Plusieurs taximen classiques utilisent ces applications VTC pour se faire un surplus de revenu. Mais l’activité n’est pas réglementée et suscite des tensions régulières entre professionnels et particuliers.
Par D. M.
Le Maroc est un pays qui attire de plus en plus d’investisseurs. Profitant de ce terrain propice, plus d’une dizaine de sociétés locales et internationales offrant un service de voitures de transport avec chauffeur, communément appelées VTC, y ont émergé et représentent une source d'opportunités de revenus pour des milliers d’individus, en particulier les jeunes.
Présentes au Maroc depuis plusieurs années, les sociétés de VTC à l’instar de Heetch, Indriver, Yassir et bien d’autres, ont apporté une nouvelle alternative aux moyens de transport classiques dans le Royaume. Mais malgré l'essor croissant du nombre de chauffeurs de VTC et d'utilisateurs, il n'y a pas eu de mouvement significatif pour mettre en place une réglementation adéquate encadrant la pratique de cette activité au Maroc. Les récents débats autour de cette question soulignent les enjeux cruciaux liés à la sécurité, à la concurrence équitable et à la protection des travailleurs. D’ailleurs, les tensions sont vives entre professionnels du transport, notamment les taxieurs, et les particuliers qui exercent cette activité à l’occasion, voire régulièrement.
Le 7 juillet 2023, le ministre délégué chargé des Relations avec le Parlement, porte-parole du gouvernement, Mustapha Baitas, avait déclaré que «le secteur du transport est un environnement où il doit y avoir un élément essentiel, à savoir la transparence et la concurrence loyale… Le ministère du Transport travaille sur le lancement d’une étude, à la suite de laquelle celui-ci fixera le cadre réglementaire de ces nouveaux services de mobilité».
Par ailleurs, malgré l’inexistence d’une loi sur la pratique de cette activité, les wilayas des villes où se déploient les sociétés de VTC autorisent certaines d’entre elles à exercer en intermédiation entre les taxis et les passagers. C’est le cas de la société Heetch qui dispose d’une autorisation d’intermédiation signée de la wilaya de Casablanca. «Il y a une différence entre légalité et règlementation. L’activité est légale, mais il manque la réglementation du secteur. Par ailleurs, nous étions les premiers à avoir demandé et obtenu l’autorisation de la wilaya de Casablanca», nous précise Zakaria Essad, Directeur général délégué de Toogo (l’application VTC de Heetch Maroc SA). Evoluant dans le secteur des technologies, ces sociétés se considèrent comme intermédiaires entre deux parties, à savoir le détenteur d’un véhicule et l’utilisateur. Notons que plusieurs taximen classiques utilisent ces applications VTC pour se faire un surplus de revenu.
«Nous sommes des prestataires technologiques. Nous fournissons des plateformes de mise en relation entre 2 personnes : la première dispose d’un véhicule et veut gagner un peu d’argent et la deuxième souhaite se déplacer d’un point A à un point B moyennant une certaine somme. Notre objectif est de les mettre en relation», explique Essad. À bien voir selon lui, une autorisation n’est donc pas nécessaire, «c’est comme si on demandait à Facebook une autorisation». Le vide juridique est une épine dans le pied pour les sociétés de VTC.
En effet, les professionnels ayant choisi cet environnement de travail se retrouvent confrontés à de nombreuses situations affectant non seulement la sérénité de leur exercice au quotidien, mais aussi celle des utilisateurs friands de ce mode de transport moderne et pratique. Zakaria Essad précise à ce titre que «le manque de réglementation crée un climat d'incertitude et d'instabilité pour les chauffeurs, qui opèrent dans un vide juridique sans cadre clair. De plus, l'absence de réglementation peut compromettre la sécurité des passagers, car il n'y a pas de normes claires en matière de formation des chauffeurs, de suivi des antécédents ou de maintenance des véhicules. Les utilisateurs peuvent, dans certains cas, en utilisant des applications moins sélectives, se retrouver exposés à des risques plus élevés lors de leurs déplacements».
Selon notre source, le ministère est conscient des pressions exercées par les acteurs traditionnels du transport sur les chauffeurs de VTC et reconnaît l’apport économique que peut générer la réglementation de ce secteur. «En annonçant le lancement d'une étude en vue de l'élaboration d'un cadre réglementaire, le ministère montre sa volonté d'adresser les défis actuels et de créer un environnement propice à la croissance durable du secteur des VTC», estime Zakaria Essad.
Qui suggère par contre «qu’une action concrète de la part des autorités soit faite, car elle pourrait permettre au gouvernement de mieux contrôler et de collecter les taxes et les impôts, ce qui contribuerait à renforcer les finances publiques et soutenir d'autres initiatives sociales et économiques. Cela pourrait également améliorer l'image du Maroc en tant que destination touristique en offrant aux visiteurs des services de transport fiables, sûrs et de qualité». Il rappelle que la proximité d'événements sportifs internationaux majeurs, dont la CAN 2025 ou la Coupe du monde 2030, et la perspective d'accueillir un nombre croissant de touristes dans les années à venir mettent en évidence l'urgence de réglementer ce secteur.