On se rappelle tous de la campagne électorale du Rassemblement national des indépendants (RNI) et de la victoire de ce parti, le 8 septembre 2021.
Le chef de cette formation politique, Aziz Akhannouch, avait alors pris cinq grands engagements déclinés en 25 mesures : protection sociale contre les aléas de la vie, système de santé digne, créer 1 million d’emplois, école de l’égalité et Administration à l’écoute.
Le 8 septembre 2022, soit une année après sa désignation à la tête de l’exécutif, Akhannouch a choisi son fief à Agadir pour faire le bilan des réalisations du gouvernement lors de l’Université d’été des jeunes RNI. Une façon de communier avec ses partisans pour celui qui a choisi, depuis son élection, de «travailler beaucoup» et de «parler peu».
Lors de ce rassemblement, le chef du gouvernement est revenu sur les actions concrètes mises en place dans un contexte difficile marqué par la crise liée à la Covid-19, la flambée des prix des produits alimentaires et énergétiques et la sécheresse qui a compromis la campagne agricole.
Dans le détail, Akhannouch a rappelé lors de ce meeting le soutien au pouvoir d’achat des citoyens face aux fluctuations des prix à l’international. Soutien qui s’est fait à travers le doublement du plafond de la Caisse de compensation, les subventions accordées aux professionnels du transport pour faire face à la hausse des prix des carburants, la suppression des droits de douane sur le blé tendre, le soutien du secteur agricole face à la sécheresse, mais aussi le plan de relance du tourisme.
Ces mesures sont-elles cependant suffisantes pour préserver le pouvoir d’achat des Marocains ? Pas sûr. L’inflation est en tout cas bien réelle et reste fortement ressentie par les citoyens, même si les tensions sur les prix des denrées alimentaires et les prix à la pompe se sont légèrement atténuées. Sur un an, l'indice des prix à la consommation a atteint 7,7%. Et ces niveaux de prix élevés risquent de perdurer, entretenus entre autres, par un environnement international peu favorable marqué par la guerre en Ukraine.
Dans son intervention, Akhannouch rappelle le pari de la généralisation de la protection sociale et se félicite de l’avancée de ce chantier royal. Ainsi, 11 millions de travailleurs non-salariés, autrefois exclus du système, ont aujourd’hui accès à la protection sociale et à la couverture maladie, qui a été élargie afin d’inclure de nouveaux bénéficiaires. De même, il sera procédé, dès 2023, à la généralisation des allocations familiales au profit de 7 millions d’enfants précaires ou pauvres et 3 millions de familles sans enfants en âge scolaire.
Si ce chantier est une vraie révolution sociale pour le Maroc, il doit aussi marquer un tournant majeur dans les politiques publiques en matière de santé. Objectif : ériger un système de santé efficient, en phase avec les aspirations du Royaume. Et sur ce registre, il y a encore beaucoup à faire, notamment en ce qui concerne la qualité des infrastructures hospitalières, la formation du personnel de santé, la mise à niveau des CHU… C’est pourquoi, rappelle le patron du RNI, la nouvelle loi cadre sur la fonction publique de santé nécessitera une enveloppe de 2,2 milliards de dirhams sur deux ans. Elle repose sur quatre piliers fondamentaux : l’adoption d'une bonne gouvernance et la planification territoriale d’une l'offre de santé de qualité; la valorisation des ressources humaines, la réhabilitation de l'offre de santé et la numérisation du système de santé.
Education et emploi
Le RNI a fait de l’éducation un plier du Maroc moderne dans ses engagements lors de sa campagne. Pour franchir un nouveau palier qualitatif, la réforme du système éducatif est sur les rails.
Lors de son intervention pour défendre son bilan, le chef du gouvernement a rappelé la mise en place d’une convention-cadre pour déployer le programme de formation des enseignants du primaire et du secondaire à l'horizon 2025, mais également l’enveloppe budgétaire de plus de 4 milliards de DH étalée sur 5 ans afin de réformer le système éducatif.
Serait-ce enfin la bonne réforme ? Cette question est parfaitement légitime quand on voit les nombreuses carences dans l’enseignement public qui poussent les citoyens à opter pour l’enseignement privé, au prix d’un lourd sacrifice financier. Réconcilier les Marocains avec l’école publique sera donc un travail de longue haleine, à la mesure de la longue agonie du système éducatif, fruit de stratégies publiques inadaptées et inefficientes, souvent sous-tendues par des relents politiques. Akhannouch a donc du pain sur la planche.
S’agissant de l’emploi, le patron du RNI se félicite de la baisse du chômage de 1,6 point au T2-2022. Par ailleurs, plusieurs actions ont été lancées, notamment les programmes Awrach et Forsa, en plus de l’élargissement de la base des bénéficiaires du programme Intelaka. Rappelons que dans le cadre du programme Forsa, 160.000 demandes ont été formulées pour en bénéficier, dont 76.000 acceptées. Pour le moment, quelque 34.000 dossiers ont été étudiés. Les différentes commissions ont décidé d'accompagner 18.000 porteurs de projets.
Toutes ces initiatives sont de bon augure, mais permettront-elles d’atteindre l’objectif préalablement fixé par le RNI, à savoir créer un million de postes d’emploi net durant le quinquennat (soit 200.000 par an) et infléchir durablement la courbe du chômage ? On en doute. Et pour cause, non seulement le niveau de croissance n’est pas suffisamment élevé, mais il est également instable, dépendant étroitement de la campagne agricole, donc de la pluviométrie. Or, comme s’accordent à le souligner les économistes, il faut une croissance de l’ordre de 6 à 7% par an, durant plusieurs années, afin de pouvoir faire rempart au chômage structurel que traîne le Royaume. La question de l’emploi sera ainsi au cœur de ce mandat de la majorité gouvernementale. D’où la nouvelle charte d’investissement qui, selon Akhannouch, vise à «révolutionner l'investissement privé au Maroc et créer de l'emploi».
Bilan «positif»
Bien évidemment, l’on s’attendait à ce que Akhannouch défende bec et ongles son bilan et qu’il s’auto-congratule. Ce qu’il a fait, qualifiant son bilan de «positif».
Il est vrai qu’en un an, beaucoup de chantiers structurants ont été entamés. Des chantiers à forts impacts économiques et sociaux dont l’aboutissement devrait propulser le Maroc dans une dynamique de modernisation et de développement soutenue.
Les Marocains sont-ils cependant convaincus de ce gouvernement ? De ses réalisations ? De ses choix ?
C’est à voir. Car, au-delà des chiffres présentés par Akhannouch, si éloquents soient-ils, il y a une réalité qui est là et qui est décriée : le déficit de communication du chef de gouvernement. «Travailler beaucoup» n’exclut pas de communiquer autrement avec les citoyens afin de réduire cette distance qui s’est installée avec le temps et qui risque d’être très préjudiciable à terme. Akhannouch peut encore rectifier le tir. Mais il faudra le faire vite avant que cette distance ne se mue en fracture irréversible.
F. Ouriaghli