Dans un courrier daté du 26 mars, Chakib Alj, président de la Confédération générale des entreprises du Maroc (CGEM), a alerté le président du Groupement professionnel des banques du Maroc (GPBM), Othman Benjelloun, «sur la situation financière des entreprises» dans ce contexte de "crise sanitaire". L’intégralité de la lettre.
«Monsieur le Président,
Je n’ai aucun doute sur le fait que le GPBM a bien évidemment conscience de la situation d’urgence dans laquelle sont nos entreprises nationales. Une écrasante majorité d’entre elles ont baissé drastiquement leur activité ou sont carrément à l’arrêt. Elles voient leurs revenus s’effondrer ce qui, par un effet domino, finit par toucher la quasi-totalité des secteurs. Quasiment aucune entreprise n’est épargnée.
L’aide aux salaires apportée par le gouvernement leur donne du souffle, mais leur situation reste plus que préoccupante.
Ces entreprises maintiennent pour la plupart leurs salariés pour des raisons sociales et pour être en mesure de reprendre l’activité au plus vite dès la levée de l’état d’urgence.
Elles essaient également de maintenir leurs relations avec leurs fournisseurs, locaux ou étrangers.
Elles font ainsi preuve de responsabilité.
Mais dans les conditions actuelles, beaucoup peinent lourdement à financer leur besoin en fonds de roulement.
Les mesures énoncées par le GPBM sont construites, dans leurs principes, pour répondre à la situation et ainsi accompagner notre tissu d’entreprise à traverser cette crise exceptionnelle.
Toutefois, nous observons des écarts et des situations en décalage avec ces principes.
L’impact de ces écarts, s’ils ne sont pas rattrapés, pourrait être fatal à de très nombreuses entreprises, pourtant aptes à retrouver leur rythme de croisière après cette crise (générant ainsi un niveau de casse sans précédent, et qui laissera une empreinte économique et sociale indélébile). Nous les citons ici.
Comme précisé plus haut, cette crise touche la quasi-totalité du tissu d’entreprises.
Aussi, nous considérons qu’un traitement au cas par cas des entreprises est en décalage avec la situation (sauf demande expresse de votre clientèle).
Les besoins de financement en fonds de roulement sont évidemment aussi importants pour nos entreprises que pour nos confrères des autres économies confinées de la planète.
Il est urgent de mettre en place le dispositif prévu avec la CCG à un niveau suffisant pour rétablir un sentiment de sécurité des entreprises.
A défaut, nous subirons la disparition de nombreuses entreprises et de très lourdes pertes d’emplois.
A titre d’exemple, certains crédits exceptionnels de trésorerie mis en place en Europe sont remboursables sur 5 ans à taux zéro et construits sur la base d’un plan de trésorerie avec zéro recette pendant 3 mois.
D’autres banques ont décidé de refondre leur appréciation des risques et réduisent les lignes de PME jusque-là clientes, ce qui leur est fortement préjudiciable.
Le cas des PME exportatrices est également préoccupant.
Ces unités doivent impérativement être maintenues puisqu’elles permettront dès la reprise en Europe, à la fois d’assurer quelques dizaines de milliers d’emplois mais aussi de rapatrier des devises aujourd’hui rares.
De même, les unités de services aux entreprises, caractérisées par une masse salariale lourde, souffrent d’un déficit brutal de traitement de la part de certains de vos confrères (revenant sur leurs autorisations de découvert par exemple).
Nous tenons également à souligner que le report des échéances de crédits moyen terme et de leasing est généralement bien suivi.
Néanmoins, nous relevons la difficulté d’accès de certaines entreprises à leur responsable clientèle, impactant le délai de réponses à leurs requêtes.
De même il apparaît que certains de vos confrères annonceraient des pénalités ou intérêts supplémentaires, et d’autres n’accepteraient le report qu’à compter du mois d’avril. En comparaison, certains pays européens reportent, à la fin des contrats, les échéances de 6 mois.
Certains membres de votre groupement ont augmenté leurs marges et la tarification des emprunts.
Le taux de refinancement des importations sont parfois passés de 1,5% à 3,5% (pourtant BAM a réduit son taux de base et les taux de base sur le dollar et l’Euro sont à des niveaux historiquement bas).
Les taux de change sont parfois sans rapport avec les cours pivots et certaines salles de marché sont fermées.
Nous sommes convaincus que le GPBM est parfaitement conscient de l’extrême gravité de la situation pour les entreprises et qu’il se tiendra à leur côté, en partenaire privilégié, pour dépasser cette situation de crise exceptionnelle.
En étant certain que vous accueillerez cette lettre avec bienveillance, je vous prie de croire, Monsieur le Président, en mes sentiments les meilleurs».
Chakib ALJ
Président