Ceux qui ont un penchant pour la poésie engagée reconnaîtront ce titre emprunté de l’œuvre la plus célèbre d’Aimé Césaire, publiée en 1939. Rassurez-vous, il ne s’agit pas de s’épancher ici sur les conditions révoltantes des Noirs durant cette époque, ni sur la colonisation, encore moins sur la négritude.
C’est juste que «Cahier d’un retour au pays natal» colle parfaitement bien avec le cheminement de nos compatriotes établis à l’étranger qui, chaque année, font le trajet inverse pour retrouver leurs proches et ce Maroc profond avec ses coutumes, ses réalités sociétales, sa richesse culturelle, ses senteurs enivrantes… Mais il ne s’agit pas d’un voyage comme les autres. Bien au contraire. Car ce retour des Marocains résidant à l’étranger (MRE) dans leur pays est tellement important que toute une mécanique a été mise en place.
Depuis 2001, en effet, un dispositif d’assistance original a été déployé par la Fondation Mohammed V pour la solidarité : l’opération Marhaba. Objectif : accompagner, dans les meilleures conditions, les flux croissants des MRE à leur retour au Maroc, pendant la période estivale. Chaque été, c’est donc une grosse machine qui est mise en branle pour accueillir nos compatriotes.
Dans le cadre de l’opération Marhaba 2019, et sur la période allant du 5 juin au 1er septembre, 2,5 millions de passagers et 600.000 véhicules ont transité dans les deux sens par les quatre ports concernés par cette opération, à savoir : Tanger Med, Tanger Ville, Nador et Al Hoceima. Au total, 30 navires ont été mobilisés pour 631 rotations hebdomadaires sur les 11 lignes maritimes reliant les 4 ports du nord du Royaume aux ports européens de l’Espagne, de la France et de l’Italie.
Des enjeux éminemment importants
L’opération Marhaba 2020 n’a pas eu lieu. Celle de 2021 non plus. La crise sanitaire est passée par là. Marhaba 2022 aura donc une saveur et une dimension très particulières. Parce que le retour des MRE, ce n’est pas juste une histoire de valises, de trolleys et de villégiature. Pour deux raisons principales :
• D’un côté, il y a la portée de l’aspect socioéconomique. Au-delà de retrouver leurs proches, les MRE ne reviennent pas au Maroc l’escarcelle vide : ils sont non seulement d’importants pourvoyeurs de devises, mais ils vont aussi contribuer à soutenir un secteur touristique national particulièrement chahuté par la pandémie. Au terme des trois premiers mois de 2022, leurs transferts ont atteint presque 23 Mds de DH, soit une hausse de 8,3% par rapport à la même période de l'année écoulée, selon l'Office des changes. En 2021, ces transferts se sont élevés à 93,3 Mds de DH contre 68,2 Mds de DH une année auparavant, soit une hausse de 37%. Vous comprenez maintenant pourquoi les MRE sont les chouchous du Royaume.
• D’un autre côté, il y a le volet politique qui s’est invité à l’opération de transit 2022. Laquelle n’aurait pu en effet se faire sans le réchauffement des relations diplomatiques entre Rabat et Madrid. La politique et l’économie doivent donc faire bon ménage. Car ce sont les efforts conjoints et coordonnés déployés par les deux parties qui peuvent garantir la réussite de Marhaba 2022.
C’est pourquoi la Commission mixte maroco-espagnole de transit s'est réunie le 5 mai courant à Rabat, dans le cadre notamment de la mise en œuvre de la feuille de route élaborée lors de la visite au Royaume en avril dernier de Pedro Sanchez, président du gouvernement espagnol. Les discussions ont porté sur les dispositifs opérationnels mis en place par les deux parties afin de garantir les meilleures conditions du déroulement de l'opération transit 2022. Au total, 32 navires seront ainsi mobilisés pour assurer 572 rotations hebdomadaires, offrant une capacité totale de 471.000 passagers et 124.000 véhicules par semaine.
La machine est donc lancée pour une opération unique en son genre qui doit permettre de faciliter au mieux le retour au pays natal de centaines de milliers de Marocains. Et ils sont attendus avec impatience. Le Maroc a besoin du Beur. Et de l’argent du Beur.
F. Ouriaghli