Malgré la proximité, le Maroc peine à séduire les touristes espagnols : à fin octobre 2022, les arrivées cumulées ont atteint presque 690.000.
Les Espagnols ont une préférence pour les concurrents directs du Royaume, notamment la Croatie, la Turquie ou encore l’Egypte.
Par D. William
Le Salon international du tourisme, plus connu sous le nom de Fitur, se tient à Madrid du 18 au 22 janvier 2023, avec la participation du Maroc. Cette grand-messe de l’industrie touristique internationale, qui fédère quelque 600 exposants et 82.000 professionnels, intervient dans un contexte marqué par la reprise de l’activité au niveau mondial, après plusieurs années perturbées par la pandémie liée à la Covid-19.
Les opérateurs marocains ne sont évidemment pas allés à Madrid l’escarcelle vide. L’Office national marocain du tourisme (ONMT) et la Confédération nationale du tourisme (CNT) leur ont mâché le travail, en leur donnant les clés pour réussir leur participation, mais surtout pour accrocher les touristes espagnols. L’enjeu est là : séduire les voisins espagnols qui sont loin de faire du Maroc une destination privilégiée. C’est ce que révèle en effet un document de l’ONMT et de la CNT diffusé auprès des professionnels du secteur, et dont Finances News Hebdo détient copie.
Un marché très important
Le document donne des informations touristiques importantes sur le marché espagnol. Il en ressort que 20,1 millions de départs à l’étranger ont été enregistrés en 2019, pour 144,3 millions de nuitées.
A fin septembre 2022, les voyages à l’étranger ont totalisé 12,07 millions (vs 16,22 millions à la même période de 2019), soit un taux de reprise de 74%, pour des dépenses totales de 11.171 millions d’euros vs 13.077 millions d’€ en 2019 (soit un taux de 85%). Les principaux motifs de ces voyages sont répartis entre les loisirs, la famille & les amis et le business. Si le Maroc figure dans le top 10 des principales destinations touristiques des Espagnols en 2020, il occupe néanmoins le 8ème rang (172.000), dans un classement dominé par la France (2,4 millions), l’Italie (1,2 million) et le Royaume-Uni (642.000). La pandémie a cependant plombé l’industrie touristique mondiale dans son ensemble durant cette période.
Aujourd’hui, le tourisme national se porte beaucoup mieux. Les arrivées aux postes frontières (APF) ont atteint, à fin septembre 2022, 7,7 millions, en hausse de +171,8% par rapport à la même période de l’année 2021, mais en baisse de 24,6% par rapport à fin septembre 2019. Et, à fin octobre 2022, les arrivées cumulées de touristes espagnols au Maroc ont atteint 689.997 (vs 724.932 en 2019), soit un taux de reprise sur 2019 de 95%, pour des nuitées de 397.785 (vs 731.958), avec un taux de reprise de 54% par rapport à 2019. A noter que le nombre de sièges disponibles vers le Royaume est passé de 599.000 à près de 750.000 entre l’hiver 2019-2020 et l’hiver 2022-2023, soit une augmentation de 25%. Et 30% des vols atterrissent à Marrakech, 20% à Casablanca et 20% à Tanger. Par ailleurs, entre l’été 2019 et l’été 2023, le nombre de sièges devrait passer de presque 935.000 à environ 1,4 million de sièges, soit une progression de 50%.
En été aussi, Marrakech capte l’essentiel des vols avec 27%, suivie de Tanger (20%) et Casablanca (17%). Au total, entre l’hiver 2022- 2023 et l’été 2023, le nombre de sièges vers le Maroc devrait totaliser plus de 2,1 millions, soit une hausse de 39%. La ville de Marrakech reste de très loin la destination préférée des Espagnols. Selon le document, la ville ocre s’offre 39% des touristes espagnols, suivie de Tanger (14%), Casablanca (7%), Fès (7%) et Agadir (7%).
Perception de la marque Maroc
Le benchmark établi pour mesurer les performances de la destination Maroc par rapport à ses concurrents directs (Tunisie, Turquie, Egypte et Coratie) est très révélateur. Il montre, selon le document, que la Croatie semble plus attractive que le Maroc aux yeux des voyageurs espagnols. De même, ces derniers considèrent davantage un séjour en Turquie ou en Egypte qu’au Maroc, alors que la Tunisie suscite a priori autant d’intérêt que le Royaume, mais a cependant attiré moins de touristes. Par ailleurs, «le Maroc bénéficie d’une moindre considération des voyageurs espagnols par rapport aux autres pays d’Europe du Sud. Son potentiel de revisite est très inférieur aux autres pays», fait savoir la même source.
Le potentiel de revisite du Maroc s’établit ainsi à 6%, contre 65% pour l’Italie, 63% pour le Portugal et 21% pour la Grèce. Le Royaume est aussi devancé par ses concurrents directs, notamment la Turquie, avec un potentiel de revisite de 11%, l’Egypte (8%) et la Croatie (10%). Et pour les différents types de voyages effectués par les touristes espagnols, le Maroc est également très mal loti.
Pour les Visites touristiques/Vacances culturelles, seuls 5% des Espagnols choisissent le Royaume, qui est devancé par ses concurrents directs, notamment la Croatie (24%), l’Egypte (22%, la Turquie (16%) et la Tunisie (11%). Et tant en ce qui concerne les «Vacances au soleil sur la place», «Rendre visite à des amis & familles», «visite de la ville/Séjour en ville» ou encore «Vacances multi-destinations», le Royaume arrive très loin derrière ses concurrents directs. La destination Maroc n’est donc pas suffisamment séduisante, même si elle est perçue par les touristes espagnols comme «pas du tout chère et offrant une variété d’activités».
C’est dire qu’il y a beaucoup de travail à faire pour saisir les opportunités qu’offre ce marché. Malgré l’avantage de la proximité, il faudra activer plusieurs leviers, tels que ceux prévus dans la nouvelle feuille de route du secteur : étoffer l’offre touristique, relever qualitativement les prestations offertes, booster les dessertes aériennes, ou encore mettre le paquet sur le digital…, surtout que «les 2/3 des Espagnols élaborent leur voyage eux-mêmes, en s’informant pour beaucoup via le Net».
