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Statut des ingénieurs: La profession en quête de dialogue avec l’Exécutif

Statut des ingénieurs: La profession en quête de dialogue avec l’Exécutif

Après presque un an et demi à espérer l’ouverture d’un débat avec le gouvernement, les ingénieurs marocains ont fini par investir les rues de la capitale pour scander leurs revendications.

 

Par M. Boukhari

Les 9 et 21 mai, l’Union nationale des ingénieurs marocains (UNIM) a observé des grèves et des sit-in devant le Parlement. Objectif : faire entendre leur voix quant à des difficultés qu’ils ne peuvent surmonter sans une action de la part de l’Exécutif. Aziz Hilali, membre du comité administratif de l’UNIM et président de l’Alliance des ingénieurs istiqlaliens, affirme que par les temps qui courent, il est plus que jamais nécessaire d’organiser la profession d’ingénieur au Maroc, comme c’est le cas notamment pour d’autres professions telles que la médecine et l'architecture.

«Être ingénieur, c’est d’abord assumer la responsabilité vis-à-vis des actes que nous fournissons en tant qu’ingénieurs. Toutefois, lorsqu’un ingénieur travaille dans un bureau d’études dirigé par un particulier détenant le fonds de commerce et qui nous impose exactement quoi faire, d’abord nous ne sommes plus responsables de nos actes, mais aussi il n’existe pas d’assurance sur nos actes professionnels. Ainsi, le fait d’organiser la profession garantira une autonomie d’action et une indépendance de l’ingénieur dans l’exercice de sa fonction. Aussi, cette mesure a pour objet d’offrir au client, qui peut être quelqu’un du privé ou de l’Etat, plus de garantie sur les actes de l’ingénieur. De manière générale, tant que l’organisation de la profession n’est pas faite, il serait difficile de concevoir l’implication de l’ingénieur dans les grands chantiers de l’Etat», affirme-t-il.

Les ingénieurs sont convaincus qu’à l’heure actuelle, le Maroc n’offre pas les bonnes conditions pour l’exercice de leur métier, ce qui provoque leur départ à l’étranger, à la recherche de meilleures conditions et de meilleurs salaires. Par ailleurs, Hilali évoque deux autres revendications qui, selon lui, sont transitoires. La première concerne la révision du statut de l’ingénieur.

«Il existe un statut qui réglemente le parcours professionnel des ingénieurs et architectes relevant de la fonction publique. La dernière modification de ce statut remonte au gouvernement de Abbas El Fassi. Après moult négociations entre l’UNIM et ledit gouvernement, le statut de l’ingénieur a été complètement revu. Après 13 ans, je pense qu’il est légitime de déposer un nouveau dossier qui tient compte de l’évolution de notre profession. Nous demandons la révision du statut d’ingénieur de manière à améliorer les conditions de travail et assurer la formation continue de manière permanente au profit des ingénieurs dans toutes les administrations publiques», insiste-t-il. Quant à la deuxième revendication, elle est relative à l’augmentation des salaires.

«Les ingénieurs investissent tous les chantiers et sont impliqués dans différentes études et suivis, d’où l’importance de procéder à une hausse de leurs revenus de manière à récompenser tous ces efforts entrepris. Par exemple, un ingénieur qui travaille dans une entreprise ou un bureau d’études touche entre 3.000 et 5.000 dirhams», s’insurge-t-il. Et de préciser : «Aujourd’hui, nous demandons à ce qu’il y ait une convention collective-type, permettant à un ingénieur travaillant dans le secteur privé d’avoir un SMIG équivalent au salaire de l’Etat».

La fuite des ingénieurs

De son côté, Abderrahim Handouf, président de l’UNIM, explique que cette entité a, depuis sa création en 1971, été l’interlocuteur du gouvernement en ce qui concerne le dialogue social concernant les ingénieurs. «Mais à la différence des syndicats, nous ne participons pas chaque année au dialogue social. Par ailleurs, malgré le fait que les syndicats participent chaque année, les accords du dialogue social restent limités et sont au nombre de 7 depuis le début du dialogue social au Maroc en 1996. En tant qu’ingénieurs, nous présentons un dossier au gouvernement en moyenne tous les dix ans. Nous avions présenté un dossier en 2000 et il y a eu un dialogue social avec les ingénieurs en 2001, qui a abouti à la promulgation d’un nouveau statut du corps d’ingénieurs interministériels.

Et en 2011, il y a eu un dialogue social qui a abouti à un nouveau statut», précise-t-il. En octobre 2022, l’UNIM a déposé un projet d’un nouveau statut et, jusqu’à présent, le gouvernement n’a pas ouvert la voie à un dialogue social. En outre, la particularité de cette année, c’est qu’en plus de déposer un projet de statut, l’UNIM a préparé un projet de loi qui réglemente le métier d’ingénieur. «Le problème des ingénieurs se pose avec acuité aujourd’hui. Tout d’abord, notre pays a fort besoin d’ingénieurs et d’une ingénierie nationale forte qui soit capable de relever les défis auxquels fait face notre pays. Aujourd’hui, il y a le défi de la transformation digitale, de la transition énergétique, de la sécurité hydrique, de la souveraineté alimentaire et de la souveraineté sanitaire, comme l’a démontré la pandémie du Covid-19. Ces défis ne peuvent être relevés sans des ingénieurs bien formés travaillant dans des conditions correctes», dixit Handouf.

Ce dernier estime qu’il y a entre 600 et 800 ingénieurs marocains formés au Maroc qui quittent chaque année le pays. Aussi, on parle de 600 ingénieurs formés chaque année en France, dont très peu choisissent de rentrer au Maroc. Selon une étude qui a concerné les lauréats de l’Ecole Polytechnique en France, durant les années 80, la plupart des lauréats marocains rentraient au Maroc, et ce sont eux qui occupaient les postes de ministres et de PDG des grandes entreprises au Maroc. Après les années 90, il y a très peu d’ingénieurs marocains lauréats de l’Ecole Polytechnique qui ont choisi de retourner au Maroc. «Au Maroc, on n’accorde pas d’importance aux ingénieurs. La preuve c’est qu’au niveau des salaires, hormis les administrateurs qui sont au bas de l’échelle, toutes les autres catégories de fonctionnaires sont mieux payées que les ingénieurs», déclare Handouf.

A quand un Ordre des ingénieurs ?

Le président de l’UNIM déplore également l’absence d’un Ordre des ingénieurs qui, selon lui, demeure primordial. «Aujourd’hui, nous ne savons pas combien d’ingénieurs nous avons au Maroc, excepté ceux qui travaillent dans la fonction publique car ils sont recensés. Mais pas de statistiques concernant ceux travaillant dans le secteur privé. Tout simplement parce que nous n’avons pas un Ordre des ingénieurs, ce qui fait que le métier n’est pas réglementé», révèle-t-il.

Et de poursuivre : «Si nous avions un Ordre, tous les ingénieurs travaillant au Maroc et même ceux travaillant à l’étranger y seraient inscrits. Par exemple, dans certains pays, surtout au Moyen-Orient, avant de recruter un ingénieur, ils exigent à ce qu’il soit inscrit à l’Ordre des ingénieurs». L’existence d’un Ordre aurait permis, selon Handouf, de connaître les besoins en formation, les compétences marocaines auxquelles le Royaume peut faire appel, en sus de la possibilité de les contacter facilement, etc. «Qui plus est, cela aurait permis aussi de mieux contrôler les diplômes des ingénieurs, statuer sur l’équivalence, donner un avis sur les politiques qui ont trait à l’ingénierie, en sus d’exiger aux ingénieurs des formations continues», fait-il savoir. 

 

 

 

 

 

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