Par Abdelhak Najib
Écrivain-journaliste
Le relâchement qui a suivi la décision du gouvernement d’alléger au maximum toutes les mesures sanitaires mises en place pour lutter contre le coronavirus, a donné corps à une situation incontrôlable, avec des populations qui ont cru que s’en est fini de la Covid-19 et de la pandémie. Avec une large majorité de Marocains qui sont persuadés que le fait de se faire vacciner les protège du virus et qu’ils peuvent reprendre leur vie d’avant mars 2020. C’est-à-dire sans observer aucune mesure sanitaire telles qu’elles sont indiquées par les autorités marocaines.
La situation est aujourd’hui si grave que nous sommes en droit de poser certaines questions : pourquoi avoir pris une telle décision sachant qu’une levée des mesures sanitaires est synonyme de relâchement, d’insouciance et pire, de je m’en-foutisme et de fatalisme ? Les autorités ont-elles réellement cru que les Marocains allaient conjuguer détente et responsabilité ?
Nous sommes loin du compte, aujourd’hui, après quinze jours qui ont suffi pour nous conforter dans notre conviction que c’est une erreur et que le Marocain n’apprend pas forcément de ses erreurs. Pire, il a cette capacité naturelle d’oublier et de retomber dans ses pires travers avec aisance. Nous l’avons vu l’année dernière avec le désastre de la fête de Aid El-Adha.
Les autorités avaient commis une terrible erreur de jugement, qui a coûté des vies suite au chaos qu’a engendré la frénésie du mouton. Alors que le bon sens, la responsabilité, la simple logique auraient voulu que cette fête soit tout simplement annulée parce que nous savons tous autant que nous sommes, que nous autres Marocains nous ne sommes pas les champions du monde de l’ordre, de la vigilance, de la prise de ses responsabilités avec fermeté et rigueur, de la rationalité qui voudrait que l’on respecte les lois, les règles et les mesures sanitaires de sécurité de base.
Mais, nous l’avons vécu avec une profonde douleur. Des vies ont été sacrifiées sur l’autel du jugement faussé à cause d’impératifs mercantiles comme celui de fourguer des dizaines de millions de bêtes tout en comptant les morts. Cet épisode restera un point noir dans l’histoire du Maroc qu’il faut garder à l’esprit pour ne pas commettre la même erreur mortelle.
Ceci pour l’approche de cette fête dont l’esprit, à l’ère de la Covid-19, est celui du danger qui plane comme une épée de Damoclès sur nos têtes à tous.
Revenons maintenant sur les pratiques qui ont fait tourner cette parenthèse, censée être enchantée, en véritable catastrophe. D’abord, les Marocains ont fait ce qu’ils savent faire le mieux : la négligence, le laisser-aller et l’irresponsabilité. Ensuite, par manque de réelles informations appuyées à un véritable programme de prévention par matraquage systématique dans tous les médias aidant, le Marocain a cru que durant cet été, le virus a disparu comme par miracle, nous laissant libre de faire n’importe quoi pour nous mettre et mettre les autres en danger.
Le Marocain a aussi cru que le fait d’avoir reçu ses deux doses de vaccins, était synonyme d’immunité face au virus. Grave erreur car le vaccin n’est en aucun cas une garantie d’être à l’abri d’une nouvelle contamination. Là encore, les autorités sanitaires ont raté le coche laissant les populations dans l’ignorance et dans le flou. Sans parler des comportements irresponsables, voire criminels, de beaucoup de nos concitoyens qui ont repris leur vie comme si le virus avait disparu depuis de longues années, n’étant plus qu’un vieux souvenir à oublier.
Ils se regroupent, ils organisent des fêtes, ils font des pools parties, ils se réunissent par centaines, les uns sur les autres, à boire et à danser pour célébrer les vacances. Ils envahissent les cafés, les restaurants, les piscines, les plages, les mosquées, les salles de sports, les marchés, les hôtels, les SPA et les hammams. Ils se sont mis, frustration oblige, à inventer n’importe quelle occasion pour se réunir et faire la fête, sans masque, sans distance de sécurité, sans se laver les mains avec des produits antibactériens, sans réaliser qu’ils sont tous coupables pour le nombre de cas qui augmente en flèche et pour les morts qui viennent grossir les statistiques.
Nous comprenons aujourd’hui les réactions, somme toute, tardives des autorités qui réalisent que ce relâchement est une erreur de plus dans la lutte contre le coronavirus. Est-ce que des mesures strictes vont être remises en place pour sauver des vies ? Wait and see.