Dans une Afrique en quête de solutions pour relever ses défis économiques, sociaux et environnementaux, la finance s’affirme comme une clé de voûte du développement durable. L’Africa Financial Summit (AFIS 2024), tenu à Casablanca, a offert une plateforme aux acteurs économiques pour repenser la place de la finance dans la transformation du continent. Et qui de mieux que Nadia Fettah, ministre de l’Economie et des Finances, pour incarner cette vision ? Sa formule magique ? Fluidité, solidité et libération des énergies.
«La fluidité des capitaux est le socle sur lequel reposent l’innovation, la croissance et la prospérité», a-t-elle souligné dans son discours. Une évidence, certes, mais pas toujours facile à concrétiser. Entre les barrières réglementaires, la faible interopérabilité des systèmes de paiement et la fragmentation des marchés africains, les capitaux circulent sur le continent… à la manière d’un escargot.
Des initiatives comme le PAPSS (Pan-African Payment and Settlement System), qui promet une économie annuelle de 5 milliards de dollars en facilitant les paiements transfrontaliers en devises locales, sont des exemples de cette fluidité en devenir. En parallèle, les fintechs africaines, notamment Flutterwave, M-Pesa ou encore Chipper Cash, réinventent l’accès aux services financiers, connectant des millions de personnes, même dans les zones rurales. Mais la fluidité ne suffit pas.
«Nous devons penser comme des matériaux composites, combinant souplesse et solidité», a ajouté la ministre. Une phrase qui pourrait presque passer pour une leçon de design, mais qui touche au cœur du problème africain : la résilience des systèmes financiers. Avec un service de la dette publique atteignant 163 milliards de dollars en 2023, de nombreux Etats africains naviguent entre deux eaux, tiraillés entre le remboursement des dettes et l’investissement dans des secteurs stratégiques comme l’éducation ou les infrastructures.
Renforcer la gouvernance, instaurer une régulation rigoureuse et diversifier les sources de financement deviennent alors des impératifs. Les partenariats publicprivé (PPP) et les prêts concessionnels de la BCEAO offrent des pistes, mais c’est surtout une réforme structurelle profonde qui s’impose. Enfin, Nadia Fettah appelle à la libération des énergies latentes du continent. Avec un déficit annuel de financement de 108 milliards de dollars pour les infrastructures et de 250 milliards pour les besoins climatiques, les besoins sont immenses.
Pourtant, l’Afrique regorge de ressources humaines, naturelles et institutionnelles sous-exploitées. Les solutions existent : des «Gender Bonds» pour soutenir les femmes entrepreneures à l’investissement dans les énergies renouvelables. Encore faut-il une véritable coordination entre gouvernements, institutions financières et secteur privé. A l’évidence, le temps où la finance africaine jouait les seconds rôles est révolu. Elle n’est pas un concept flou ou une vague aspiration.
Avec des hubs comme Casablanca Finance City, des champions nationaux comme les groupes Attijariwafa bank, Banque Centrale Populaire ou Bank of Africa, et des initiatives panafricaines ambitieuses, l’Afrique peut enfin rêver grand. Mais rêver ne suffit pas : il faut agir. Comme l’a si bien résumé Nadia Fettah, «la clé du succès réside dans une collaboration active pour non seulement mobiliser des fonds, mais aussi bâtir un écosystème propice à l’innovation et à la croissance durable». Une leçon à méditer pour les sceptiques et les procrastinateurs.
Par D. William