La Cour des comptes a réalisé une mission d’évaluation ayant porté sur le régime des pensions civiles de la Caisse marocaine des retraites, suite à la demande du président de la Chambre des conseillers dans le cadre de l’article 148 de la Constitution. Elle a notamment examiné les aspects suivants :
- Le diagnostic et les réformes du régime des pensions civiles;
- L’investissement et la gestion des réserves;
- La gouvernance de la Caisse et les frais de gestion.
Les conclusions auxquelles a abouti la mission
- Fragilité de sa situation financière : concrétisée en 2014 par un déficit technique de 936 MDH. En 2015, le déficit a atteint 2,68 Mds de DH, et à fin 2016, il a culminé à Mds de DH.
- Générosité du régime : avant la réforme de 2016, le régime offrait pour toute année de cotisation une annuité de 2,5% du dernier salaire. En 2016, suite à la réforme, ce taux d’annuité a été ramené à 2%. Or, conjugué à l’important abattement fiscal dont bénéficient les pensions de retraite, le taux de remplacement du régime reste élevé par rapport aux cotisations.
- Rapport démographique en dégradation continue : le nombre de retraités augmente plus vite que celui des affiliés. Par conséquent, le rapport démographique est passé de 12 actifs pour un retraité en 1986, à 6 en 2000, et à 2,23 en 2016 et devrait atteindre 1,74 en 2024.
- Autres facteurs de déséquilibre : D’autres facteurs ont un impact négatif sur l’équilibre du régime des pensions civiles. Il s’agit en l’occurrence des éléments suivants :
* les allocations familiales payées par le régime, pour lesquelles il n’existe pas de fonds de réserve dédié, ni cotisation spécifique destinée aux allocations familiales;
* le service immédiat des pensions en cas de départ anticipé à la retraite, contrairement au RCAR et au régime de retraite géré par la CNSS. Ces dernières années, on assiste à une recrudescence du départ anticipé en retraite pour les fonctionnaires ayant cumulé 18 ans de services pour les femmes et 24 ans pour les hommes. Ce nombre, qui a été de 1.635 en 2013, a atteint 7.521 en 2015, et a culminé à 8.617 en 2016. Et, même si, les départs anticipés du RPC subissent une décote, cette dernière ne permet pas d’assurer la neutralité pour le régime lorsque le départ anticipé a lieu à un âge suffisamment précoce.
Par ailleurs, la Cour des comptes souligne l’importance de la réforme paramétrique initiée par le gouvernement en 2016. Cette réforme aura un impact positif sur la viabilité du régime et permettra de réduire sa dette. En revanche, la Cour insiste sur le fait qu’au regard de l’ampleur des dysfonctionnements que connait le régime et leur caractère structurel, l’impact de cette réforme ne pourra être que de court terme.
Le déséquilibre du régime persistera tant qu’il n’aura pas connu un processus de réforme en profondeur. Pour pouvoir assurer la viabilité du régime des pensions civiles, la Cour réitère la nécessité d’engager une réforme profonde poursuivant les objectifs stratégiques suivants :
- s’orienter vers la création d’un pôle public, de manière à asseoir une convergence vers un régime public viable et pérenne;
- unifier les règles de liquidation des pensions dans l’ensemble du secteur public;
- s’orienter vers une tarification des prestations prenant compte de l’évolution démographique, sociale et économique que connait le pays;
- opter pour un taux de remplacement raisonnable avec un traitement approprié au profit des populations à faible revenu;
- s’acheminer vers un système de retraite plafonné avec l’introduction, autant que possible, d’une part de capitalisation afin que le poids de la retraite ne soit pas entièrement porté par les générations futures. Les actifs titulaires de hauts salaires pourraient souscrire à des compléments de couverture retraite sous forme de capital ou de rente viagère dont les montants dépendent de leur capacité contributive et leur volonté d’épargne.
- instituer des mécanismes de pilotage adaptés en vue de remédier aux sources du déséquilibre de manière appropriée et en temps opportun. De même, pour réunir les chances de succès de la réforme, celle-ci devrait reposer sur les principes fondateurs suivants :
* engager la réforme dans le cadre d’un dialogue élargi auquel prendraient part toutes les parties prenantes;
* s’inscrire dans une logique de progressivité visant à implémenter la réforme par étapes, selon une feuille de route qui pourrait faire l’objet d’une loi-cadre;
* préserver les droits acquis avant la mise en œuvre de la réforme;
* préserver le pouvoir d’achat des couches sociales les plus vulnérables ; - tenir compte de la pénibilité de certaines activités.