Au cours des trois dernières années, 700 cas de traite des êtres humains ont été enregistrés sur le sol marocain.
Les récentes données dévoilées par le rapport de la Commission nationale de lutte et de prévention contre la traite des êtres humains ne sont pas du tout à prendre avec des pincettes puisqu’elles révèlent au grand jour une réalité accablante.
En marge d’une réunion tenue mardi 15 février en présence d’institutions onusiennes et européennes, la Commission nationale de lutte et de prévention contre la traite des êtres humains, présidée par le ministre de la Justice, Abdellatif Ouahbi, a révélé les résultats de son premier rapport annuel rendant compte du bilan d’activités de deux années de travail de ladite commission.
Présenté par le directeur des Affaires pénales et des grâces au ministère de la Justice, Hicham Malati, le rapport souligne que la majorité des victimes sont des Marocains adultes, et que le pourcentage des victimes mineures, hommes ou femmes, s’élève à 47,41%.
Pareillement, le nombre de cas enregistrés a grimpé de manière vertigineuse en passant de 17 cas en 2017 à 80 cas l’année suivante, avant d’atteindre 151 cas en 2019.
Lors de sa présentation, Abdellatif Ouahbi a insisté sur la voie législative ainsi que sur les bonnes pratiques pour lutter contre ce phénomène. Il faut savoir que le traitement juridique du crime de la traite des êtres humains est une nouveauté au Maroc. «Auparavant, ce n’était pas un crime isolé, néanmoins, depuis 2016, il est considéré comme un crime à part entière comme il est prévu dans le protocole de «Palerme»», souligne Abderrafie Hamdi, directeur de la protection des droits de l’homme et monitoring au CNDH et membre de la Commission nationale de lutte et de prévention contre la traite des êtres humains.
D’après le rapport, le nombre de victimes de sexe masculin a atteint actuellement 414 contre 305 du côté des victimes de sexe féminin, parmi lesquelles figurent 192 mineurs et 213 adultes. Le rapport recense 536 Marocains et 183 étrangers.
Il en ressort également que l’exploitation sexuelle est la forme la plus courante de la traite des êtres humains, avec 283 cas, suivie de l’exploitation de la mendicité (56 cas) et le travail forcé (35 cas), outre les autres formes de traite et de trafic des êtres humains.
Ces données coïncident totalement avec les chiffres au niveau international. «Le rapport de 2020 de l’Office des Nations Unies contre les drogues et le crime révèle que 50% des crimes commis dans le monde lors de cette même année concernent l’exploitation sexuelle.
Les principales victimes d’exploitation sexuelle sont les femmes, les enfants et les migrants en situation irrégulière», fait savoir Abderrafie Hamdi.
Le rapport a mis à jour de nombreuses contraintes qui entravent la bonne application de la loi, en plus des difficultés constatées au niveau de sa mise en œuvre. Ainsi, il a présenté un ensemble de recommandations qui ont été proposées par des acteurs actifs sur le terrain. Pour tenter d’améliorer la situation, un tant soit peu, «le Conseil national des droits de l’homme a mis en place tout un dispositif visant à former et accompagner des cadres au niveau régional afin qu’ils soient en mesure de détecter ce type de crimes. La formation en question se fait en quatre ou cinq sessions», explique-t-il.
En tant que partie prenante de cette commission, le CNDH a contribué, à ce titre, à la réalisation dudit rapport, et a contribué à toutes les campagnes de sensibilisation, au profit du grand public, sur la traite des êtres humains.
«Nous recevons un nombre non négligeable de plaintes et on remarque que dans la plupart du temps, les victimes sont dans le déni total de ce qui leur est arrivé par peur», ajoute Abderrafie Hamdi estimant qu’il relève de la responsabilité des institutions publiques d’éclairer ces victimes en plus de leur donner les clés nécessaires pour faire face à ces situations compromettantes.
Le nombre de personnes poursuivies dans des affaires de traite des êtres humains a enregistré une augmentation significative au cours des trois années écoulées dépassant les 200% pour l’année 2018 et 96% pour l’année 2019.
Ainsi, le nombre de personnes poursuivies dans ces affaires a atteint un total de 585 accusés, adultes et mineurs, dont 84 étrangers et 144 femmes, énumère le rapport.