manque à gagner certain pour l’UE.

Un rapport publié mi-décembre 2017 par la direction des Affaires maritimes relevant de l’exécutif européen soulignait un bon retour sur investissement pour l’Union : chaque euro investi est estimé supporter la création de 2,78 euros de valeur ajoutée totale (directe et indirecte) pour le secteur européen de la pêche.

Le rapport d’évaluation de décembre 2010 estimait qu’un euro investi par l’UE ne générait que 0,65 euro de valeur ajoutée totale. 

Plus spécifiquement, c’est surtout l’Espagne qui paye les pots cassés. Comme le confirme le secrétaire général de la Confédération espagnole de la pêche (Cepesca), Javier Garat, la fin du protocole de pêche Maroc-UE est «un gros problème pour les entreprises et les marins des flottes andalouse, galicienne et canarienne». C’est pourquoi d’ailleurs le gouvernement a décidé de leur octroyer des aides directes en attendant (peut-être) un nouvel accord.

Rappelons que sur les 132 navires qui pêchent dans les eaux marocaines, 93 sont des espagnols. 

 

F. Ouriaghli

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