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«Les conventions sur l’échange des données fiscales avec l’OCDE suscitent de vives inquiétudes chez les MRE»

«Les conventions sur l’échange des données fiscales avec l’OCDE suscitent de vives inquiétudes chez les MRE»

• Le partage d'informations fiscales vise à faciliter l'échange automatique des données financières entre les pays membres de l'OCDE dans le but de lutter contre l'évasion fiscale internationale. Zoom sur le cas du Maroc. 

• Entretien avec Abdelkhalek Hassini, enseignant, président du Collectif des associations pour le développement de l’Oriental Europe (CADOriental Europe) et expert en migration et développement. 

Propos recueillis par Ibtissam. Z

La Quotidienne : Quelle interprétation faites-vous de la position exprimée par Nasser Bourita à l’égard des conventions sur l’échange des données fiscales ?

Abdelkhalek Hassini : La loi d'échange des données financières entre le Maroc et l'OCDE suscite actuellement de vives inquiétudes chez les Marocains résidant à l'étranger (MRE). Cette mesure vise à faciliter l'échange automatique des données fiscales entre les pays membres de l'OCDE dans le but de lutter contre l'évasion fiscale internationale. Cependant, cette initiative soulève des interrogations et suscite des craintes quant à son impact sur les transferts de fonds et l'économie du pays à long terme.
Les MRE sont confrontés à un dilemme fiscal : déclarer leurs comptes bancaires à l'étranger avec le risque d'éventuelles pénalités, ou attendre une solution en cours de négociation pour protéger leurs intérêts financiers. Cette situation suscite des préoccupations légitimes quant à la confidentialité des informations financières et à d'éventuelles conséquences sur les transferts de fonds vers le Maroc. De ce fait, les MRE appréhendent que leurs informations financières et fiscales ne soient divulguées à des tiers sans leur consentement, ce qui pourrait compromettre leur vie privée et leur sécurité. Ils craignent également que cette mesure puisse affecter leur participation économique dans le pays et ainsi compromettre leur rôle crucial dans la revitalisation économique du Maroc.
La position exprimée par le ministre des Affaires étrangères, de la Coopération africaine et des Marocains résidant à l’étranger, Nasser Bourita, à l'égard des conventions de l'OCDE sur l'échange des données financières met en évidence plusieurs éléments importants. Tout d'abord, il est clair que le Maroc accorde une grande importance à la préservation des droits de la communauté marocaine résidant à l'étranger lors de la conclusion de ces conventions internationales. Cela témoigne de la reconnaissance de sa contribution majeure à l'économie nationale et du rôle essentiel en tant que moteur de la revitalisation économique du pays.
De plus, le Maroc s'engage activement dans la lutte internationale contre l'évasion fiscale, le financement du terrorisme et le blanchiment d'argent en soutenant les conventions internationales telles que celle de l'OCDE. Cela montre que le pays veut jouer un rôle responsable sur la scène internationale et contribuer à la sécurité financière mondiale. Cependant, le gouvernement marocain veille à ce que cet engagement ne compromette pas les droits et les intérêts des MRE, qui demeurent au cœur de ses préoccupations. Nasser Bourita a souligné l'importance d'écouter et de prendre en compte les préoccupations légitimes et les craintes des MRE concernant certaines dispositions de ces conventions.
Dans ce contexte, il est essentiel de souligner l'importance que les MRE puissent avoir leurs propres représentants au sein du parlement marocain. Cette demande de représentation politique est légitime et justifiée, compte tenu de leur contribution majeure à l'économie nationale et de leur rôle essentiel en tant que pilier de la revitalisation économique du pays. Une représentation officielle et légitime de leurs intérêts permettrait de garantir que leurs préoccupations soient entendues et prises en compte lors de la prise de décision concernant des accords internationaux, tels que celui de l'échange des données financières avec l'OCDE.
En réaction aux préoccupations soulevées, le gouvernement marocain a réagi de manière positive en reportant le vote sur ces projets de loi afin d'apporter des précisions supplémentaires aux accords ou de les renégocier si nécessaire. Cela démontre la volonté du Maroc de trouver un équilibre entre les impératifs internationaux et les intérêts nationaux, tout en tenant compte des préoccupations de la communauté marocaine à l'étranger. Il est important de noter que la situation évolue et qu'aucune garantie ou confirmation n'a été donnée quant à l'abandon total de l'accord sur l'échange des données financières entre le Maroc et l'OCDE. Le gouvernement marocain prend en compte les différents facteurs en jeu et cherche à protéger les droits des MRE tout en répondant aux exigences internationales de lutte contre les pratiques financières illicites. 
Incontestablement, la situation actuelle concernant la loi d'échange des données financières entre le Maroc et l'OCDE est complexe et en constante évolution. Il est essentiel de suivre attentivement les développements futurs pour comprendre comment le Maroc conciliera les intérêts nationaux et internationaux tout en préservant les droits et les intérêts des MRE.

 LQ : A votre avis, quels sont les efforts que le Maroc devrait engager pour dépasser le blocage concernant ces deux projets de loi ? 

Abdelkhalek Hassini : Les projets de loi sur l'échange automatique des données fiscales entre le Maroc et l'OCDE sont actuellement confrontés à des préoccupations légitimes émanant des MRE, quant à l'impact potentiel sur les transferts de fonds et sur l'économie du pays à long terme. Afin de dépasser cette impasse, le Maroc devrait adopter une approche concertée et proactive, en tenant compte des préoccupations spécifiques des MRE et en respectant ses engagements internationaux.
Le gouvernement marocain devrait entamer un dialogue ouvert et transparent avec la communauté marocaine à l'étranger. Des consultations régulières permettront de comprendre leurs préoccupations spécifiques et de répondre à leurs besoins. La participation active des MRE dans le processus décisionnel contribuera à renforcer la confiance et à garantir que leurs droits soient pris en compte.
Une évaluation approfondie des impacts potentiels de l'échange automatique des données fiscales sur les transferts de fonds des MRE et sur l'économie nationale doit être effectuée. Cette analyse fournira une meilleure compréhension des enjeux et permettra d'identifier des mesures d'atténuation appropriées pour minimiser les effets négatifs.
Le gouvernement doit fournir des informations détaillées sur les dispositions des conventions de l'OCDE relatives à l'échange des données financières, en mettant l'accent sur les mécanismes de protection des droits et des intérêts des MRE. Des campagnes de sensibilisation pour expliquer les avantages de cette mesure et les protections mises en place pour les MRE devraient également être organisées.
Toutefois, si les préoccupations des MRE ne peuvent être résolues dans le cadre actuel des conventions de l'OCDE, le gouvernement devrait envisager une renégociation des accords pour mieux répondre à leurs besoins spécifiques. Cela témoignera de la volonté du Maroc de protéger les droits de sa diaspora tout en restant engagé dans la coopération internationale en matière fiscale.
Le Maroc devrait explorer la possibilité de rechercher des alliances avec d'autres pays partageant des préoccupations similaires concernant l'échange des données fiscales. Cette approche concertée au niveau international renforcera la position du Maroc dans les négociations avec l'OCDE et facilitera la prise en compte des intérêts de la diaspora marocaine à l'étranger.
Le Maroc pourrait opter pour une approche graduelle dans la mise en œuvre des conventions afin d'assurer une transition en douceur. Cela permettra aux MRE de se conformer progressivement aux nouvelles réglementations fiscales tout en identifiant et en résolvant les éventuels problèmes au fur et à mesure qu'ils se présentent.
Pour surmonter le blocage des projets de loi sur l'échange automatique des données fiscales entre le Maroc et l'OCDE, le gouvernement doit adopter une approche proactive et consultative. En impliquant activement les MRE dans le processus décisionnel, le gouvernement pourra mieux comprendre et répondre à leurs préoccupations spécifiques, garantissant ainsi que leurs droits et intérêts soient pris en compte dans la mise en œuvre de ces projets de loi. 

La Quotidienne : À l’occasion du 69ème anniversaire de la Révolution du Roi et du Peuple, en août dernier, le Souverain a appelé à la création d’un mécanisme d'accompagnement des MRE. Très attendu par les MRE, où en est ce projet aujourd’hui ?

Abdelkhalek Hassini : Le discours royal a appelé à la création d'un mécanisme d'accompagnement dédié aux MRE afin de valoriser et mobiliser leurs compétences pour contribuer au développement socioéconomique du pays. 
Depuis lors, le gouvernement s'est mobilisé pour mettre en place ce dispositif, dont l'objectif est de consolider les liens avec la diaspora marocaine et de favoriser des partenariats fructueux. La diaspora marocaine, considérée comme un capital humain d'une inestimable valeur pour le pays, est l'objet de cette démarche d'accompagnement visant à établir une relation structurelle étroite avec cette communauté, en vue de consolider les liens et de susciter des partenariats fructueux, tout en renforçant leur rôle en qualité d'ambassadeurs informels du Maroc à l'échelle mondiale.
Le processus de création du mécanisme d'accompagnement des MRE a débuté après le discours royal, avec la réunion de la commission interministérielle chargée de l'émigration présidée par le premier ministre. Cette réunion a lancé le processus de réflexion et de planification, qui a été suivi par la formation de cinq groupes de travail thématiques chargés d'explorer les différentes dimensions de l'accompagnement des compétences et talents des MRE.
Ces groupes ont travaillé assidûment pour formuler des propositions concrètes et des conclusions sur la meilleure façon de mettre en œuvre ce mécanisme.
En mai, le premier ministre et la commission interministérielle se sont réunis pour examiner les principales conclusions des cinq groupes de travail, évaluant ainsi les avancées réalisées et identifiant les points nécessitant des clarifications et des approfondissements. La création d'un cadre efficace pour bénéficier des compétences et des talents de la diaspora marocaine est l'objectif principal du mécanisme d'accompagnement. Ce mécanisme, plaidé par le Souverain, vise à valoriser et mobiliser les compétences, les ressources et le potentiel de cette diaspora pour contribuer au développement du Maroc dans divers domaines. Il ne se limite pas à intégrer les compétences marocaines à des postes de décision, mais cherche à instaurer une relation mutuellement bénéfique avec la diaspora. Cela implique de revoir le modèle de gouvernance des institutions dédiées aux MRE pour renforcer leur efficacité et leur complémentarité. Une démarche démocratique et participative est privilégiée pour gérer les désaccords.
Des structures institutionnelles dédiées à la coordination et à la mise en œuvre du mécanisme d'accompagnement seraient créées, en collaboration avec les ministères et organismes concernés. Ces structures faciliteraient la participation active des MRE en leur offrant un soutien, des incitations et des opportunités pour investir, entreprendre et partager leur expertise.
La diaspora marocaine est reconnue comme une ressource vitale et inestimable pour le Maroc, capable de jouer un rôle déterminant dans son développement socio-économique. Sa contribution est essentielle et son potentiel doit être pleinement mobilisé sur le long terme. La diaspora, au fil des générations, a évolué et sa perception du pays d'origine s'est transformée. Il est donc crucial de capitaliser sur cette évolution et d'impliquer activement les MRE dans le processus de développement.
En tant qu'ambassadeurs informels, les MRE jouent un rôle clé dans la diplomatie parallèle, renforçant le rayonnement international du Maroc et attirant des investissements étrangers. Leur mobilisation intelligente et efficace est essentielle pour bâtir un avenir meilleur pour le pays. La création de ce mécanisme d'accompagnement est en cours de développement et de mise en œuvre.  Cependant, il est essentiel de souligner que le rapport de la commission interministérielle chargée de l'émigration est très attendu par la diaspora marocaine. Les MRE espèrent que ce rapport prendra en compte leurs préoccupations et qu'ils seront mieux impliqués, représentés et pris en considération dans les décisions qui les concernent. Une meilleure implication des MRE dans le processus décisionnel permettra de garantir que leurs voix soient entendues et que leurs intérêts soient pris en compte de manière équitable.
La diaspora marocaine a de nombreuses contributions à apporter au développement du Maroc, et il est essentiel de créer un cadre qui facilite sa participation active et son engagement. En mettant l'accent sur une approche inclusive et en tenant compte des attentes de la diaspora, le Maroc peut véritablement bénéficier de l'expertise et des ressources des MRE pour promouvoir un développement durable et prospère, écrivant ainsi un nouveau chapitre pour son avenir sur la scène mondiale.

La Quotidienne : Comment les recommandations formulées dans le discours royal de la Fête du Trône pourraient-elles favoriser une collaboration renforcée entre le Maroc et sa diaspora et contribuer de manière significative au développement socioéconomique du pays ?

Abdelkhalek Hassini : Dans son discours à l'occasion du 24ème anniversaire de la Fête du Trône, le Roi a clairement mis en avant le sérieux comme pierre angulaire d'une approche intégrée pour le développement du Maroc. «Le sérieux doit constamment définir notre ligne de conduite, dans la vie de tous les jours comme au travail», a relevé le Souverain. Cette approche inclut la responsabilité, la reddition des comptes et les règles de bonne gouvernance, tout en promouvant les valeurs du travail, du mérite et de l'égalité des chances dans tous les secteurs d'activité.
Ces recommandations englobent également toutes les politiques, y compris celles relatives à la gouvernance de la diaspora marocaine, exhortant à adopter les mêmes valeurs de sérieux, de responsabilité et de bonne gouvernance. Cela permettra de renforcer les liens entre le Maroc et sa diaspora, favorisant une collaboration étroite pour le développement socioéconomique du pays.
Le Roi a appelé à mobiliser toutes les compétences, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur du pays, pour contribuer au progrès économique et social du Maroc en mettant en place des politiques publiques efficaces pour stimuler l'investissement, la création d'emplois et l'amélioration des conditions de vie des citoyens.
L'exemple des Lions de l'Atlas au Mondial illustre que le sérieux, la confiance et la persévérance conduisent au succès. En renforçant la gouvernance et en impliquant activement la diaspora, le Maroc valorise son potentiel et encourage sa participation active dans les projets de développement du pays, créant ainsi un climat de confiance propice à l'échange d'expertise et de ressources.
L'adoption d'une approche sérieuse et inclusive envers la diaspora marocaine permettra au pays de valoriser pleinement son potentiel et ses compétences, créant un environnement propice à la mobilisation et à l'engagement de celle-ci pour contribuer activement au progrès du pays. Ces recommandations s'appliquent à toutes les politiques et stratégies visant à renforcer la collaboration et les liens avec la diaspora marocaine, et elles sont cruciales pour le développement harmonieux du pays dans un monde de plus en plus interconnecté.
En adoptant une gouvernance visionnaire, le Maroc ouvre la voie à de nouveaux horizons, renforçant ainsi les liens avec sa diaspora à travers le monde. Ainsi, pour contribuer pleinement à l'essor du Maroc de demain, la diaspora marocaine doit être guidée par une gouvernance sérieuse et visionnaire.

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