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Inflation : Une compagne bien encombrante

Inflation : Une compagne bien encombrante

L’inflation joue les trouble-fêtes et oblige la Banque centrale à resserrer davantage sa politique monétaire.

La facture énergétique s’est appréciée de 116,3% à 128,3 milliards de dirhams.

La décompensation programmée des prix des produits subventionnés va alimenter les tensions inflationnistes.

 

Par D. William

 

Les tensions inflationnistes ne sont pas prêtes de s’estomper. Les niveaux élevés des prix vont persister au-delà de cette année qui s’achève. En novembre, l’indice des prix à la consommation a enregistré une évolution de 0,4% par rapport au mois précédent, conséquence de la variation à la hausse de 0,4% de l’indice des produits alimentaires et de 0,5% de l’indice des produits non alimentaires. Sur une année glissante, l’inflation culmine à 8,3%, avec une hausse de l’indice des produits alimentaires de 14,4% et de celui des produits non alimentaires de 4,5%.

Au terme de l’exercice 2022, et selon les données de Bank Al-Maghrib, l’inflation devrait se situer à 6,6%, après 1,4% en 2021, tirée essentiellement par l’accélération de la hausse des prix des produits alimentaires et des carburants et lubrifiants. En 2023, elle se situerait en moyenne à 3,9%.

 

Des niveaux de prix élevés, malgré la détente

La guerre en Ukraine, la reprise post-pandémie, ainsi que les tensions sur les chaînes de production et d’approvisionnement au niveau mondial… sont autant de facteurs qui alimentent l’inflation. Les niveaux des prix restent certes élevés, mais une détente est actuellement perceptible, avec notamment la baisse des tensions sur les produits énergétiques et alimentaires. Les cours des produits énergétiques se sont ainsi repliés, suite à la baisse de la demande et des difficultés d’approvisionnement. Ainsi, l’indice des prix des produits énergétiques, calculé par la Banque mondiale, a chuté en novembre de 4% sur un mois et de 20% depuis son pic de juin, ramenant sa hausse à 24% depuis début 2022.

Pour sa part, malgré son rebond de 1% en novembre, l’indice des prix des produits non énergétiques marque une baisse de 18% depuis son pic d’avril et de 3% depuis début 2022. Le recul des prix englobe les métaux de base (-25% entre avril et novembre), les fertilisants (-21%) et les produits alimentaires (-13%), fait savoir la Direction des études et des prévisions financières (DEPF). Toutefois, les prix moyens en 2022 restent historiquement élevés, marquant une forte hausse par rapport à 2021.

«Ainsi, sur les onze premiers mois de 2022, l’indice des prix des produits énergétiques a augmenté de 65% en glissement annuel. Sur la même période, l’indice des prix des produits non énergétiques a rebondi de 12%, tiré par les fertilisants (+73%), les produits alimentaires (+19%) et les métaux de base (+5%)», indique la DEPF. Notons qu’après une très forte hausse les premiers mois de cette année à cause de la guerre en Ukraine, les prix des produits alimentaires ont corrigé à la baisse, suite à une atténuation des contraintes sur l’offre. Ainsi, l’Indice de la FAO des prix des produits alimentaires a atteint un record de 159,7 en mars, en hausse de 19% depuis début 2022 et de 34% depuis un an, avant de reculer de 15% pour se situer à 135,7 en novembre, son plus bas niveau depuis janvier.

Conséquences de tout cela : le déficit commercial du Maroc s’est littéralement creusé. A fin octobre 2022, il s’est établi à 260,8 milliards de dirhams, en hausse de 56,4% par rapport à la même période de l’année précédente. Dans ce sens, la facture énergétique, qui représente 20,8% du total des importations, s’est appréciée de 116,3% à 128,3 milliards de dirhams, contribuant ainsi à hauteur de 36,6% à la hausse des importations totales, selon les données de la DEPF. «Cette évolution s’explique, pour l’essentiel, par l’appréciation des approvisionnements en gas-oils et fuel-oils (+124,5%), due à l’augmentation des prix qui ont plus que doublé (10.250 DH/T à fin octobre 2022 contre 4.971 DH/T un an auparavant)», note la même source. Parallèlement, les importations de produits alimentaires ont augmenté de 54,4% à 73,5 milliards de dirhams. Une évolution expliquée essentiellement par la progression importante des achats de blé (+126,6%), due à la hausse simultanée des prix (+52,7%) et des quantités (+48,4%).

 

La Caisse de compensation comme rempart

Le gouvernement tente tant bien que mal de limiter l’impact de l’inflation sur le pouvoir d’achat des ménages marocains. Outre les décisions actées à l’issue du dialogue social, notamment les hausses du SMIG, du SMAG et des pensions de retraite, différentes mesures ont été initiées, comme la suspension des droits de douane sur l’importation des graines oléagineuses de tournesol, soja et colza afin de limiter la hausse des prix de vente des huiles de table.

De même, les prix de l’électricité ont été maintenus et un soutien exceptionnel a été apporté aux transporteurs routiers. Lesquels viennent d’ailleurs de bénéficier d’une nouvelle tranche d’aide, ce qui situerait à 5 Mds de DH le montant global déboursé par l’Etat depuis le lancement de cette opération en avril dernier. Par ailleurs, le gouvernement a pris en charge l’augmentation des prix des biens subventionnés par la Caisse de compensation (gaz butane, farine et sucre). Rappelons que les prix du blé tendre (SRW) se sont établis à 365 dollars la tonne en moyenne sur les onze premiers mois de 2022, en hausse de 32% en glissement annuel.

Quant aux prix du gaz butane, ils ont enregistré 800 dollars la tonne en moyenne à fin novembre, en hausse de 28% en glissement annuel. Pour leur part, les cours mondiaux du sucre brut (ISA) ont marqué 407 dollars la tonne en moyenne sur les onze premiers mois, en hausse de 5% en glissement annuel. Au final, à fin novembre 2022, les charges de compensation ont explosé par rapport à fin novembre 2021, passant d’une période à l’autre de 18,6 à 38,6 milliards de DH, soit une augmentation de 107%. En cela, la décompensation programmée des prix des produits subventionnés aura pour conséquence un nouveau rebond de l’inflation à 4,2% en 2024, après l’accalmie observée en 2023 (3,9%). Cette fin des subventions, en ce qu’elle va alimenter les tensions inflationnistes, sera probablement le grand sujet économique de ces deux prochaines années.

 

 

 

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