Les économies de la région Moyen-Orient et Afrique du Nord (MENA) devraient enregistrer une croissance plus lente en 2023, alors que la hausse à deux chiffres des prix des produits alimentaires exerce une pression supplémentaire sur les ménages pauvres et que l’insécurité alimentaire pourrait se répercuter sur plusieurs générations, selon le dernier rapport de la Banque mondiale sur la région.
Dans son bulletin intitulé "Destins bouleversés : Effets à long terme de la hausse des prix et de l’insécurité alimentaire dans la région Moyen-Orient et Afrique du Nord", l'institution financière internationale prévoit un fléchissement du PIB régional de 5,8% en 2022 à 3% en 2023. Les pays exportateurs de pétrole, qui ont bénéficié d’une manne pétrolière en 2022, verront leur croissance ralentir, bien qu’il subsiste un écart important entre les pays à revenu élevé et le reste de la région.
La croissance du PIB réel par habitant, une meilleure mesure du niveau de vie, devrait freiner à 1,6 % en 2023 contre 4,4 % en 2022. L’inflation a augmenté de façon spectaculaire dans la région en 2022, particulièrement dans les pays dont la monnaie s’est dépréciée, note le rapport.
Ayant analysé particulièrement l’incidence de la hausse des prix des produits alimentaires sur l’insécurité alimentaire, le document constate que 8 pays sur 16 ont enregistré une inflation à deux chiffres ou plus, laquelle frappe le plus durement les ménages pauvres, car ceux-ci consacrent une plus grande part de leur budget à l’alimentation que les ménages mieux nantis.
"La hausse des prix des produits alimentaires a des effets dévastateurs sur les familles pauvres. L’insécurité alimentaire aura des conséquences à long terme sur plusieurs générations qui limiteront malheureusement les perspectives de beaucoup, beaucoup de jeunes", souligne Ferid Belhaj, vice-président de la Banque mondiale pour la région MENA.
"Le coût humain et économique de l’inaction est énorme, et des politiques audacieuses sont nécessaires dans une région où les jeunes représentent plus de la moitié de la population", ajoute-t-il.
Le rapport semestriel révèle que l’inflation moyenne des produits alimentaires dans 16 économies de la région MENA entre mars et décembre 2022 était de 29% en glissement annuel. Celle-ci était supérieure à l’inflation globale, qui a progressé en moyenne à 19,4% en glissement annuel pendant la même période, contre 14,8 % entre octobre 2021 et février 2022, le mois où la guerre en Ukraine a débuté.
Dans les quatre sous-groupes de la région MENA couverts par le rapport — pays en développement importateurs de pétrole, pays en développement exportateurs de pétrole, pays en conflit et pays du CCG — l’inflation contribue de 24 % à 33 % à l’insécurité alimentaire prévue pour 2023. "Le rapport estime que près d’une personne sur cinq vivant dans les pays en développement de la région MENA est susceptible de souffrir de l’insécurité alimentaire durant cette année, et qu’environ 8 millions d’enfants de moins de 5 ans font partie de la cohorte qui sera confrontée à la faim.
L’inflation des prix alimentaires, même temporaire, peut causer des dommages à long terme et souvent irréversibles", affirme Roberta Gatti, économiste en chef de la Banque mondiale pour la région MENA. Selon le rapport, la hausse des prix alimentaires de mars à juin 2022 pourrait avoir aggravé de 17% à 24 % le risque de retard de croissance infantile dans les pays en développement de la région MENA, ce qui représente environ 200.000 à 285.000 nouveau-nés supplémentaires.
Plus généralement, les études montrent que la malnutrition infantile peut donner lieu à de mauvais résultats scolaires, à des revenus plus faibles et à des problèmes de santé plus tard. Les besoins de financement prévus pour lutter contre l’insécurité alimentaire grave se chiffrent en milliards de dollars par an, mais le rapport démontre que l’argent seul ne suffit pas. Il propose donc des moyens d’action qui pourraient aider à atténuer l’insécurité alimentaire avant qu’elle ne dégénère en une véritable crise, parmi lesquels des transferts ciblés en espèces et en nature qui pourraient être mis en place sans tarder pour endiguer les situations d’insécurité alimentaire aiguë.
Le rapport souligne la nécessité de disposer de données plus récentes et de meilleure qualité sur la situation sanitaire et nutritionnelle des enfants, ainsi que d’un meilleur accès à l’information administrative qui aiderait à cibler les priorités et à atteindre plus facilement les populations vulnérables. Et de conclure qu’il est essentiel d’accroître la résilience des systèmes alimentaires et de renforcer les chaînes d’approvisionnement, en particulier face aux chocs climatiques et aux futures perturbations des marchés.