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Maroc-France: Comme un air de chantage au visa

Maroc-France: Comme un air de chantage au visa

Le France maintient toujours sa décision prise le 28 septembre dernier de diviser par deux le nombre de visas délivrés pour le Maroc.

En 2021, 69.408 visas ont été attribués aux Marocains.

Globalement, Paris entretient une ambiguïté quasi outrancière dans le cadre de ses relations avec le Royaume. Analyse.

 

Par F. Ouriaghli

 

 

 

 

 

La plupart des Marocains qui souhaitent voyager durant cette période estivale à l’étranger, particulièrement dans un pays de l’espace Schengen, vont être contraints de revoir leurs plans. Pour obtenir le visa de la Belgique, de l’Espagne ou encore de la France, c’est la croix et la bannière. Non seulement les demandeurs sont soumis à un véritable parcours du combattant, mais ils n’ont en plus aucune assurance d’obtenir le fameux sésame, même s’ils remplissent amplement toutes les conditions requises.

Actuellement, c’est particulièrement le visa français qui est le plus difficile à obtenir par les Marocains, qu’ils soient hauts cadres ou encore chefs d’entreprises habitués à faire de l’Hexagone leur lieu de villégiature. Plusieurs d’entre eux ont été choqués de se voir refuser ce visa qui ressemblait pourtant à une simple formalité administrative.

Mais, c’était avant. Avant que la France ne durcisse, le 28 septembre 2021, les conditions d'obtention des visas à l'égard du Maroc, de l'Algérie et de la Tunisie qui «refusent» de délivrer les laissez-passer consulaires nécessaires au retour des immigrés refoulés de France. A ce titre, il a été décidé de diviser par deux le nombre de visas délivrés pour le Maroc et l'Algérie, et de 30% pour la Tunisie, en prenant 2020 comme année de référence. Cette mesure est triplement perverse :

• Primo, et il faut appeler un chat un chat : la France semble réellement s’adonner à un chantage aux visas en opposant le droit à la circulation des personnes à l’immigration irrégulière, dans un pays où la question migratoire cristallise actuellement tous les débats.

• Secundo, cette décision, comme l’a dénoncée le Bureau national des Français du monde (FDM Maroc), est «une atteinte grave à la mobilité internationale des personnes».

• Tertio, en prenant 2020 comme année de référence, les autorités françaises ont voulu vraiment marquer le coup. En effet, globalement, les visas délivrés par les ambassades et consulats de France à l’étranger ont fortement chuté en 2020, en raison de la pandémie liée au Covid-19 qui a sensiblement impacté les flux migratoires. Ce sont au total 712.317 visas qui ont été délivrés, soit un repli de 80%.

Au Maroc, 98.627 visas ont été attribués, soit un recul de 71% par rapport à 2019, d’après les statistiques du ministère français de l’Intérieur. Le maintien de cette décision entrainerait donc une réduction du nombre de visas délivrés aux Marocains, pour les ramener à moins de 50.000 cette année, après 69.408 en 2021.

 

Rien n’a bougé depuis

Le Maroc a timidement réagi à cette décision, estimant, par la voix du ministre des Affaires étrangères, Nasser Bourita, que «la décision (de la France) est souveraine», mais «injustifiée». «Le Maroc va l'étudier, mais les raisons qui la justifient nécessitent de la précision, un dialogue, car elles ne reflètent pas la réalité», avait-il ajouté. Le 3 novembre 2021, l’ex-porte parole du gouvernement français confirmera effectivement que «les discussions se poursuivent avec les autorités du Maroc, de l’Algérie et de la Tunisie». Faisant que «les choses bougent avec la Tunisie, puisque ce pays a produit plusieurs laissez-passer consulaires qui ont permis de leur renvoyer leurs ressortissants» que la France ne souhaite pas garder sur son territoire. Par contre, «avec le Maroc et l’Algérie, les échanges sont plus compliqués», admettait-il. Et le constat est sans appel aujourd’hui : malgré les cris d’orfraie lancés ici et là, rien n’a changé.

Et c’est le monde des affaires qui pâtit particulièrement de cette situation. L’Association marocaine des exportateurs (Asmex) s’était d’ailleurs insurgée contre  le durcissement des procédures d’obtention de visas pour les chauffeurs de camions TIR qui handicapent les exportations des denrées périssables.  Cette question a été remise sur la table par le patronat marocain lors d’une rencontre tenue en novembre dernier entre la CGEM et le ministère français du Commerce extérieur. Ces échanges «très diplomatiques» n’ont finalement abouti à rien. Mais pour Hassan Bendriss, professeur de relations internationales à l’Université Hassan II de Casablanca, «cette crise est passagère, et tôt ou tard la situation reviendra à la normale».

«La France est l’un des principaux partenaires du Maroc dans de nombreux domaines. C’est un allié traditionnel du Royaume. Les deux pays se connaissent très bien et entretiennent des liens historiques importants. Par moment, leurs relations connaissent quelques turbulences, mais avec le temps, les deux parties arrivent à trouver un terrain d’entente pour dissiper tous les malentendus ou trouver des solutions aux différends qui peuvent surgir», analyse-t-il.

La France, ce sacré partenaire !

Convenons-en  : la France a eu une curieuse manière de traiter ses «amis et partenaires» soi-disant privilégiés, en particulier le Maroc. Utiliser le visa comme moyen de pression, voire comme une sanction, c’est, comme l’affirme FDM Maroc, «faire payer aux populations l’échec des négociations diplomatiques». Mais au-delà des populations, cette décision nuit aux relations d’affaires entre les deux pays. Pourtant, entre pays qui se disent partenaires, priorité doit être exclusivement accordée aux négociations diplomatiques et à la recherche de compromis.

Au lieu de céder aux sirènes de l’arithmétique politicienne en tentant de pacifier une partie de l’opinion publique française passablement irritée par l’arrivée d’étrangers sur leur territoire. C’est vrai, en réduisant de 50% les visas accordés aux Marocains, la France a pris une décision souveraine. Mais il ne faut surtout pas qu’elle ait la mémoire courte. Grâce à ses renseignements, le Maroc a permis aux sécuritaires français de déjouer plusieurs attentats terroristes et d’appréhender des extrémistes qui s’apprêtaient à commettre des actes sanguinaires sur le territoire français. Rien que ça ! Et si, comme riposte, le Maroc ne partageait plus ses informations !? A cette possibilité, Bendriss apporte une réponse tempérée.

Selon lui, «le Maroc a toujours privilégié la politique du dialogue et la diplomatie des coulisses. Les ripostes ne sont pas directes et systématiques et prennent beaucoup de temps. Lors de l’annonce de cette décision, Rabat a pris acte, la considérant comme injustifiée sans pour autant choisir des voies plus hostiles». Pour autant, il faut que Paris sorte définitivement de son ambiguïté dans le cadre de ses relations avec le Royaume, et qu’elle se départe de sa diplomatie à géométrie variable. Et cela doit commencer par lever cette mesure absurde concernant les visas. Mais, plus important encore, Paris doit adopter une posture plus claire vis-à-vis du Sahara marocain, comme l’ont fait Madrid et Berlin. Comme le font les vrais amis.

«La position de la France concernant le Sahara marocain demeure la même; les déclarations du ministère des Affaires étrangères français à ce sujet sont quasi identiques. Paris est toujours en faveur d’un solution politique durable et mutuellement acceptable, conformément aux résolutions du Conseil de sécurité de l’ONU», souligne Bendriss. Non sans préciser que «dernièrement, le Maroc a montré qu’il est inflexible dans tous les bras de fer qu’il a menés avec de grands pays européens qui, au final, ont cherché à trouver un compromis avec le Royaume. C’est le cas de l’Allemagne ou de l’Espagne. Je pense qu’il en sera de même avec la France, surtout que la décision de réduire le nombre de visas n’a pas trouvé beaucoup de soutien de la part de toute la classe politique française, et elle risque de donner des effets contradictoires», conclut-il. 

 

 

 

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