A l’occasion de la Journée internationale des transferts de fonds familiaux instaurée par l’Organisation des Nations unies, Cap unlimited, en collaboration avec Connecting intelligence, a organisé jeudi 16 juin à Casablanca un débat placé sous le thème : «Les transferts de fonds, un levier économique et social, l’impact de la pandémie Covid-19».
Cet événement vient, en effet, célébrer les 5 millions de femmes et hommes marocains travailleurs migrants à travers le monde. Au Maroc, les transferts de fonds représentent un enjeu majeur et stratégique puisqu’il s’agit de la première ressource financière extérieure pour le pays.
Selon les chiffres publiés par Bank Al-Maghrib, les transferts des MRE sont passés de 70 milliards de dirhams en 2020 à 93 milliards de dirhams en 2021.
Hazim Sebbata, directeur de Cash Plus, explique cette explosion particulière durant cette période par «un élan de générosité de la part des MRE qui ont pensé à soutenir leurs familles au vu des circonstances exceptionnelles. Une deuxième explication, c’est le fait qu’en Europe notamment il y a eu une forme de soutien des gouvernements envers les citoyens européens dont notamment les Marocains du monde. Par conséquent, cela a ruisselé en tant que soutien aux familles qui sont restées au Maroc».
Et de poursuivre : «On compte aujourd’hui des flux qu’on ne savait pas compter avant notamment pour ce qui est de l’informel. La pandémie a créé en particulier une fermeture des frontières, chaque pays était volontairement isolé du reste du monde. On ne pouvait donc pas avoir des flux de personnes, et qui dit flux de personnes dit forcément flux d’argent. De fait, ce même phénomène on l’a vécu à l’intérieur du pays, on ne pouvait pas aller d’une ville à l’autre ou exceptionnellement. Le Marocain n’a donc pas trouvé d’autres moyens que de passer de manière formelle par les services des partenaires financiers, en l’occurrence les banques et les établissements de paiement qui ont servi à porter ces flux-là».
Pour Mouaawia Essekeli, PDG de Wafacash, «le digital ne pèse pas beaucoup pour être comparé aux circuits classiques mais c’est le moyen qui permet de réduire le coût d’envoi, ce qui est aussi l’objectif initial des grands organismes internationaux notamment l’ONU et la Banque mondiale. Ceux-ci visent à arriver à un coût d’envoi d’argent des migrants de moins de 3%. Au Maroc, nous nous rapprochons de ce résultat. Il faut savoir que le but du digital, c’est de simplifier et accélérer l’instantanéité des envois», insiste-t-il.
De son côté, Karim Amor, président de la 13ème région des Marocains entrepreneurs du monde de la CGEM «MEM», affirme que leur grande préoccupation au sein de la CGEM «porte sur le fléchage des transferts des MRE vers de l’investissement productif. Quand nous faisons le calcul sur la totalité de ces transferts, nous avons pratiquement plus de 80% qui sont orientés vers du transfert destiné à la consommation, à savoir le paiement des factures et l’investissement immobilier, et le reste du reliquat, soit 15%, va vers de l’investissement productif. Pour renouveler cette manne financière, il faut travailler sur des sujets de transhumance d’un «Love Money», parce qu’on sait qu’il risque de se tarir vers un transfert beaucoup plus productif qui, lui, part d’un investissement pouvant aller jusqu’à 10 ou 20 millions de dirhams».
Pour maintenir ce flux financier, Abdelkrim Belguendouz, Universitaire, chercheur spécialisé en matière de migration, revient sur un certain nombre d’éléments qu’il estime importants. «Il faut améliorer la bancarisation des MRE et je pense aussi qu’il y a une nécessité beaucoup plus importante qui est la marocanité de ces derniers en sus de garantir la reconnaissance de leur dignité et de leurs droits. Au niveau du cadre général, il faut assainir l’environnement notamment au niveau de la justice, de la spoliation des biens immobiliers, lutter contre la corruption qui continue à exister, les malversations car tous ces facteurs constituent de réels blocages. Il faut donc intégrer tout cela dans le cadre d’une politique et vision globales».
Et d’ajouter : «La dominante financière a toujours été la marque de fabrique des pouvoirs publics depuis les années 60. Les MRE veulent être des citoyens à part entière au Maroc, et participer dans tout ce qui relève des aspects politiques et ceux démocratiques notamment leur présence au parlement qui est une nécessité absolue compte tenu de la Constitution et du discours historique de SM le Roi Mohammed VI du 6 novembre 2005».
Les intervenants ont formulé à cette occasion une batterie de recommandations qui vont par la suite être envoyées au ministère des Affaires étrangères et de la Coopération ainsi qu’à l’ensemble des acteurs œuvrant dans ce domaine. Parmi leurs recommandations, on note :
• Encourager l’innovation en matière de digitalisation des services de transfert ce qui contribuera de manière sûre à l’augmentation des transferts de manière assez conséquente;
• Maintenir une synergie entre les politiciens, les banques et les établissements de paiement pour une convergence au niveau des stratégies portant sur les MRE.
Malak Boukhari