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Ce que révèle l’étude de l’UFP Maroc sur les femmes journalistes

Ce que révèle l’étude de l’UFP Maroc sur les femmes journalistes

Près de 300 femmes journalistes prennent la parole. Qui sont-elles, que font-elles, quels sont leurs parcours, leurs rapports avec leurs confrères et la hiérarchie, les évolutions et les changements de carrière ?

Autant de questions auxquelles répond une étude lancée par l'Union de la presse francophone Maroc (UPF), avec le soutien du Service de coopération et d'action culturelle de l'Ambassade de France au Maroc. 


L’enquête porte sur deux axes principaux, qualitatif et quantitatif. 

Toutes les femmes interrogées dans le cadre de l’étude de l’UPF Maroc ont répondu à l’unanimité qu’elles sont journalistes avant d’être femmes. Toutes ou presque revendiquent ce métier comme une vocation et un «métier passion». 

L’autre point important à soulever est le digital. Il a totalement chamboulé le métier. Un phénomène qui pousse aujourd’hui et plus que jamais à le repenser autrement. La digitalisation a eu un impact sur le quotidien des femmes journalistes. Toutes se plaignent du manque de temps, de la course à la publication et au clic. Ce phénomène est vécu brutalement par l’ensemble des médias traditionnels, et les journalistes ont dû y faire face parfois seules et sans formation ni préparation.

Conditions de travail dans un environnement sous pression

Des préoccupations majeures ont été mises en avant : la précarité, les difficultés à se stabiliser dans le métier, les perspectives d’évolution de carrières, les conditions d'exercice parfois pesantes face au «fonctionnariat» de plus en plus fort dans les rédactions. 

Discriminations public/privé 

Les discriminations liées à l’embauche, aux salaires, aux promotions, aux primes…semblent, de prime abord, ne pas exister dans les institutions et médias étatiques. Ces institutions ont instauré depuis quelques années déjà une parité qui concerne aussi bien la représentation des femmes dans les médias que celle des journalistes. L’égalité salariale entre les journalistes hommes et femmes existe bel et bien. Les mécanismes de promotions sont appliqués équitablement sur la base des compétences. Les journalistes exerçant dans les médias publics se sentent aussi protégées, en cas de sexisme ordinaire. De son côté, le secteur privé se distingue par un environnement fortement concurrentiel, caractérisé par le règne de la loi du plus fort. 

Discriminations banalisées

Les journalistes femmes sont confrontées au quotidien à des situations discriminatoires qui, à force de faire partie du quotidien, deviennent tellement banales que l’on n’y prête plus attention. Ainsi, lors des réunions de rédaction, lorsqu’elles n’en sont pas exclues d’office, elles se heurtent à un certain déni. On leur coupe la parole ou, plus grave encore, on leur «vole» leurs idées…


Un sexisme aussi «normal» ?

Les agissements sexistes et le harcèlement sexuel existent dans presque tous les médias, que ce soit au sein même de la rédaction ou à l’extérieur, pendant les reportages et interviews. Les journalistes préfèrent ne pas trop s’attarder sur ces faits qu’elles disent savoir gérer, voire dépasser.

Ainsi, les relations hommes-femmes dans le métier sont «correctes à cordiales», du moins chez l’ancienne génération, qui a toujours su gérer les éventuels dérapages, comme elles ont su gérer leur vie familiale avec des conjoints compréhensifs. Les plus jeunes sont moins armées et aussi moins engagées, et donc davantage soumises aux désagréments dans l’exercice du métier et s’imposent moins dans leur vie privée. 

Dans le paysage médiatique marocain, les femmes au top management se comptent sur le bout des doigts. Les «vrais chefs» sont des hommes. Ce sont eux qui détiennent les cordons de la bourse. Ce groupe de femmes managers ne semble pas vraiment s’en soucier. Elles estiment que seules les compétences priment. 

Du coup, les femmes aux commandes deviennent des «hommes» et adoptent le même mode de management. Elles sont victimes du système patriarcal qu’elles alimentent aussi en préférant s’entourer d’hommes pour des raisons de disponibilité. Les journalistes femmes préfèrent des patrons hommes.

L’autorité, le leadership et autres compétences managériales sont toujours considérés comme des attributs masculins. Une femme dirigeante est soit un ange, soit un démon ! Pas de demi-mesure, ni de compréhension. Elle est jugée et examinée de tous les côtés, et rapidement cataloguée.

A compétences égales, les hommes sont privilégiés. Les femmes sont jugées moins disponibles en raison de la maternité et l’éducation des enfants. Chacune à son niveau se heurte au fameux «plafond de verre». Elles se trouvent ainsi bloquées dans leur carrière, avant même d’avoir pu accéder au «vivier» des cadres susceptibles d’accéder à des fonctions de responsabilité. Cette réalité et la surreprésentation des hommes aux postes de manager conduisent certaines femmes à être confrontées à un manque de légitimité et de prise en considération de leur parole lorsqu’elles occupent, elles aussi, des postes à responsabilité ou lorsqu’elles affichent la volonté de progresser dans la hiérarchie.

Qu’en est-il du regard social ?

Autres contraintes, cette fois-ci familiales et le regard négatif que porte la société sur ces femmes qui travaillent souvent tard et pendant les jours fériés, confiant leurs enfants aux conjoints ou à leur famille proche. Face à cette pression, certaines préfèrent s’autolimiter et renoncer à progresser, d’autres rencontrent compréhension et soutien de la part du conjoint et des proches. Pour les jeunes journalistes, encore célibataires, elles pensent toutes que le fait d’être mariée avec un enfant peut interférer dans l’exercice de leur métier. Aujourd’hui, la profession ferait-elle moins rêver les jeunes ?


Les recommandations 

•    Se constituer en réseaux pour devenir plus solidaires.
•    Investir sur la montée en compétences
•    Renforcer les compétences dans le digital.
•    Partager, mais aussi transmettre des valeurs et des principes d’une génération à une autre.
•    Instaurer un contre-pouvoir au féminin...


Le volet quantitatif

L’on commence par les grandes tendances, à savoir la cartographie :  

•    La répartition de l’échantillon obtenu par les médias (Télé, radio, presse papier et presse numérique) incarne dans ses grandes proportions la photographie des journalistes femmes détentrices d’une carte de presse au Maroc.
•    La formation n’est pas en reste : si la grande majorité des journalistes femmes en exercice a un diplôme national, près d’une journaliste sur deux n’a pas suivi de cursus journalistique.
•    Au-delà des critères de compétences et de rentabilité, la mobilité au sein d’un même organisme de presse ne semble être corrélée qu’au facteur temps : les évolutions concernent surtout les journalistes de 45 ans et plus, mariées et celles ayant des enfants.
•    Globalement, la mobilité est plutôt réduite. Près de 30% évoluent dans leur organisme à partir de l’âge de 35 ans.
•    Le bond en avant dans une carrière, y compris dans le journalisme, est assez souvent dépendant d’un changement d’organisme.

Concernant le travail à distance, 50% des journalistes femmes interrogées déclarent que le télétravail prend de plus en plus d’importance dans l’exercice du métier.

Pour la discrimination, les femmes journalistes interrogées font un constat plutôt clément quant aux discriminations dans leur secteur d’activité : plus de 25 points d’écart en comparaison avec le reste des secteurs du tissu économique. Peu de cas de discriminations dans l’exercice du métier, hormis quelques-uns liés à l’aspect financier : salaires, primes et promotions.


L’analyse met en lumière une situation paradoxale 

Les personnes sondées confirment que la situation des journalistes femmes dans les médias au Maroc s’est améliorée, mais ont un discours parallèle teinté de notes plutôt alarmistes :

* L’égalité entre les genres n’est pas acquise (71%).

* Il est plus aisé pour un homme de réussir dans ce métier (43%).

* Adapter, durcir son caractère (près de 60%).

* On attend des femmes journalistes plus d’effort (44%). 

* Les femmes journalistes culpabilisent face aux obligations familiales (45%).

* Elles entendent des remises en cause de nomination de femmes à des postes de responsabilité (49%).

* La communication et la sensibilisation au sein de leur structure demeurent insuffisantes (82%).

 

Les différents scores obtenus indiquent parallèlement une situation spécifique des journalistes femmes divorcées : elles semblent davantage victimes de discriminations et sont les plus nombreuses à faire preuve de revendications et de dénonciations des situations.

•    Le statut de femme mariée ne semble pas constituer un critère de discrimination.

•    Même si cela n’est pas clairement évoqué, le statut de mère peut dans certains cas constituer un ralentisseur de développement : 60% des journalistes interrogées ayant des enfants ont dû faire un choix entre leur vie professionnelle et personnelle. Par ailleurs, 48% d’entre elles ont dû renoncer à une offre (contre 16% dans le cas des journalistes sans enfants). Ces choix sont assumés. 

•    Les journalistes indépendantes (freelance) mettent en avant une situation de discrimination plus importante que leurs consœurs salariées.

 

D’une manière générale, deux blocs comportementaux se font face :

- Les femmes journalistes exerçant en audiovisuel ont un comportement plus institutionnalisé que leurs consœurs de la presse papier et du numérique.

-La solidarité entre consœurs n’est pas totale.

- La responsabilité des femmes dans les situations de discrimination vécues leur est également affectée. Ceci, dans une proportion plus élargie que les hommes : 51% contre 49%. Le fait sans doute de la forte implication dans l’éduction des enfants. 

-    Un portrait-robot de la femme journaliste la plus concernée par les situations de sexisme mais également la plus revendicative peut être établi : divorcée, âgée de 45 ans et plus, exerçant en français dans la presse papier ou numérique, et ayant le statut de freelance. Un autre profil de journalistes fragilisées se dessine à partir des résultats de cette enquête : les jeunes femmes travaillant dans la presse numérique et exerçant en langue arabe.

 

Ce qu’il faut retenir :

Deux éléments fondamentaux émergent. Ils distinguent, caractérisent et forgent aujourd’hui le comportement et la situation des femmes journalistes : l’âge et l’argent. Les scores obtenus mettent en évidence des critères transversaux en matière de discrimination et de sexisme :

*Le statut professionnel (salarié / freelance).

*Le média d’appartenance (TV, radio, presse papier, presse numérique).

*Le statut de femme divorcée ou veuve.

Le sondage ne montre pas de discrimination apparente, de surface, mais plutôt un sexisme latent, souterrain, quotidien et surtout un «auto-sexisme».


Actions à entreprendre pour l’amélioration des conditions des journalistes femmes

- 80% misent sur l’éducation au sein des familles;

- 60% recommandent une éducation au niveau des établissements scolaires;

- 10,5% déclarent que les médias doivent sensibiliser autour du sujet;

- 3,5% estiment que l’Etat doit entreprendre des campagnes de sensibilisation.

 

 

 

 

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