Abdelhak Najib
Écrivain-journaliste
Ce qui se passe au Maroc ces derniers jours est très inquiétant, à plus d’un égard. Des intoxications alimentaires à répétition, des intoxications mortelles à l’alcool frelatée, des snacks où de très nombreuses personnes ont payé très cher un simple sandwich, des pizzerias à bas prix qui fourguent des plats douteux, des sandwicheries ambulantes vendant on ne sait quelle barbaque colorée pour dissimuler à la fois les textures et les odeurs, des fruits pressées sous le soleil tapant fort, des bonbons dont on peut définir les ingrédients ni la provenance, des briouates, de la pastilla aux fruits de mer en vente libre, au centre-ville de Casablanca, juste à côté de la station du tramway en face d’un grand hôtel, pas loin de l’ancienne médina… et tant d’autres choses vendues à la sauvette, que les gens consomment au risque de finir à l’hosto, sinon, six pieds sous terre, comme les seize (16) personne qui ont payé de leur vie l’intoxication à l’éthanol à Sidi Allal Tazi, cette semaine. Sans parler des dizaines de cas graves toujours en soins. Que se passe-t-il ? Comment expliquer cette vague mortelle qui frappe le Maroc depuis plusieurs semaines, avec chaque semaine des informations relatant des cas graves de personnes qui ont failli perdre la vie à cause de ce qu’elles ont mangé ou bu ? À Marrakech, ce sont six personnes qui sont mortes pour intoxication alimentaire, début mai 2024. À l’hôpital Arrazi, les services d’urgence ont accueilli 26 patients pour empoisonnement sévère juste parce qu’ils ont bouffé dans une laiterie de la ville. Une semaine avant ce drame, un autre snack a fourgué de la viande avariée à ses clients qui ont failli y passer. D’autres personnes ont été touchées à la place Jamaa ELFna, d’autres à Tanger et à Fès, d’autres enfants à El Jadida, Meknès, Tétouan, Agadir, sans parler de Casablanca et toutes ses dérives liées à la qualité de ce que certaines restaurateurs donnent aux gens sans conscience aucune, sans le moindre souci d’hygiène, sans être inquiétés par les autorités, malgré les appels constants de la société civile qui n’arrête pas de tirer la sonnette d’alarme face à ce fléau des empoisonnements dus à de la nourriture pourrie, qui a dépassé la date de péremption et qui circulent toujours, même dans certaines grande surfaces. Dans ce sens, on cite ici un énième communiqué de la section de Marrakech de l’Association marocaine des droits de l’homme (AMDH) qui affirme avoir déjà transmis plusieurs courriers à ce propos à différents organismes, portant sur le contrôle sanitaire des produits alimentaires proposés à la consommation. Sans effets. En vain. D’ailleurs, déjà en 2019, le Daily Mirror, se fait l’écho d’une étude qui classe les endroits où les touristes et les populations peuvent risquer des intoxications alimentaires. Dans ce classement, Marrakech occupe la 7e place mondiale. Il s’agit d’une étude menée par des experts en maladies contractées pendant les voyages, des empoisonnements causés principalement par la chaleur et la mauvaise conservation des aliments. Selon de nombreuses études, ces intoxications alimentaires «tuent 420.000 personnes par an dans le monde et touchent 600 millions de personnes», comme le précise Richard Conroy de Sick Holiday. Au Maroc, les données issues du système national de la surveillance épidémiologique et d’information sanitaire indiquent que 1.000 à 1.600 cas de toxi-infections alimentaires surviennent en moyenne chaque année avec un taux d’hospitalisation de 30 à 45%. Les mêmes données révèlent que plus de 25% des établissements alimentaires de restauration et de vente au détail contrôlés par les services de santé sont des établissements à risque. Le rapport précise que : «Les aliments préparés et les aliments qui y sont présentés à la vente au consommateur sont manipulés ou conservés dans des conditions d’hygiène qui ne garantissent pas leur salubrité et leur innocuité». Pourtant, une grande majorité de lieux de restauration passent par les mailles des filets et finissent par faucher des vies.