Par Abdelhak Najib
Écrivain-Journaliste
Dans une interview accordée au Journal du Dimanche, Chakib Benmoussa, l’Ambassadeur du Maroc en France, réaffirme, avec fermeté, les positions claires du Maroc face aux accusations d’Amnesty International et de Forbidden Stories dans la désormais Affaire Pegasus. Le diplomate marocain va encore plus loin en affirmant que le Maroc est prêt à participer à une convention internationale sur l'usage des logiciels intrusifs.
Sans oublier d’insister sur le fait que le Maroc n'a pas espionné le président de la République française, Emmanuel Macron qui a convoqué un Conseil de défense exceptionnel pour aborder l'affaire d'espionnage. Concrètement, l’Ambassadeur du Maroc à Paris a remis les choses dans leur contexte pour clarifier cet imbroglio. Il précise que
«Le Maroc a démenti l'acquisition de ce logiciel il y a plusieurs mois de cela, et de manière catégorique. En juin 2020, Amnesty International nous avait accusés de surveiller des journalistes au Maroc en utilisant une telle application.
Le chef du gouvernement avait déjà réfuté de tels faits et demandé dans une lettre adressée à l'ONG d'apporter les éléments de preuve qui permettraient de conforter ses accusations. Une demande restée sans réponse.» Ceci pour rappeler que l’affaire ne date pas de ce mois de juillet 2021, mais que dans les coulisses les autorités marocaines s’emploient, depuis plusieurs mois en mettant la pression à l’organisation internationale qui a eu assez de temps pour faire valoir ses preuves, sans jamais y arriver. C’est dire toute la difficulté d’Amnesty Internationale, qui a aujourd’hui un délai de quelques jours à peine, pour apporter des preuves concrètes de ses accusations contre le Maroc.
Sur un autre plan, concernant l’espionnage par le Maroc de la présidence française, de son Premier ministre et d’une quinzaine d’autres ministres, la réponse de Chakib Benmoussa est limpide : «Le Maroc n'a pas espionné le président Emmanuel Macron. Il n'a pas non plus espionné l'ancien Premier ministre ou des membres du gouvernement.
D'ailleurs, aucun élément ne corrobore cela » tout en précisant que les relations politiques entre la France et le Maroc sont particulières, «construites sur l'histoire, sur des liens humains et culturels extrêmement forts, sur des intérêts communs. C'est une relation d'exception mais aussi une relation qui se renouvelle à l'aune des évolutions dans chacun des deux pays et des nouveaux défis.» Avant d’ajouter, cette phrase qui résume le fond de toute cette affaire : «Je comprends que des acteurs en prennent ombrage...». Ce qui fait clairement référence à l’existence de réseaux hostiles au Maroc, en France et ailleurs, qui sont dans une logique de déstabilisation.
«Il est de notoriété publique que les succès du Maroc en Afrique ne font pas plaisir à tout le monde, notamment à notre voisin. Nous constatons également un timing particulier. Des éléments disponibles il y a un an, ressortent aujourd'hui, de manière coordonnée, à l'approche de la Fête du trône [anniversaire de l'intronisation du roi le 30 juillet 1999], à l'approche des élections législatives, régionales et locales, dans un contexte où le Maroc réalise des avancées sur de nombreux sujets », précise le diplomate marocain qui clarifie encore une fois les véritables coulisses de cette affaire épineuse. Il dresse le tableau clair de l’implication de l’Algérie dans tout ce qui peut nuire à l’image et la stabilité du Maroc.
Une volonté insidieuse de la part des responsables algériens qui s’appuient sur des relais en France pour faire éclater cette affaire à ce moment précis, avec comme point d’orgue la question du Sahara marocain et le camouflet reçu par Alger quand le Président des États-Unis d’Amérique, Joe Biden a reconnu la marocanité du Sahara : « La question du Sahara marocain est essentielle, mais le Maroc la défend d'abord sur le terrain, avec une dynamique de développement économique et humain. Ce ne sont pas quelques acteurs qui gesticulent ici ou là qui modifient la donne. Nous avons fait devant les Nations unies une proposition réaliste et crédible d'une très large autonomie, qui constitue une solution politique permettant de construire l'avenir en toute sérénité. Tous ceux qui, pour des calculs politiques, veulent jouer avec le feu, qu'ils le fassent, ils trouveront face à eux un front uni et déterminé.»
À la question, selon Le Monde, deux services de renseignement marocains, extérieur et intérieur, auraient pourtant eu accès à ce système, Chakib Benmoussa assène avec diplomatie : «C'est une banalité. Ce sont des services de renseignement et à l'instar de leurs homologues dans le monde, ils s'intéressent à des logiciels et des outils technologiques pour faire leur travail de protection des intérêts supérieurs du pays et des citoyens, sauf qu'ils n'ont pas acquis Pegasus. La Constitution marocaine et les lois récemment mises à jour, conformément aux conventions internationales ratifiées par le Maroc, protègent les données personnelles. Les services marocains s'inscrivent dans une démarche d'État de droit, la loi déterminant les modalités dans lesquelles l'usage de programmes pouvant gérer des données personnelles peut intervenir.»
Sur un autre plan, la question de la normalisation avec Israël a été évoquée, à juste titre, comme arrière-fond de cette affaire d’espionnage. En effet, répond l’Ambassadeur du Maroc, «Ces dernières années, nous avons privilégié une approche de coopération à l'international sur des sujets en relation avec la paix dans le monde ou la lutte contre le terrorisme, mais aussi sur des sujets en relation avec le changement climatique, le dialogue des cultures ou les migrations. Nous le faisons parce que nous y croyons, pas en sous-traitant pour d'autres, et sans que l'on nous force la main.» Autrement dit, le Maroc choisit ses alliances, décide de ses partenaires et n’a de leçons à recevoir de personne, surtout en rejetant toute velléité de tutelle, héritée d’un autre âge.