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Culture : «Jarima» de Allaoui Bensad aux Editions Orion

Culture : «Jarima» de Allaoui Bensad aux Editions Orion

Dans son sens le plus strict, ce roman se définit par le mot crime. «On n’impose pas son amour à celui qui ne partage pas le même désir », dit le sage. Tout part de cette assertion dans ce récit atypique. 

Jarima, le dernier roman de l’écrivain et musicien Allaoui Bensad, est une plongée dans la vie d'un jeune chanteur refusant toute discipline, toute forme d'autorité, souffrant de ne pas se sentir aimé et respecté. Cette douleur  le conduit à l’autodestruction. Il se perd entre le doute et les illusions et passe d’errance en perdition en attendant une lumière qui luira un jour pour le guider vers lui-même.

Jarima, comme le décrit Malek Chebel, est un cri d'amour qui se traduit ici en musique. C’est dans ce sens que son amour pour le chant soufi lui fait dévoiler toute la profondeur de sa quête. Des chants d'amour et de dévotion. Un voyage au-delà des mots pour trouver la bonne note qui peut décrire toute l’étendue de ce désir humain qui défie toutes les frontières.

Dans cette histoire, Allaoui Bensad relate le parcours d’un apprenti chanteur en cours de conversion qui ignore toutes les règles et les commandements de son Dieu. Il veut vivre selon ses propres règles. Il refuse d’appliquer les règles décrites par Pierre dans ses épîtres, selon lesquels un chrétien doit le respect et doit obéir aux autorités. Seulement pour Alilouche, le protagoniste de ce roman de 264 pages, il est difficile de prendre en main son apprenti chanteur. Quoiqu’il soit perturbé par son passé, il s’accroche pour accomplir son destin, c’est-à-dire vivre de son art, grâce au soutien indéfectible de son musicien et charlatan qui lui fait miroiter des choses allant jusqu’à l’appauvrir financièrement.

Mais Alilouche s’aveugle malgré les avertissements de son pasteur et se noie dans une vie pleine de boue. Personne ne parvient alors à le remonter à la surface. Même sa professeure de danse indienne qui traite Alilouche comme une mère. Paradoxalement, Alilouche ne se sent pas aidé quand celle-ci lui fait comprendre qu’il n’atteindra pas le niveau intellectuel et social des filles qu’elle qualifie de « classe au niveau de vie élevée ». En d’autres termes, son apparence et sa condition sociale ne font pas sensation, elle le prend en pitié. Cela ne décourage pas Alilouche d’apprendre les rythmes de l’Inde, du Maghreb et du Moyen-Orient. Mais son pasteur ne voit pas d’un bon œil son entêtement à tout sacrifier par amour pour l’art. Il ne peut être chrétien et faire de l’art une chaîne qui le retient tel un esclave.

Allilouche ne décide pourtant pas à quitter l’université, malgré ses multiples redoublements et son niveau catastrophique qui lui font espérer un diplôme qu’il n’obtiendra jamais. Son absence de patience et de tempérance sèment un vent glacial partout où il passe. Son musicien qui ne peut plus supporter son caractère et ses lacunes, lui annonce alors qu’il a le désir de se séparer de lui. Alilouche est dévasté et annonce à son pasteur qu’il quitte la France pour le Maroc. Alilouche montre ainsi à son église que sa foi est bien faible par rapport à son intérêt pour son musicien et pygmalion. Pour prouver son intérêt pour ce dernier et retrouver les promesses de prendre soin de sa vie, il annonce à son pasteur renoncer à son baptême et quitte son église le cœur contrit. 

Une poésie dans ce livre résume très bien cette situation chronophage qui atteint le cœur de son Dieu: « Jésus Christ recouvre la mer méditerranée de ses larmes ». Ces larmes sont le témoignage de la tristesse de Jésus. On découvre, dans la seconde partie de cet ouvrage, la tempête qui cause la cécité d’Allaoui. La vie d’Alilouche prend alors la flotte. Une fois le bateau coulé, Alilouche est échoué sur une plage on ne sait où. Mais il semblerait que c’est entre le Maroc et l’Espagne. Son retour à Dieu pourrait signifier la fin de sa cécité. Mais Allaoui n’en finit pas de courir après son pygmalion…

Ce livre rend, en parallèle à tout cet itinéraire chrétien, hommage à l’amour de la musique indienne, arabe, moyen-orientale et marocaine chère à l’auteur Allaoui Bensad, qu’il a étudiée dans son parcours universitaire en ethnomusicologie.  Ce livre est une mise en abîme. Une réflexion sur ce qu’aurait pu être une vie sans Dieu, sans église, avec tout refus d’autorité de Dieu et les personnes faisant son éducation religieuse, d’adulte et d’artiste.

Ruiné et sans vie stable, il n’a plus rien à perdre en France, il parcourt le Maroc et débarque chez sa famille à Sidi Kacem. Au Maroc, il espère oublier et recommencer une nouvelle vie…

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