Les ramadans se suivent et ne se ressemblent plus. Ils affichent depuis deux saisons un autre visage, plus terne, plus triste, plus angoissé, plus incertain. Avec cette constance que : quoi qu’il arrive, les rites de ce mois sacré peuvent jouer un rôle crucial pour aider les mentalités à changer, à s’adapter à de nouvelles données, et à composer avec des impératifs d’un autre niveau : la vigilance, rester chez soi, ne fréquenter personne, ne pas céder à l’appel du conglomérat, tourner le dos aux rassemblements, prier seul, être solidaire dans la protection de soi et des autres en respectant à la lettre certaines règles élémentaires : port du masque, distance obligatoire, observation méthodique des règles d’hygiène, propreté et confinement. Ce n’est pas l’idéal pour une société qui a ses rites, ses habitudes, ses coutumes et ses attentes durant une période à la fois de liens sociaux consolidés et de recueillement dans la sérénité.
Il faut aussi dire que Ramadan a de tout temps été le mois de tous les excès : le boire, le manger, l’amusement, l’usage des drogues, surtout ce cher cannabis, qui vit aussi une drôle d’année, avec des promesses de légèreté et d'évanescence, ou de lourdeur et d’atonie. Sans oublier les soirées, les sorties en groupe, les réunions familiales, les banquets et les orgies culinaires.
Le tout mâtiné d’un zest de violence, d’une bonne dose de mauvaise humeur, d’une inclinaison pour la colère, voire la rage et l’agressivité. Cela aussi fait partie des rites ramadanesques marocains. Sauf que cette année, confinement oblige, il faut prendre son mal en patience et se résoudre à une manière toute simple de voir les choses : contre mauvaise fortune, bon cœur, et coûte que coûte, car c’est là l’unique réaction à avoir face à l’inéluctable. La pandémie est bel et bien installée, avec force, menaçant des vies, avec le spectre de nouveaux variants qui font froid dans le dos.
Tous les clignotons sont au rouge. L’heure est très grave, ramadan ou pas. Les réanimations affichent complet et les hôpitaux croulent sous les cas dont le nombre augmente sensiblement ces derniers jours, après une accalmie, qui n’a été qu’une simple parenthèse passagère nous ayant donné espoir et répit. Quoi qu’il en soit, aujourd’hui la situation ne souffre d’aucune ombre : le coronavirus reste l’ennemi véritable qu’il faut à tout prix combattre en ayant le bon geste et le bon réflexe.
En dehors de toutes les précautions de rigueur qui font aujourd’hui partie de notre quotidien, ramadan est une très bonne occasion de faire un petit bilan très salutaire : une remise en question sérieuse, une critique de ses choix et de ses modes de vie et de pensée, un élan de partage et de solidarité avec les autres, sans oublier de prendre ce mois comme une chance unique pour prendre soin de sa santé. Cela passe par une bonne alimentation, par du sport sans exagération, le tout dans la modération mère de toutes les logiques.
C’est aussi un mois pour se recueillir, pour faire le vide, pour ressourcer l’âme par la lecture, par la beauté des arts, par la culture, par le goût des belles et profondes choses que cette vie nous offre, alors que la mort est toujours suspendue sur nos têtes comme un couperet. Cela donne de la force, cela génère une belle énergie et des vibrations si positives qu’elles vous placent dans un état de félicité sereine. Cela lave le cœur de ses scories. Cela nous débarrasse d’un cumul de onze mois d’excès, d’erreurs, de faux pas et d’hésitation.
Ramadan a cela de puissant, c’est qu’il porte en lui le secret de se dépasser dans les belles choses. C’est un sacerdoce d’une grande simplicité et d’une profonde liberté. Il faut le vivre dans la fluidité, dans la douceur, dans l’acceptation du destin et de ce mal qui nous frappe de plein fouet, mais qui est aussi le déclencheur d’une nouvelle philosophie d’être à la vie et aux autres. Une conduite qui élève l’esprit dans une rencontre unique avec soi et avec le divin en nous.
Par Abdelhak Najib. Ecrivain-journaliste