Depuis l’explosion du Bitcoin en 2017, les cryptomonnaies n’ont jamais cessé d’être un sujet de fascination et de controverse. Tantôt adulées comme l’avenir de la finance, tantôt décriées comme un Eldorado de la spéculation et du blanchiment, elles n’en restent pas moins une classe d’actifs qui se démocratise à vitesse grand V.
Le Maroc, malgré son positionnement longtemps hésitant, n’échappe pas à cette vague.
Selon une récente étude de Hellosafe, le nombre de Marocains détenteurs de cryptomonnaies est passé de 3,6 millions en 2019 à plus de 6 millions en 2024, soit une augmentation de 66% en cinq ans.
Un chiffre impressionnant, qui place le Royaume parmi les pays africains les plus engagés dans la révolution crypto. Pourtant, paradoxalement, la législation marocaine interdit toujours officiellement ces actifs numériques.
En effet, depuis 2017, le Royaume affiche une posture de prudence vis-à-vis des cryptomonnaies. Bank Al-Maghrib n’a cessé de rappeler les risques liés à leur utilisation : volatilité extrême, absence de régulation, risques de blanchiment d’argent et de financement d’activités illicites…
Mais les chiffres parlent d’eux-mêmes : le trading de cryptomonnaies est une réalité bien ancrée au Maroc, encouragée par une meilleure accessibilité aux plateformes d’échange en ligne.
Résultat : malgré l’absence de cadre légal, le Maroc est classé 20ème mondial en matière d’adoption des cryptomonnaies, selon le rapport Geography of Cryptocurrency 2023 de Chainalysis.
Alors, que faire ? Continuer à interdire et laisser un marché informel prospérer, ou bien encadrer pour mieux contrôler ? Les signaux envoyés récemment par les autorités marocaines laissent entrevoir une évolution majeure.
Lors de l’Africa Financial Summit (AFIS) 2024 à Casablanca, la ministre de l’Economie et des Finances, Nadia Fettah, a reconnu que les cryptomonnaies pourraient jouer un rôle clé dans l’inclusion financière.
Dans les zones rurales où l’offre bancaire est limitée, ces actifs numériques pourraient en effet représenter une alternative crédible pour faciliter les paiements et l’accès aux services financiers.
Autre signe fort : le projet de loi sur les cryptoactifs actuellement en cours d’adoption. Conçu en collaboration avec la Banque mondiale et d’autres institutions nationales, ce texte vise à instaurer un cadre réglementaire clair pour ces actifs numériques.
L’enjeu pour le Maroc est d’éviter la dérive spéculative, les cryptos étant un terrain de jeu propice aux bulles financières, mais aussi de protéger les utilisateurs des fraudes.
Etant donné qu’il ne s’agit plus de savoir si ces actifs numériques vont s’imposer, mais bien comment les intégrer intelligemment dans l’économie nationale. Le défi sera d’autant plus complexe que la technologie évolue rapidement.
En effet, de nouvelles tendances émergent, comme les monnaies digitales de banques centrales (MDBC), sur lesquelles Bank Al-Maghrib mène actuellement des études.
Ces monnaies numériques officielles pourraient coexister avec les cryptos traditionnelles, offrant ainsi une alternative plus stable et encadrée.
Une tendance mondiale
Le Maroc n’est pas le seul pays à faire face à cette montée en puissance des cryptos.
Selon Hellosafe, l’Allemagne, les Etats-Unis et le Canada ont vu leur taux de détenteurs de cryptomonnaies tripler entre 2019 et 2024 (+225%), suivis des Emirats Arabes Unis (+210%) ou encore de la Suède (+200%).
L’Asie n’est pas en reste : l’Inde a gagné plus de 200 millions de nouveaux détenteurs de cryptos en cinq ans, tandis que l’Indonésie et le Pakistan affichent respectivement 56 et 30 millions de nouveaux adeptes. En Afrique, le Nigeria (67% de croissance) et l’Egypte (+137,5%) figurent parmi les locomotives du continent.
L’Europe voit également l’adoption des cryptos s’accélérer : le Portugal (+122%), la France (+125%) et la Suisse (+90%) sont en train de devenir des terres d’adoption privilégiées des cryptos, malgré des approches réglementaires parfois timides.
Par D. William