Chaos. C’est le mot qui se rapproche le plus de ce qui se passe à Fnideq depuis plus de 48 heures. Des scènes de chasse à l’homme, des poursuites, un dispositif sécuritaire impressionnant et des centaines de jeunes et d’enfants qui ont décidé de prendre d’assaut l’enclave de Sebta.
Abdelhak Najib
Écrivain-journaliste
Une situation qui a dégénéré en affrontements entre les forces de l’ordre et les migrants qui ont répondu aux arrestations de la police par des jets de pierres faisant plusieurs blessés dans les rangs de la police. Des sources proches des autorités sur place ont confirmé l’arrestation de 40 individus, accusés de jets de pierres et d’incitation à l’immigration clandestine. Avec plus de mille personnes qui auraient été interpellées et expulsées ces dernières 48 heures. Et ce n’est pas fini, puisque l’état d’alerte reste de mise en place pour éviter toute escalade à un moment où les appels à l’immigration clandestine se multiplient sur les réseaux sociaux, incitant des enfants à partir de chez eux pour gagner l’Espagne de force.
Au-delà des violences, cette escalade arrive à un moment où la situation économique est pour le moins inquiétante. La pauvreté qui gagne chaque année plus de terrain, les inégalités sociales qui sont de plus en plus flagrantes, avec des riches de plus en plus riches et des pauvres de plus en plus nombreux, un taux de chômage élevé, une jeunesse livrée à elle-même, la cherté de la vie, des conditions de vie très difficiles… et tant d’autres maux qui poussent tous ces jeunes à risquer leur vie pour aller tenter le diable en traversant le Détroit.
Une situation exacerbée par l’attitude du gouvernement qui répond au malaise social par le silence, en détournant le regard, ou alors en brandissant certaines réussites sportives, notamment au football, pour calmer les masses. Certes, briller dans les sports, c’est bon, mais ça ne met pas de nourriture sur la table de toutes ces familles aux abois qui tirent la langue et ne savent plus à quel saint se vouer. Les jeunes ont besoin de travail, de moyens pour vivre et surtout d’étudier pour avoir une chance de changer de condition sociale et de s’en sortir.
Car, on y arrive, la majorité des jeunes qui se sont retrouvés à Fnideq sont des enfants qui doivent être à l’école. Ce qui pose encore une fois la question du fiasco du système scolaire marocain qui n’arrive pas à retenir les enfants et à leur faire entrevoir la possibilité d’un avenir meilleur. Il ne faut pas oublier que ces tentatives d’assauts sur Sebta coïncident avec la rentrée scolaire. Pourtant, des gamins sont prêts à risquer leur vie que d’aller en classe.
C’est que la situation est sérieuse et exige des solutions concrètes et efficaces et non de simples effets de manche et des slogans pour les médias. Cet épisode de Fnideq arrive à un moment où le gouvernement marocain doit prendre ses responsabilités et monter au créneau pour parler à toute cette jeunesse désespérée qui ne rêve que d’une chose : ficher le camp sous d’autres cieux.
Il faut aussi souligner que ces événements surviennent alors que Rabat et Madrid ont retrouvé leurs excellentes relations et ont entamé un nouveau chapitre de collaboration. Ce qui pose encore une fois l’équation insoluble de l’immigration massive comme problème majeur à résoudre des deux côtés du détroit.
Dans ce contexte de tension, il faut essayer de comprendre le pourquoi d’un tel chaos qui a subitement submergé toute la région frontalière avec l’Espagne. En premier lieu, il faut voir comment l’Algérie traite ces tensions entre migrants et forces de l’ordre. Ce sont de véritables appels à la révolte qui fusent dans les médias algériens, jetant de l’huile sur le feu dans des tentatives assumées de semer le trouble chez le voisin marocain surtout après la reprise des affaires d’envergure entre Rabat et Madrid. Un rapprochement au détriment d’Alger qui perd sur tous les tableaux face au Maroc.
C’est là un ensemble de facteurs sérieux qu’il faut analyser pour comprendre ce qui se passe et surtout agir en conséquence.