Le tout nouveau locataire de la Maison Blanche reste fidèle à ses promesses électorales et entame un retour au pouvoir qui ne ressemble à rien de moins qu’une tempête politique. A 78 ans, il débute ce second mandat avec des mesures choc et une posture impérialiste.
Par D. William
L'âge d'or de l'Amérique commence». C'est par cette promesse aux accents prophétiques que Donald Trump, 47ème président des Etats-Unis, a marqué son retour au pouvoir. A 78 ans, celui qui s'est autoproclamé «sauveur de la nation» entame son second mandat avec un programme qui ne laisse personne indifférent.
Dès son premier jour au pouvoir, Donald Trump a imposé sa marque : cinquante décrets signés en une rafale, marquant une rupture brutale avec les politiques de son prédécesseur, Joe Biden. Parmi les décisions les plus notables, comme le gel de tout recrutement dans la fonction publique (à l’exception de l’armée) et l’annulation des mesures de travail à distance pour les fonctionnaires de l’Etat,certaines relèvent presque de la provocation.
C’est le cas notamment du retrait des USA de l'Accord de Paris sur le climat, avec une déclaration tranchante qui pourrait séduire les industries fossiles: «Nous n’allons pas saboter nos industries pour un pacte qui n’apporte rien sauf des pertes», a-t-il affirmé, ajoutant que «nous allons forer, et forer encore. L’Amérique doit être le leader mondial de l’énergie».
Mais en sortant de l’Accord de Paris, Trump balise la voie à la Chine, qui s’impose comme le champion mondial de la transition énergétique et ne cache pas son ambition de combler le vide laissé par Washington. De même, Trump a signé un décret officialisant le retrait des Etats-Unis de l'Organisation mondiale de la santé (OMS). Il prendra effet dans un an, période durant laquelle les USA cesseront leurs contributions financières à l'OMS.
Au cours du cycle budgétaire 2024-25, les contributions américaines se sont élevées à 662 millions de dollars, soit 19% des recettes totales de l’Organisation. Ce retrait rappelle une tentative similaire en 2020, également initiée par Trump, mais annulée par Joe Biden en 2021. Au cœur de la stratégie de Trump, l'immigration reste également un cheval de bataille. Son discours inaugural, marqué par des références au «sang empoisonné de l’Amérique» par les flux migratoires, s’est traduit par des mesures spectaculaires. L’état d’urgence a été proclamé à la frontière sud et mobilise l’armée pour repousser ce qu’il appelle «l’invasion de millions de criminels».
Une décision qui s’accompagne d'une reprise immédiate de la construction du mur avec le Mexique. A cela, s’ajoute l’annulation du droit du sol pour les enfants de migrants illégaux, qui marque un durcissement sans précédent. Dans le même sens, Trump s’attaque aux valeurs progressistes qu’il qualifie de «délire woke». Les programmes de diversité et d’inclusion sont démantelés, et les documents fédéraux ne reconnaissent plus le genre «X» pour les personnes non binaires. «Dès aujourd’hui, le gouvernement reconnaît uniquement deux sexes, masculin et féminin», a-til martelé. Ce tournant conservateur reflète une volonté de plaire à une Amérique blanche, rurale et nostalgique, sauf qu’il alimente les divisions dans un pays déjà polarisé.
L’Amérique face au monde
Sur la scène internationale, Trump affiche une posture paradoxale. Il se positionne comme «l’artisan de la paix», mais ses premières décisions relèvent davantage de la confrontation que de la diplomatie. A l’égard de la Russie et de l’Ukraine, il joue un rôle ambigu. En public, il presse Vladimir Poutine de «trouver un accord rapidement avant qu’il ne détruise la Russie». Pourtant, ses critiques envers les milliards d’aides versées à Kiev laissent entendre une lassitude face à l’engagement américain dans ce conflit.
Mais c’est en Amérique latine que Trump choque le plus. La réinscription de Cuba sur la liste noire des pays soutenant le terrorisme et sa promesse de «reprendre le contrôle du canal de Panama» rappellent des accents néocoloniaux. Ces annonces suscitent la colère des pays de la région. «Je me dois de rejeter intégralement les propos tenus par le président Donald Trump; le canal appartient et continuera d’appartenir au Panama», a déclaré le président panaméen José Raul Mulino, lundi 20 janvier, sur son compte X.
Tout autant, le Groenland est une obsession Trumpienne. Déjà, en 2019, il a surpris le monde avec une proposition aussi inattendue que controversée : acheter le Groenland, cette immense île arctique recouverte de glace, sous souveraineté danoise. Une idée qui a déclenché une avalanche de réactions, allant du rire à la consternation. Aujourd’hui, il semble déterminé à ressusciter ce projet, confiant que le Danemark finirait par céder sur la question. «Le Groenland est un endroit merveilleux, nous en avons besoin pour la sécurité internationale. Je suis sûr que le Danemark va se faire à l'idée» de le céder aux Etats-Unis, a-t-il affirmé.
Sur le plan économique, la vision de Trump repose sur un protectionnisme affiché. Il prône le «Made in America» et menace d’imposer des droits de douane généralisés pour rééquilibrer les déficits commerciaux. Le Canada et le Mexique ont d’ores et déjà fait les frais de cette posture, avec des droits de douane de 25% sur tous les produits entrant aux USA dès le 1er février prochain. Deux autres cibles sont dans le viseur du nouvel occupant du Bureau ovale : la Chine et l’Union européenne. «Nous discutons de 10% de droits de douane sur les produits chinois parce qu’ils envoient du fentanyl au Mexique et au Canada», a affirmé Trump. Ces déclarations, assorties d’une annonce de taxes dès le 1er février, n’ont pas laissé Pékin de marbre. «Nous avons toujours estimé qu'il n'y a pas de gagnants dans une guerre commerciale ou une guerre des droits de douane», a rappelé Mao Ning, porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères, ajoutant que la Chine reste «fermement déterminée» à défendre ses intérêts nationaux.
Concernant l’UE, Trump affirme qu’elle «est très mauvaise pour nous. Ils nous traitent très mal. Ils ne prennent pas nos voitures ou nos produits agricoles. En fait, ils ne prennent pas grandchose». Résultat ? Des droits de douane imminents, parce que, toujours selon lui, c’est «le seul moyen pour les Etats-Unis d’être traités correctement». Face à un déficit commercial américain avec le Vieux continent qu’il chiffre à 350 milliards de dollars, Trump estime que l’UE profite de l’Amérique tout en agitant l’étendard du libre-échange.
Ces attaques, loin de surprendre, réactivent de vieilles cicatrices pour l’Union européenne, qui ne reste pas sans voix. Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne, a joué la carte du pragmatisme lors du Forum économique de Davos : «Notre première priorité est d'entamer rapidement des discussions sur nos intérêts communs et d'être prêts à négocier. Nous serons pragmatiques, mais nous resterons fermes sur nos principes : la défense de nos intérêts et le respect de nos valeurs».
Même son de cloche chez Valdis Dombrovskis, commissaire européen à l’Economie. Lors d’une réunion des ministres des Finances à Bruxelles, il a assuré que l’Europe était «prête à défendre ses intérêts économiques» face à ce qui pourrait bien devenir une nouvelle guerre commerciale. Il a rappelé que cette stratégie protectionniste avait déjà été expérimentée sous la première administration Trump, avec des droits de douane imposés sur l’acier et l’aluminium.
A l’époque, l’Europe avait répondu par des surtaxes ciblées, visant des icônes américaines comme les motos HarleyDavidson et le bourbon. Mais aujourd’hui, au regard d’une économie mondiale déjà sous pression et des incertitudes géopolitiques, «tout conflit commercial entraînerait un coût économique substantiel pour tout le monde, y compris les EtatsUnis», avertit Dombrovskis. Bref, pour maints observateurs, le retour de Donald Trump à la Maison-Blanche inaugure une nouvelle ère d’instabilité. Ses mesures spectaculaires divisent les opinions, tant aux Etats-Unis qu’à l’international. Si ses partisans voient en lui un leader qui redonne à l’Amérique sa fierté, ses adversaires dénoncent une dérive autoritaire.
«L’Amérique n’a pas encore vu tout ce dont je suis capable», a déclaré Trump à ses partisans. Une promesse autant qu’une menace, laissant planer le doute sur les véritables intentions de ce président hors normes. A mesure que ses décisions façonnent un nouveau paysage mondial, il reste à voir si cette «grandeur retrouvée» sera durable ou si elle laissera des cicatrices profondes sur la démocratie américaine et l’ordre international. Une chose est sûre : avec Trump, le monde ne connaît ni repos ni certitude.