Par Abdelhak Najib
Écrivain-journaliste
Dans ce flou pas très artistique qui entoure le vaccin au Maroc, il y a au moins une éclaircie sous forme de déflagration qui a frappé, ce jeudi 21 janvier, le Serum Institute of India, le plus grand fabricant de vaccins au monde. C’est là où sont produites actuellement des millions de doses du vaccin contre le coronavirus, Covishield, développé par AstraZeneca et l'Université d'Oxford. Rien que cela, et à un moment critique où les Marocains retiennent leur souffle parce que les livraisons devraient théoriquement arriver entre le 22 et le 26 janvier.
Si du côté de notre cher gouvernement, on ne parle plus de ce vaccin, les responsables indiens, eux, ont au moins eu le mérite de nous annoncer sans trop d’effusion d’informations que des pays « comme le Maroc et le Brésil devront peut-être attendre quelques jours de plus ».
Pourtant, du côté marocain, un Dreamliner de la RAM a été programmé pour voler vers l’Inde ce jeudi 21 janvier. C’est déjà là le deuxième report puisque la livraison des premières doses était prévue pour le 15 janvier 2021.
Dans cette valse des reports, les responsables indiens laissent encore planer le doute puisqu’ils précisent qu’il est possible que c’est Air India qui pourrait s’occuper de transporter les vaccins vers le Maroc «une fois le gouvernement indien l’aura décidé.»
Autant dire que ce n’est pas gagné, cette histoire. Toujours sur la même cadence, le chef du gouvernement marocain, Saâd Eddine El Othmani rompt son silence avec un tweet où il explique les raisons du retard accusé pour vacciner les Marocains :
-«La capacité de production est inférieure à la demande internationale.
-la rareté des vaccins à l’échelle mondiale a conduit à une forte spéculation.
-Les pays producteurs ont changé leur politique et ont donné la priorité à la vaccination de leur population.»
Sérieusement, les «précisions» du chef de gouvernement n’apportent aucun éclairage. Cela s’apparente tout au plus à un commentaire standard sur une situation qui lui échappe. Bien sûr, il est prévisible que les pays producteurs vont d’abord vacciner leurs populations.
Bien sûr, ces vaccins font l’objet de toutes les spéculations. Bien sûr que c’est la course à qui va se vacciner le premier. Et toutes ces raisons, sont connues des Marocains. Sans oublier, la phrase qui sonne comme un sésame : « Le Maroc est fin prêt pour réussir l’opération de vaccination », dixit Saâd Eddine El Othmani.
Rien de nouveau sous le soleil du Covid 19. Alors qu’en-est-il finalement de ce vaccin ? Les Marocains vont-ils se faire vacciner ou devraient-ils faire les frais de la valse des décideurs ? En attendant des réponses à ces deux questions pourtant claires, il faut remonter un peu dans le temps. Nous sommes le 18 septembre 2020.
Le ministre de la santé, Khalid Ait Taleb, signe un mémorandum d’entente pour l’acquisition de vaccins anti-Covid-19. Un vaccin produit par la Société ‘R-Pharm’, sous licence du groupe AstraZeneca. On s’en souvient, le gouvernement faisait de cette signature ses choux gras : le but étant de sécuriser l’approvisionnement de notre pays en quantités suffisantes de vaccins. Pourtant plus de trois mois après le lancement de la compagne de vaccination nationale, aucune trace de ces vaccins.
Entre retard et report, il y a aussi l’inconnue du changement du fournisseur, qui est passée sous silence. La raison mise en avant est la volonté de diversifier les sources de production pour assurer aux Marocains cet hypothétique vaccin. Alors, nous sommes passés de R-pharm à l’Indien Serum Institute Of India (SII), producteur de vaccin sous licence du groupe AstraZeneca.
À vouloir courir plusieurs lièvres, on est presque assuré de perdre la course. L’option russe était de loin plus rassurante, puisque les Russes vaccinent leurs populations avec le fameux Spoutnik V et produisent pour la demande étrangère. Qu’est-ce qui a motivé ce changement de fournisseur ? Malin qui nous le dira. Ceci dit, du côté officiel marocain, on donne encore et toujours dans la littérature du flou.
Le chef du gouvernement, toujours lui, pour ne pas changer, affirme le 19 janvier, devant la deuxième Chambre du Parlement qu’«il n’y a pas encore de date pour le démarrage de la campagne de vaccination». Pourtant, ladite compagne a été annoncée il y a plus de 90 jours.
Et il ajoute : «L'offre en vaccins est très insuffisante par rapport à la demande et les pays producteurs vont d'abord garantir leur demande interne avant d'exporter». Autrement dit, les Marocains peuvent attendre.
Aux dernières nouvelles, le gouvernement indien a donné son feu vert pour expédier les vaccins vers le Maroc, ce vendredi 22 janvier. Gageons que le Dreamliner marocain atterrira à Casablanca avec la promesse d’un soulagement prochain. Amen
Abdelhak Najib
Ecrivain-Journaliste