Plus de 150 personnes sont actuellement poursuivies pour incitation à l’immigration clandestine, dans le cadre de cette affaire qui a secoué la ville de Fnideq la semaine dernière, où ont afflué 3.000 personnes voulant prendre d’assaut le préside occupé de Sebta.
Ce phénomène révèle un enjeu bien plus profond pour le Maroc, pris entre son rôle de passerelle entre l’Afrique et l’Europe et les pressions intenses d’une crise migratoire mondiale. Depuis plusieurs années, le Royaume joue un rôle important dans la gestion des flux migratoires vers l’Europe.
Son partenariat avec l’Union européenne lui confère la position de «gendarme» de la porte sud de l’Europe. Et ce qui s’est passé à Fnideq vient rappeler que les pressions migratoires sont loin de faiblir.
En effet, chaque année, des centaines de Marocains, mais aussi de personnes en provenance de l’Afrique subsaharienne et du Moyen-Orient tentent de franchir cette barrière invisible qui les sépare de l’espoir d’un avenir meilleur en Europe. La mer Méditerranée et les frontières de Sebta et Melilla deviennent alors les symboles de cette quête désespérée.
Le Royaume a mis en place des mesures strictes pour empêcher ces traversées, notamment en renforçant la sécurité aux frontières, en lançant des patrouilles maritimes et en collaborant avec les forces de l’ordre européennes.
Mais, malgré ces efforts, l’immigration clandestine continue de prospérer dans les interstices d’un système mondial qui peine à trouver des solutions durables. Car elle n'est pas qu'une question de lois et de politiques, c'est aussi une histoire d'humains, de familles entières qui sacrifient tout pour sortir de leur détresse économique et sociale.
Entre protection et responsabilité morale
Le Maroc se retrouve pris dans un dilemme: protéger ses frontières tout en gérant les droits humains des milliers de migrants qui transitent par son territoire. Contrairement à ce qui se passe en Algérie ou en Tunisie, le Royaume, fort d’une politique migratoire humaniste et malgré ses propres défis économiques et sociaux, a fait des efforts notables pour bien accueillir et intégrer les migrants.
Plusieurs campagnes de régularisation ont permis à des milliers de personnes de rester légalement sur le sol marocain, leur offrant ainsi un répit temporaire et une forme de stabilité. Mais ce qui est certain, c'est que la situation actuelle met en lumière une fracture mondiale qui va bien au-delà des frontières marocaines.
Les migrants ne fuient pas seulement la pauvreté : ils fuient la misère sociale, les guerres, les dictatures, les catastrophes climatiques… Ils fuient un monde qui leur a tourné le dos. Et dans cette quête désespérée, ils se retrouvent souvent à la merci de réseaux de passeurs sans scrupules, exploitant leur vulnérabilité. L'Europe, de son côté, continue à renforcer ses frontières. Oui, l’Europe se barricade.
Bienvenue l’époque des barrières, des barbelés, des murs et des garde-côtes surarmés. L’Europe devient une forteresse, avec une politique migratoire scénarisée comme une fiction.
La fiction que des murs pourront stopper les migrants. La fiction que des législations plus sévères dissuaderont ceux qui n’ont rien à perdre. La fiction que l’Europe, en se protégeant, protégera sa fameuse «identité».
Alors l’on ne peut que se réjouir d’entendre parfois, ici et là, quelques voix discordantes qui émergent du brouhaha général pour rappeler que les migrations ont aussi enrichi ce continent. Que l’avenir de l’Europe pourrait, peut-être, se dessiner non pas dans le rejet, mais dans l’intégration.
Il y a également une certitude : les barrières ne tiendront pas face à ce vent de détresse qui souffle du Sud. Les murs, fussent-ils en béton, finissent toujours par s’effriter devant la force d’une humanité en mouvement.
Au Maroc comme en Europe, il y a cette vérité que les dirigeants comprennent : les frontières physiques sont impuissantes à arrêter les vagues d’espoir. La question est donc de savoir s’il faut continuer à ériger des remparts ou s’il faut chercher des réponses humaines à des problèmes humains.
D.William