L’Algérie accueille la 7ème édition du Championnat d’Afrique des nations (CHAN), du vendredi 13 janvier au samedi 4 février 2023. Cette compétition continentale regroupe normalement 18 équipes nationales composées des meilleurs joueurs des championnats locaux. Vainqueur des deux dernières éditions, le Maroc qui, faisait office d’épouvantail, ne pourra pas défendre son titre.
Au terme d’un feuilleton rocambolesque qui a duré plusieurs jours, la sélection marocaine n’a pas pu se rendre en Algérie. Jusqu’à la veille du début de ce tournoi, sa participation était incertaine. Jeudi matin, la Fédération royale marocaine de football indiquait en effet dans un communiqué que «la sélection marocaine de football n’est pas en mesure de faire le déplacement à Constantine (Algérie) pour y disputer la 7ème édition du Championnat d’Afrique des nations de football (…) et défendre son titre, dans la mesure où l’autorisation définitive de son vol Royal Air Maroc (RAM), transporteur officiel des sélections marocaines de football, de Rabat vers Constantine n’a pas été confirmée».
Jeudi soir, l’AFP, citant le ministère marocain des Affaires étrangères, annonçait que «l'équipe nationale marocaine se rendra demain en Algérie pour participer au CHAN». «Le départ se fera de l'aéroport de Salé (près de Rabat) à partir de 09h00 (08h00 GMT)» vendredi, précisait la même source.
Vendredi matin, le Onze national était effectivement à l’aéroport, attendant l’autorisation officielle de vol direct des autorités algériennes pour décoller vers Constantine. Une autorisation qui ne viendra jamais, malgré plusieurs heures d’attente.
Logée dans le Groupe C aux côtés du Soudan, Madagascar et Ghana, la sélection marocaine devait jouer son premier match ce lundi 16 janvier à 17H face à l’équipe soudanaise.
Plus que du foot
Ce CHAN est pollué par les tensions diplomatiques entre Rabat et Alger. Tensions entretenues par le pouvoir algérien qui n’a pas autorisé, comme l’avait demandé le Maroc, un vol direct de l’équipe nationale vers Constantine. Et ce, suite à la décision d’Alger de fermer, le 22 septembre 2021, son espace aérien à tous les avions civils et militaires marocains après avoir rompu ses relations diplomatiques avec Rabat.
Il semble utile, néanmoins, de rappeler deux points essentiels :
• Primo : C’est sur la base de motifs fallacieux et franchement risibles avec un peu de recul, que le régime algérien a pris la décision unilatérale de rompre les relations diplomatiques avec le Royaume, le 24 août 2021. Une semaine auparavant, il accusait en effet le Maroc d’être impliqué dans les incendies meurtriers qui avaient ravagé le nord de l’Algérie. «Les actes hostiles incessants perpétrés par le Maroc contre l'Algérie ont nécessité la révision des relations entre les deux pays et l'intensification des contrôles sécuritaires aux frontières Ouest», soulignait un communiqué officiel algérien publié à l’époque.
Mais personne n’est dupe. Ces pratiques sont courantes dans les Etats autoritaires. En accusant le Maroc, le pouvoir espérait ainsi détourner l’attention des intelligences rebelles algériennes, qui dénonçaient son incompétence, la corruption systémique, le népotisme… et réclamaient son départ. Cette accusation est d’autant plus ridicule que le Roi Mohammed VI avait non seulement proposé d’aider l’Algérie à combattre ces incendies, mais il avait également invité, quelques jours auparavant, à l’occasion du discours du Trône, «nos frères en Algérie, pour œuvrer de concert et sans conditions à l’établissement de relations bilatérales fondées sur la confiance, le dialogue et le bon voisinage», tout en précisant que «la sécurité et la stabilité de l’Algérie, et la quiétude de son peuple sont organiquement liées à la sécurité et à la stabilité du Maroc».
• Secundo : Même en période de guerre, et nous ne le sommes pas, il y a des cessez-le-feu. Pour dire qu’au nom de ces belles valeurs du sport (universalité, tolérance, égalité, respect…), l’Algérie pouvait surseoir temporairement à sa décision et autoriser ce vol direct demandé par le Maroc. Ne serait-ce que pour apaiser les tensions et répondre favorablement à la main tendue plusieurs fois par le Souverain. On attend d’un dirigeant qu’il sache faire preuve de grandeur !
Et au pouvoir algérien, rappelons juste que malgré l’absence de relations diplomatiques entre le Qatar et Israël, les citoyens israéliens ont pu se rendre à la Coupe du monde sur des vols directs.
Un mal pour un bien ?
La non-participation des Lions de l’Atlas à cette compétition est certes regrettable sur le plan sportif. Mais, au final, n’est-ce pas une bonne chose ? Car, chaque fois que le Maroc participe à un événement organisé par nos voisins, quel qu’il soit, les tensions entre les deux pays s’exacerbent.
C’était le cas en novembre dernier, à l’occasion du 31ème Sommet de la Ligue arabe. Les premiers incidents sont survenus lors de la réunion préparatoire. La délégation marocaine avait en effet protesté contre le non-respect par une chaîne algérienne de la carte du Royaume, telle qu’elle est reconnue, ce qui a contraint la Ligue arabe à publier une mise au point et la présidence de la séance à présenter des excuses. S’en est suivi l’épisode des journalistes marocains maltraités à leur arrivée à l’aéroport Boumediene. Entre harcèlement, interrogatoires douteux et confiscation de leurs matériels, ils ont dû quitter le territoire algérien sans pouvoir s’acquitter de leur mission d’informer.
Quelques mois auparavant, en juin, l'État algérien avait expulsé les journalistes marocains chargés de couvrir les Jeux méditerranéens organisés à Oran, prétextant qu'ils sont des espions.
Et cerise sur le gâteau, même si le Maroc est absent de ce Chan 2023, il hante les Algériens. Vendredi, des «agissements malveillants» et des «manœuvres abjectes» ont émaillé l’ouverture de cette compétition. La Fédération royale marocaine de football a ainsi dénoncé et condamné
"les propos racistes prononcés par des supporters présents à la cérémonie d’ouverture à l’égard du public marocain (… )".
Les enseignements de tout ceci : le pouvoir algérien a encore une fois raté l’occasion de polir son image. Nous sommes en face d’un Etat pyromane, qui souffle sur les braises pour attiser les dissensions entre Alger et Rabat et refuse systématiquement de fumer le calumet de la paix avec son voisin.
Mais, connaissant la perfidie du régime algérien, nous ne pouvons écarter l’hypothèse que tout ceci était calculé bien à l’avance. Car, en refusant de délivrer cette fameuse autorisation de vol direct à la sélection nationale, il joue, d’un côté, une carte politique; et de l’autre, une carte sportive en écartant les Lions de l’Atlas, un candidat sérieux à un 3ème sacre successif, mais cette fois sur le sol algérien, ce qui aurait été un véritable camouflet.
Alors, les propos du président de la Confédération africaine de football (CAF), Patrice Motsepe, semblent bien cosmétiques quand il affirme que «nous ne voulons pas que la politique s’invite dans le football».
F. Ouriaghli