En visitant Laâyoune et Dakhla, l'ambassadeur de France au Maroc, Christophe Lecourtier, a officialisé un tournant dans les relations maroco-françaises qui trouvent un ancrage fort dans les provinces sahariennes. L’on s’en doute, l'Algérie voit d'un mauvais œil cette alliance d’exception.
Par D. William
L'ambassadeur de France au Maroc, Christophe Lecourtier, a effectué, du 11 au 13 novembre 2024, un déplacement dans les villes de Laâyoune et de Dakhla. Il a ainsi eu l’occasion de rencontrer les acteurs politiques, économiques et sociaux «pour écouter et prendre la mesure des enjeux et des besoins de ces régions et identifier les pistes d’actions concrètes que la France pourra mettre en œuvre pour contribuer à leur développement économique et social, au bénéfice de leurs habitants».
Difficile d’ignorer le symbole fort que représente cette visite dans les provinces du Sud. Première historique pour un représentant français, elle marque une rupture avec l’ambiguïté qui avait longtemps caractérisé la posture française. Désormais, Paris affirme clairement son soutien à la marocanité du Sahara, et le Maroc accueille ce soutien avec enthousiasme. En parallèle, la Chambre française de commerce et d’industrie du Maroc (CFCIM) organisait ses Journées économiques à Laâyoune et Dakhla. Une délégation d’environ 50 chefs d’entreprise et décideurs économiques français a fait le déplacement pour découvrir, non sans curiosité, le potentiel économique de ces régions du Sud.
Au programme, des rencontres B2B, des présentations des Plans de développement régionaux et des visites de sites stratégiques. Les participants ont eu un aperçu concret des opportunités d’investissement dans des secteurs porteurs comme les énergies renouvelables, la pêche ou encore les infrastructures. Voir des entreprises françaises explorer les atouts du Sahara marocain est un marqueur très fort.
Pour les observateurs, c’est le signal d’une France qui ne se contente plus de regarder de loin, mais qui s’implique directement dans cette région, avec une vision de partenariat gagnant-gagnant. Et, quelque part, cela démontre aussi que Paris a actualisé ses cartes géopolitiques. Au propre comme au figuré, puisque le ministère français des Affaires étrangères a d’ailleurs mis à jour la carte du Maroc pour y intégrer les provinces sahariennes. Cette évolution montre une volonté de la France de s'aligner sur les intérêts marocains et d’accompagner le Royaume dans son effort de développement des régions du Sud.
Si autrefois la question saharienne semait quelques crispations dans les salons feutrés de Paris, elle semble désormais s’inscrire dans un nouveau paradigme de coopération, où la France s’affirme comme un partenaire clé de la stabilité et de la prospérité dans la région. A Laâyoune, Lecourtier n’a pas dit autre chose. Les Provinces du sud constituent «le nouvel horizon des actions et des stratégies de la France», affirme-t-il, ajoutant que «nous sommes aujourd’hui en capacité de commencer à imaginer des projets en réponse aux différentes opportunités qui se présentent, en particulier dans le domaine économique dans les provinces du sud».
Le Sahara, un pari stratégique pour Paris ?
Certains diront que ce positionnement français, bien que tardif, est guidé par un pragmatisme froid et pourrait redessiner les équilibres diplomatiques au Maghreb, et même au-delà. D'autres y verront un alignement naturel avec la position américaine, relevant qu’alors que les Etats-Unis ont ouvert la voie en 2020 en reconnaissant la souveraineté marocaine sur le Sahara, Paris n’avait guère d'autre choix que de suivre, sous peine de perdre son influence auprès de son allié historique dans la région.
Surtout, ce geste intervient également à un moment où la France cherche à renforcer ses partenariats en Afrique du Nord, région en pleine redéfinition des alliances, avec notamment la présence soutenue de la Chine et de la Russie, qui multiplient leurs incursions dans des pays historiquement proches de Paris. Parallèlement, l’Algérie, marionnettiste des séparatistes du polisario, voit dans cette décision française un affront diplomatique. Comme mesure de rétorsion ? : l’apparition, récemment, d'une note de l'Association des banques et établissements financiers (Abef) mentionnant des restrictions aux échanges avec la France, qui a immédiatement enflammé les milieux d'affaires.
Mais face à l'ampleur des réactions, le gouvernement algérien a rapidement rétropédalé pour démentir l’existence de sanctions commerciales. Pourtant, ce n'est pas la première fois que l’Algérie use de cette stratégie. En 2022, une note semblable avait visé l'Espagne après son soutien au plan d’autonomie pour le Sahara marocain, suivi de sanctions économiques concrètes, malgré les démentis initiaux. Cette attitude du «je fais en douce, puis je nie haut et fort» se répète donc, illustrant un certain embarras du régime algérien face aux positions diplomatiques qui échappent à sa sphère d'influence. Malgré ses dénégations, la question est maintenant de savoir si le régime algérien ira au bout de sa logique punitive contre la France.