Zouhair Chorfi a fait mouche. Sa diatribe virulente contre les cliniques privées au Maroc qui minorent leurs revenus pour payer moins d’impôts a du mal à passer.
La sortie sévère du secrétaire général du ministère de l’Economie et des Finances a causé une forte indigestion chez ce corps médical.
L’Association nationale des cliniques privées (ANCP), qui s’est sentie bafouée et profondément vexée, a d’ores et déjà répliqué via un communiqué.
Elle a non seulement qualifié les propos de Chorfi d’«irresponsable», mais elle a également décidé de "porter plainte pour diffamation", et envisage même "une grève nationale d’une semaine" de tout le corps médical libéral.
La bataille à coups de scalpels est engagée.
Maintenant, dépassionnons un peu le débat !
Les cliniques privées ont raison de s’offusquer; elles peuvent et doivent se défendre quand on les accuse de pratiques frauduleuses.
Mais point d’excès de zèle : elles doivent également être de bonne foi et admettre que dans certains établissements, la pratique du «noir» existe et c'est un moyen utilisé pour frauder le Fisc.
Ce n’est pas nouveau. Et c’est presque devenu une normalité souvent dénoncée par les citoyens.
Aujourd’hui, cette affaire a pris de l’ampleur uniquement parce que Chorfi est une voix autorisée.
C’est bien de crier à l’outrage, mais c’est tout aussi honorable de faire son autocritique.
Les cliniques privées devraient faire la leur et rappeler à l’ordre tous ces individus habités par l’avidité et la convoitise et qui ternissent l’image de leur profession, comme l’ont fait d’autres corps de métier dont la réputation a été pendant longtemps salie par des pratiques répréhensibles.
C'est dire qu’on n’est pas dans le «tous pourris», puisque l’on trouvera toujours des entités respectables et professionnelles, où le serment d’Hippocrate est chevillé au corps.
Et c’est le rôle des Associations, Ordres, Fédérations… de veiller justement à faire respecter les règles.
Les propos de Chorfi s'inscrivent dans cette veine : «chacun doit balayer devant sa porte; et la moralisation de la vie publique n’est pas que l’affaire de l’Etat».
En cela, pas sûr que la posture adoptée par l’ANCP (plainte, grève…) soit la meilleure.
Peut-être qu’elle devrait faire un tour sur les réseaux sociaux pour voir quelle opinion ont les Marocains des cliniques privées.
Avec Ramadan, la faim, la soif et le sommeil peuvent être de bien mauvais conseillers.
L’ANPC devrait donc apprécier les propos de Chorfi avec philosophie et dire : «oui, il y a des pratiques mercantiles et répréhensibles dans certaines cliniques; oui, nous allons mener un travail de sensibilisation pour y mettre fin; oui, on peut même travailler avec l’Etat pour trouver les bonnes solutions».
Tout cela, au nom du civisme fiscal. Au nom de l'équité fiscale.
Au nom du Maroc auquel nous aspirons. Un pays où, actuellement, ceux qui profitent davantage des failles du système sont toujours les premiers à quémander des avantages et autres exonérations fiscales.