Au-delà de la mainmise du Président Vladimir Poutine sur la fédération de Russie, au-delà de la fragilité des autres partis politiques russes dont les chefs ne font pas le poids d’un point de vue électoral devant le patron du Kremlin, au-delà de la crise que traverse le pays face à des sanctions internationales conséquences de l’invasion de l’Ukraine par l’armée rouge, il faut se rendre à une évidence capitale pour Moscou aujourd’hui : on ne change pas un président en période de guerre.
Par Abdelhak Najib
Écrivain-journaliste
Ce serait jouer avec le feu et s’exposer à des dissensions internes dont l’issue peut être grave voire fatale pour le peuple russe.
C’est dans cet esprit que le scrutin dont le premier tour de l'élection russe doit se tenir entre le 15 et le 17 mars 2024, ne cache aucune surprise. Car, le président Vladimir Poutine est sûr d’avoir un cinquième mandat depuis 1999, le troisième d'affilée, dans une Russie où l’opposition s’est réduite à peau de chagrin. D’ailleurs, le seul candidat à vouloir s'opposer frontalement à Vladimir Poutine à l'élection présidentielle en Russie et qui a dénoncé l’opération militaire en Ukraine, Boris Nadejdine, a annoncé que sa candidature avait été rejetée par la Commission électorale (CEC). Quant aux autres candidats, ils sont là pour faire illusion, montrant au monde, dans un jeu médiatique bien connu, qu’il n’y a pas qu’un parti unique en Russie. Cinq partis peuvent donc présenter des candidats, sans avoir besoin de fournir de signatures de parrainage citoyen (Russie unie, Parti libéral-démocrate, Parti communiste, Nouveau peuple et Russie juste). Les autres personnalités politiques, proposées par d'autres formations politiques, doivent, quant à elles, recueillir entre 100.000 et 105.000 signatures de citoyens pour se présenter.
Dans cette optique, Leonid Sloutsky, Nikolaï Kharitonov et Vladislav Davankov font office de figurants dans un feuilleton électoral joué d’avance par l’homme fort d’une Russie, qui ne peut se permettre aucun changement de chefferie à un moment de son histoire où elle doit faire face à une coalition occidentale anti-Poutine et qui le revendique. C’est aussi le cas d’autres figures politiques comme Grigori Iavlinski, Ekaterina Dountsova, Sergueï Malinkovitch, Anatoly Batachev, Rada Russkikh, Sergueï Babourine, Alexeï Navalny ou encore Igor Guirkine Alexeï. Leur poids politique est minime face à un mastodonte tel que Vladimir Poutine qui se présente sous l’étiquette du candidat indépendant.
Ce qui fait dire à la majorité des observateurs que ces présidentielles russes vont consacrer la toute-puissance d’un Vladimir Poutine parti en croisade pour faire face aux attaques des USA et de l’Union européenne, par voie de l’OTAN dans son conflit stratégique contre Kiev. Sans oublier que depuis deux ans, le président russe a bien manœuvré politiquement en décrétant l’économie de guerre, comme stratégie politique pour espérer remporter son bras de fer avec les Occidentaux. Économie de guerre synonyme de reconduction pour le Président en exercice qui doit aller au bout de son plan militaire et économique avant de céder son fauteuil à une éventuelle relève qui, de l’avis de tous les analystes, devrait avoir la même vision géostratégique que le Président Poutine. Ceci d’un côté.
D’un autre côté, il y a toutes les alliances politiques, économiques et géostratégiques que Vladimir Poutine a mis en place ces cinq dernières années, et qui ont porté leurs fruits devant logiquement continuer dans le temps, surtout avec la Chine et certains pays africains. Toute une vision qui a l’aval de la Douma, des principaux acteurs économiques russes et de l’armée. Ce qui équivaut à la signature d’un chèque en blanc pour le Président en exercice qui, selon les lois russes, peut rester à la tête de la Russie jusqu’en 2036.