L’inquiétude autour du nouveau variant a poussé les autorités à privilégier la protection de la santé des citoyens.
Les opérateurs sont particulièrement amers depuis la fermeture des frontières aériennes. Cette décision va plomber la dynamique économique qui s’amorçait et enfoncer davantage certains secteurs déjà mal-en-point.
Par D.W
Les Marocains vaquent à leurs occupations quotidiennes : boulot, café, resto, retrouvailles entre bons copains, gestes barrières relégués aux calendes grecques… Bref, ils retrouvent une vie presque normale, dans un environnement qui est pourtant loin de l’être. Car le coronavirus est bien là, même si sa propagation est contenue grâce aux différentes mesures prises par les autorités du Royaume.
Mais tous les Marocains n’apprécient pas la situation actuelle de la même manière. Loin de là. Les opérateurs économiques en particulier sont très amers, surtout depuis qu’il a été décidé, le 29 novembre dernier, de suspendre tous les vols directs de passagers à destination du Royaume, pour une durée de 2 semaines. Cette décision soudaine est un nouveau coup dur pour l’activité économique, qui se remettait tout doucettement sur pied, après une longue période de convalescence due à la crise liée à la pandémie.
Comparée à une période récente, l’économie nationale affiche en effet meilleur profil, comme en témoignent certains indicateurs. Au titre des dix premiers mois de l’année 2021, les exportations se situent à 260 Mds de DH, en hausse de 20,7% par rapport à fin octobre 2020. «Cet accroissement concerne les exportations de l’intégralité des secteurs, essentiellement le secteur des phosphates et dérivés, celui de l’automobile et celui du textile et cuir», indique l’Office des changes. Parallèlement, les importations augmentent de 22,9% à 424,3 Mds de DH par rapport à fin octobre 2020, et de 3,3% par rapport à fin octobre 2019, portant le déficit commercial à 164 Mds de DH, pour un taux de couverture de 61,3%.
Les recettes voyages, elles, se situent à 28,5 Mds de DH à fin octobre 2021 contre 28,7 Mds de DH à fin octobre 2020 et 67 Mds de DH durant la même période de l’année 2019. Quant aux transferts MRE, ils frôlent les 80 Mds de DH (79,6 Mds de DH) à fin octobre 2021, réalisant un accroissement de 43,3%. Pour sa part, le flux net des investissements directs étrangers (IDE) enregistre une hausse de 14,8% par rapport à fin octobre 2020. Par ailleurs, la consolidation de l’activité du secteur du BTP se poursuit, avec notamment des ventes de ciment en hausse de 16% au terme des dix premiers mois de 2021. De son côté, le tourisme se raffermit, avec des recettes touristiques qui enregistrent une appréciation, en glissement annuel, de 158,4%, après +289,7% en août, +144,2% en juillet et +15,2% en juin.
Au titre du troisième trimestre 2021, elles se sont élevées à 15,9 milliards de dirhams, en hausse de 202% par rapport à l’année précédente, mais restent toutefois en baisse de 40% par rapport à la même période de l’année 2019. La même tendance est observée au niveau des arrivées touristiques : elles ont atteint 2,9 et 1,63 millions respectivement au titre des deux premiers mois du T3-2021, après 1,08 et 1,58 millions à la même période de 2020 et 5,52 et 3,87 millions en 2019.
A fin août 2021, le nombre des arrivées s’est renforcé, en une année, de 16,2% à 2,1 millions, alors que celui des nuitées a accusé une légère baisse de 0,5% à 5,6 millions, selon la Direction des études et des prévisions financières (DEPF).En outre, dans un contexte d’assouplissement des mesures restrictives, la demande intérieure est devenue plus vigoureuse. Parallèlement, l’économie marocaine a enregistré, au troisième trimestre 2021, une création de 642.000 emplois.
«Ce nombre représente le plus haut niveau d’emplois créés au cours des 17 dernières années, après + 405.000 postes au T2-21 et une perte de 581.000 postes un an auparavant», explique la DEPF. Conséquence : le taux de chômage s’est replié au niveau national de 0,9 point entre les troisièmes trimestres de 2020 et 2021, pour s’établir à 11,8%.
Tout allait bien…
Cette dynamique économique va être impactée par la fermeture des frontières aériennes, mais également par les restrictions de plus en plus nombreuses qui commencent à être mises en place dans plusieurs pays partenaires du Maroc, notamment en Europe, à cause d’une cinquième vague aigue et de l’apparition du variant Omicron. Ce qui compromet les perspectives de reprise de l’économie mondiale. Une reprise qui, selon l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), se poursuit, mais s’est essoufflée, laissant émerger des déséquilibres.
«L’incapacité de déployer rapidement et efficacement des campagnes vaccinales partout dans le monde coûte cher et l’incertitude demeure forte en raison de l’apparition successive de nouveaux variants», estime l’OCDE, qui table. sur un rebond de la croissance économique mondiale qui devrait atteindre 5,6% cette année et 4,5% en 2022, avant de revenir à 3,2% en 2023, soit des taux proches de ceux observés avant la pandémie.
Mais l’apparition des variants constitue de réelles menaces sur les économies et risquent de déjouer tous les pronostics. Et c’est parce que Omicron inquiète la communauté scientifique que plusieurs pays, à l’instar du Maroc, se barricadent. Ce variant se mondialise et commence à se diffuser de plus en plus en Afrique : après l’Afrique du Sud, le Ghana, le Nigeria, le Botswana et la Tunisie qui ont annoncé leurs premiers cas, le Sénégal a fait état de 3 cas sur son territoire, détectés entre vendredi et dimanche derniers. D’où l’extrême prudence dont font preuve les autorités marocaines qui, après la limitation à dix personnes pour assister aux obsèques et funérailles, ont donné un tour de vis supplémentaire en interdisant les manifestations culturelles et artistiques ainsi que les festivals.
Dans ce contexte, les autorités ont d’ailleurs décidé de proroger la fermeture des frontières aériennes jusqu’au 31 décembre. Surtout que toutes les données nécessaires sur Omicron (virulence, contagiosité, dangerosité, impact sur le système immunitaire…) ne sont pas pleinement cernées. «Devant ce nouveau venu, nous sommes confrontés à un véritable inconnu», confirme d’ailleurs le docteur Tayeb Hamdi. Une prorogation qui s’explique amplement, au regard du choix fait par les autorités depuis la reprise épidémique en Europe et la survenance d’Omicron : préserver coûte que coûte les acquis sanitaires, quitte à sacrifier les acquis économiques. Le monde des affaires appréciera.