Une nouvelle photo de famille pour le gouvernement Akhannouch II, immortalisée le 23 octobre au palais royal de Rabat. Mais cette dernière, tout en symboles et en sourires, dissimule mal un constat amer : l’électrochoc attendu n’a pas eu lieu.
Ce remaniement, qu’on espérait porteur d’élan et de renouveau, ressemble davantage à un simple rafistolage. Les véritables défis, eux, persistent, voire s’aggravent, rendant incertaine la capacité de cet exécutif à infléchir la trajectoire actuelle du Maroc.
Le premier défi qui attend cette équipe est sans nul doute le chômage des jeunes, un sujet brûlant qui préoccupe au-delà des sphères économiques. Avec un taux de 36,1% pour les 15-24 ans et de 21,4% pour les 25-34 ans au second trimestre 2024, l’insertion professionnelle des jeunes reste un mirage pour beaucoup. Les promesses faites en 2021 par Aziz Akhannouch, de créer un million d’emplois nets durant son mandat, paraissent bien lointaines. Aujourd’hui, malgré les initiatives estampillées Awrach ou Forsa, les résultats demeurent très en-deçà des attentes et l’impact sur le quotidien des jeunes reste marginal.
Les chiffres, certes, peuvent paraître abstraits, mais les histoires de désespoir derrière eux, elles, sont bien réelles. Combien de jeunes marocains, déçus et découragés, songent-ils à l’exil comme ultime échappatoire ? L’émigration clandestine fait souvent les gros titres, et pour cause : des villes comme Fnideq deviennent des points de rassemblement pour ceux prêts à risquer leur vie en quête d’un avenir meilleur. Face à cette hémorragie, le gouvernement semble bien peu inspiré. Le silence est de mise. Le discours absent. Et si tant est qu’il s’exprime, sa communication peine à rassurer ou à galvaniser. Secteurs sous tension Dans les couloirs du ministère de l’Éducation nationale, la valse des ministres continue, chacun apportant sa propre vision avant de céder sa place au suivant.
C’est le cas pour Chakib Benmoussa, récemment nommé à la tête du haut-commissariat au Plan (HCP), alors qu’il était en pleine phase d’exécution de la réforme de ce département. Il est remplacé par Mohamed Saad Berrada, issu du monde des affaires, mais qui fait figure de novice pour une telle fonction ministérielle. Forcément, sa nomination soulève des doutes sur sa capacité à naviguer dans les eaux tumultueuses de l’Education, un domaine hautement stratégique et où les tensions avec les différents intervenants sont quasi permanentes.
Dès lors, son parcours en dehors du secteur ne garantit pas nécessairement une compréhension fine des enjeux pédagogiques et sociaux. Parviendra-t-il alors à dialoguer avec des syndicats constamment mobilisés ou à inspirer une jeunesse en quête de sens et de perspectives ? La réponse est loin d’être acquise. L’Education nationale n’est pas le seul secteur sous tension : il y a également l’Enseignement supérieur, avec notamment la grève des étudiants en médecine qui s’enlise. Le détenteur de ce portefeuille en a fait les frais. Abdellatif Miraoui a cédé son fauteuil à Azzedine El Midaoui, un universitaire très capé. Saura-t-il, pour autant, apaiser la colère des futures blouses blanches ?
Du côté de la Justice, Abdellatif Ouahbi conserve son poste, malgré une succession de polémiques et de manifestations de la part des professionnels du secteur. La grogne reste vive, les avocats et autres professionnels du secteur dénonçant des réformes qui semblent plus relever de l’improvisation que d’une vision à long terme. Alors, le maintien de Ouahbi, un pari risqué ? En tout cas, en période de contestation sociale et d’exigence de réforme intelligente, une figure décriée peut être plus un frein qu’un atout. Un changement cosmétique ? Les optimistes diront que le remaniement est un pas en avant, une tentative de redynamiser un exécutif qui semblait bien las. Mais une analyse plus scrupuleuse révèle un cadre rigide où les alliés (Rassemblement national des indépendants, Parti authenticité et modernité et Parti de l’Istiqlal) s’agrippent à leurs portefeuilles comme à des trophées de guerre.
Le jeu des alliances est bien plus important qu’une potentielle ouverture à des voix extérieures. Aucune concession vers l’opposition et pas de nouvelles têtes aux parcours indépendants pour insuffler des idées fraîches. Au fond, ce remaniement ressemble à une manœuvre pour renforcer l’équilibre interne entre ces trois partis, plutôt qu’une véritable tentative de renouvellement politique. Il apparaît comme un moment de transition, sans promesse d’amélioration majeure. C’est peut-être la raison pour laquelle certains ont choisi de voir cette réorganisation comme une simple répétition. Mais une telle approche risque de laisser en rade les préoccupations du Maroc profond : celui qui réclame des réponses concrètes face à des enjeux économiques et sociaux de plus en plus pressants. Et ce, dans un contexte où l’agenda politique reste très serré, l’année 2025 étant la dernière ligne droite avant les élections législatives de 2026.
F. Ouriaghli