Le secteur touristique marocain connaît une dynamique ascendante, soutenue par l’implication croissante des startups qui jouent un rôle clé dans l’innovation et la création d’emplois. Entretien avec Said Tahiri, économiste et expert en tourisme.
Propos recueillis par Ibtissam Z.
Finances News Hebdo : Avec 25.000 emplois créés en 2023, quel rôle les startups peuvent-elles jouer dans l’accélération de cette dynamique ?
Said Tahiri : Merci pour cette question pertinente. Comme vous le savez, les startups jouent généralement un rôle crucial dans l’accélération de la dynamique de création d’emplois au Maroc. Leur capacité à innover, à s’adapter rapidement aux besoins du marché et à exploiter de nouvelles technologies émergentes leur permet de générer de nouvelles opportunités d’emploi. Au Maroc et dans notre secteur, elles favorisent la diversification de l’économie touristique en développant des services innovants comme les plateformes de réservation en ligne, les applications de gestion de voyages, les solutions de mobilité durable. De plus, en collaborant avec les acteurs traditionnels du tourisme, elles stimulent l’écosystème entrepreneurial et permettent de tirer le secteur vers le haut dans une véritable dynamique de croissance économique.
F. N. H. : Fatim-Zahra Ammor a souligné que «les startups sont au cœur de la transformation du tourisme marocain». A votre avis, comment s’intègrent-elles dans la feuille de route touristique 2023-2026 et quelles innovations apportent-elles pour renforcer la compétitivité du secteur ?
S. T. : La transformation digitale a toujours été au centre de nos préoccupations et un facteur clé de la réussite de la feuille de route proposée. Il était donc naturel que les startups y soient parfaitement intégrées en tant que catalyseurs et leviers de cette dynamique. Les startups apportent des innovations dans la gestion des données touristiques, le marketing digital, l’expérience client personnalisée et la gestion intelligente des infrastructures. Elles mettent en place des solutions basées sur l’intelligence artificielle et la big data et permettent de mieux comprendre les comportements des voyageurs et d’optimiser nos offres touristiques. Bien que nous ayons pris un peu de retard dans le processus de digitalisation, nous avons réussi à rattraper ce retard en améliorant le temps et la qualité de notre offre. Cela nous a permis de positionner notre pays comme la première destination touristique en Afrique, tout en abordant les échéances à venir avec plus de sérénité et de pragmatisme.
F. N. H. : Comment évaluezvous l’influence des startups technologiques sur la compétitivité du secteur touristique marocain, notamment en termes d’innovation, de services personnalisés et d’optimisation des infrastructures touristiques ?
S. T. : Cette influence est très significative. Clairement, les startups permettent d’améliorer l’efficacité opérationnelle des entreprises touristiques grâce à des outils de gestion automatisés, des plateformes de réservation intelligentes et des applications mobiles facilitant l’expérience des voyageurs. Elles favorisent la personnalisation des services, de répondre aux besoins de clients de plus en plus exigeants, d’innover pour réduire les coûts, améliorer la qualité des services et accroître la visibilité de nos offres touristiques à l’international et de notre destination.
F. N. H. : En quoi la digitalisation du secteur touristique peut-elle contribuer à la création d’emplois durables et à la formation des jeunes dans les domaines du numérique et de la gestion touristique au Maroc ?
S. T. : D’abord parce qu’elle génère de nouveaux métiers liés au digital, au marketing à la gestion de données, cybersécurité... Elle créé aussi des opportunités de formation continue et de développement des compétences. La digitalisation permet aux jeunes d’acquérir des compétences techniques recherchées qui accordent à notre destination un avantage compétitif certain. Elle favorise l’entrepreneuriat et facilite la création d’entreprises innovantes.
F. N. H. : La mise en place de solutions numériques pour le secteur touristique peut-elle aider à mieux gérer les flux touristiques et à réduire les impacts environnementaux associés au tourisme de masse, comme la gestion de l’eau ou les ressources naturelles ?
S. T. : Certainement, car elle permet non seulement de mieux gérer les flux touristiques grâce à des outils d’analyse prédictive, des systèmes de réservation intelligents et des applications de gestion en temps réel, mais elle aide aussi à orienter les choix des consommateurs et mettre en valeur les atouts touristiques de nos destinations. Je souligne aussi qu’il y a même des technologies numériques qui favorisent une gestion plus efficace des ressources naturelles, à savoir la consommation d’eau et d’énergie et les bonnes pratiques de tourisme durable…
F. N. H. : Quels sont les défis pour le Maroc dans l’intégration des startups et des technologies numériques dans le secteur touristique ?
S. T. : Le principal défi est celui du capital humain qu’il faut former et habituer à l’excellence de la prestation. Il est primordial de renforcer les capacités des professionnels du secteur par la formation et l’accompagnement. D’autres défis peuvent être relevés : ils concernent le manque de financement pour les startups et l’insuffisance des infrastructures numériques, notamment dans certaines régions reculées. Cela ne peut se faire qu’à travers un partenariat public-privé, où le privé joue son rôle d’acteur impliqué et engagé, mais où l’Etat accompagne aussi, grâce à des politiques de soutien à l’innovation, pour faciliter l’accès au financement, développer des programmes de formation adaptés et améliorer l’infrastructure technologique.