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Nous sommes tous des primates

Nous sommes tous des primates

 

Nous en sommes là aujourd’hui. Non seulement les haines s’exacerbent et les disparités humaines dépassent les pires prévisions alarmistes, mais nous sommes confrontés encore, en 2021, à des idées racistes revendiquées, comme cet exercice intitulé : « Où vivent les grands singes ?», avec des photographies de primates et d’une femme métisse demandant aux élèves de relier chaque race de singes à l’image qui lui correspond. 

 

Nous y voyons le Bonobo, le Chimpanzé, l’Orang-outan, le Gorille et une femme africaine, d’après la couleur de la peau et les traits. L’histoire a eu lieu à l’école Ernst Renan de Casablanca, où une enquête administrative a été ouverte pour tirer cette fâcheuse affaire au clair.
  
Selon toute vraisemblance, l’enseignant mis en cause n’a pas agi du tout pour susciter des sentiments raciaux ou véhiculer une quelconque idéologie raciste. C’est une erreur de jugement et un malheureux amalgame, qui a dépassé le corps enseignant pour donner corps à un réel scandale, qui a pris des proportions telles que certains tentent de faire feu de tout bois en enfonçant et l’école et son corps professoral. 

Pour le directeur de l’école française, Sébastien Galard, qui a envoyé un email aux parents d’élèves : «En effet, présenter, dans un même exercice, une femme noire et les grands singes est d’une maladresse inadmissible qui peut renvoyer à des amalgames tout à fait contraires aux valeurs que notre école défend». 

Au-delà des excuses du directeur de l’école française, il faut aller à la source de cet exercice et poser la question suivante : comment des institutions qui se respectent peuvent tolérer ce type de dessins et ce type d’exercices droits sortis d’un autre âge que l’on croyait révolu ?

En effet, il faut souligner que ledit exercice est tiré d’un manuel français de la Fondation de coopération scientifique : La main à la pâte. Cette institution est créée en 2011 par l’Académie des sciences, l’École normale supérieure de Paris et l’École normale supérieure de Lyon. C’est à ce niveau-là qu’il faut chercher des explications sur le pourquoi du comment d’un exercice aussi louche et portant à grande confusion. 

Cela demeure très étonnant de la part de ces écoles françaises qui, normalement, véhiculent des idées humanistes adossées à des valeurs comme le respect de toutes les races humaines, la valorisation de l’individu et de son élan créateur, le sens du mérite et de la compétence en refusant toute allusion aux origines, aux appartenances identitaires et aux frontières raciales. 

En tout état de cause, il faut considérer cette affaire comme une piqûre de rappel, pour ne pas oublier que certaines idées sordides ont la peau dure et résistent à toutes les formes de progrès. Cela aurait pu passer sans faire trop de vagues n’eussent été les autres affaires impliquant d’autres lycées français, comme celui de Descartes à Rabat, qui se fend d’un communiqué pour le moins bizarre, pour ne pas dire insultant, en affirmant que l’une des enseignantes a été déclarée positive à la Covid-19, précisant qu’elle est arabisante. 

Comme si la collègue arabisante s’était attirée les relents du virus à cause de son arabité. C’est d’une telle bassesse que pour le coup, ce qui paraît une erreur de jugement à Ernest Renan, ne l’est pas du tout à Descartes, qui doit se retourner dans sa tombe, lui qui croyait dur comme fer à l’humanisme. 

D’autres parents d’élèves ainsi que des enseignants parlent d’autres écoles et lycées, dont l’un à Casablanca, où ces effluves nauséabonds du racisme le plus primaire semblent avoir droit de cité. Des élèves qui traitent les non-français de plouk et de bouseux, qui s’envoient des textos fielleux sur la confession des autres, avec des injures et des insultes à caractère raciste, comme s’il était bien normal de juger les autres pour leur couleur de peau, leur religion et leur identité.

Ce n’est plus un secret pour personne : de part et d’autre, les sms fusent et cela donne corps à des confrontations de haine larvée qu’il faut prendre au sérieux. Car, sur ce terrain très glissant, il suffit de peu pour allumer la mèche des règlements de comptes, des vengeances aveugles et des actes extrémistes.

Ceci est d’autant plus cruel que dans ce pays, au Maroc, nous avons toujours respecté tout le monde et toutes les confessions (judaïques, catholiques et autres), parce que ce pays a toujours été une terre de cohabitation et d’accueil pour toutes les cultures et pour toutes les identités. 

Nous, Marocains, nous avons toujours considéré ces différences comme une richesse de plus qui vient consolider les valeurs de citoyenneté et d’humanisme qui font partie des convictions intimes des Marocains. 

Français, Israéliens, Africains, Chinois, noir et blanc, nous sommes tous une seule et unique humanité, qui doit se réjouir de toutes ses variétés humaines qui font de ce monde une terre viable pour nous tous. C’est dans ce sens qu’il faut prendre très au sérieux ces dérapages et ces manquements aux valeurs humaines qui peuvent accoucher du pire.

 

 

Par Abdelhak Najib. Écrivain-journaliste

 

 

 

 

 

 

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