Le monde a célébré hier, 12 aout, la journée de la Jeunesse, une occasion pour mettre en avant leur rôle fondamental dans le développement de toute société, surtout en cette période de crise. Au Maroc, la jeunesse est de plus en plus engagée dans les questions en lien avec leur vie de tous les jours.
Ahmed Ghayet, président de l’association Marocains Pluriels, auteur et chroniqueur, nous décrypte l’engagement des jeunes marocains en faveur de leur société.
La Quotidienne : La crise sanitaire mondiale actuelle a impacté le Maroc, mais surtout sa jeunesse. Est-ce qu’il est possible de recourir au travail associatif pour accentuer leur engagement envers la société ?
Ahmed Ghayet : Personnellement, je suis persuadé depuis toujours du potentiel de notre jeunesse, et la pandémie a donné l’occasion à notre société toute entière d’en prendre conscience.
Je connais bien nos jeunes, je sais leurs capacités, leurs qualités et ils m’ont épaté. Proactifs, concernés, présents, courageux…, je les ai vus partout se mobiliser, s’activer, se mettre à la disposition des plus fragiles, des précaires.
Je n’ai pas senti de peur en eux, peut-être une attitude spécifique à leur jeune âge : 20 ans est celui de l’intrépidité.
Et puis, ils ont été galvanisés en quelque sorte, dans les quartiers notamment; ils ont senti à quel point ils pouvaient être utiles; ils ont vu que ceux qui jusqu’alors les ignoraient, voire bien souvent les méprisaient, découvraient d’un seul coup que cette jeunesse était valeureuse, patriote, talentueuse.
Ils ont fait un travail exceptionnel aux côtés des soignants, des représentants de l’ordre, des agents d’autorité. Ils ont été en quelque sorte la 3ème force. Celle qui a géré le social, l’humanitaire, le réconfort, le maillage solidaire…
L. Q. : Selon vous, y-a-t-il une immersion des jeunes d’aujourd’hui au cœur des affaires sociales et politiques qui se lient directement à leur avenir ?
A. G : Contrairement à ce que j’entends souvent dire, notre jeunesse ne se désintéresse pas de la politique, de la vie de son pays, des affaires qui la concernent telles que les questions de société, mais elle se défie des responsables politiques, elle ne leur fait pas confiance.
Nos jeunes sont méfiants envers tous ceux qui parlent beaucoup et agissent peu.
On leur a tellement fait de promesses non tenues, on leur a tellement menti que gagner leur confiance est aujourd’hui très difficile.
Il faut dire que trop souvent, on les considère comme des figurants et très rarement comme des acteurs.
Donc, hélas, ils ne s’investissent pas dans les structures politiques ou organismes qui, pourtant, sont liés à leur avenir; ils s’y sentent tellement mal qu’ils préfèrent pratiquer la politique de la chaise vide.
La lueur d’espoir, c’est leur engagement grandissant dans les associations locales : celles qu’ils créent eux-mêmes dans leur commune, leur quartier, leur école.
Sur le terrain, ils voient l’impact de leurs actions, ils prennent de l’assurance et ont la confiance de leur voisinage, les citoyens leur procurent un vrai sentiment de devoir accompli.
La proximité est le créneau qu’ils investissent le plus, et c’est porteur de beaucoup d’espoir.
L. Q. : L’Association Marocains Pluriels œuvre, sans répit, pour renforcer les valeurs de diversité et d’ouverture sur l’autre auprès des jeunes, en démolissant les barrières de la haine et de l’ignorance. Pouvez-vous nous en dire plus ?
A. G : Depuis 10 années, au sein de Marocains Pluriels, nous agissons dans deux directions : d’un côté, l’émergence de la jeunesse, son engagement dans des structures associatives, l’émergence de jeunes talents, la prise de responsabilité… D’autre part, le vivre-ensemble; les deux sont d’ailleurs très liés, car le vivre-ensemble implique la lutte contre l’exclusion, le racisme, les a priori et les faux tabous.
La jeunesse, par essence, est curieuse, ouverte, éprise de découverte de l’autre et donc éprise de diversité.
Ce sont les adultes, la société, les obtus, ceux qui pour des raisons de pouvoir, des objectifs obscurs … cherchent à les pousser vers le rejet de l’autre, la peur de ce qui est différent, la haine d’autrui.
En pariant sur l’ouverture, en favorisant la mixité, en créant les conditions de rencontres – concrètes, sur le terrain-, et notamment grâce à la culture, nous allons dans le sens naturel des penchants de la jeunesse.
Faire peur et ne parler que d’interdits engendrent des frustrations, le repli faussement identitaire, alors que favoriser le dialogue, la découverte, l’amour est porteur d’espoir, de perspectives, de valeurs.
Contrairement à ce que voudraient faire croire certains, ce n’est pas l’ouverture qui engendre ‘’le mal’’, c’est le repli, le rejet de l’autre qui entraîne les déviances, favorise ce que l’on appelle ‘’la débauche’’.
La diversité, la mixité -mariées à la transmission de valeurs- est le sens de l’avenir.
D’ailleurs, notre patrimoine a tous les atouts pour nous guider en ce sens.
Personnellement, j’ai une totale confiance dans notre jeunesse; elle est capable du meilleur et le prouve au quotidien.
Je rencontre tellement de jeunes volontaires, investis, nobles… que je sais qu’ils sauront dépasser les obstacles.
Et puis je leur dis toujours, ils ont le meilleur allié possible : la volonté royale !
Par S. Kassir (stagiaire)