Dans un récent rapport, l’OCDE a mis l’accent sur les leviers indispensables pour réduire l’économie informelle.
Par M. Ait Ouaanna
En dépit des efforts consentis par les différents gouvernements, le secteur informel continue de freiner l’économie nationale, engendrant d’importantes pertes en termes de recettes fiscales. Représentant 30% du PIB, selon des chiffres révélés par Bank Al-Maghrib en 2021, l’économie informelle génère un manque à gagner estimé à près de 40 milliards de dirhams. Dans son récent rapport sur l’économie marocaine, l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) a précisé que la lutte contre l’informel nécessite «un programme complet de mesures dans la continuité des initiatives précédentes et des réformes en cours».
Comme c’est le cas pour plusieurs pays en développement, le Maroc est marqué par une forte présence de l’activité informelle. Celle-ci représente une ressource essentielle pour de nombreux ménages et permet à certaines entreprises de faire face aux crises économiques. Pour remédier à cette problématique, l’OCDE recommande, notamment pour les personnes à faibles revenus, de ne pas mettre en place des taux d’imposition et de cotisations sociales marginaux élevés, qui peuvent décourager de travailler dans le secteur formel.
L’Organisation estime, en outre, qu’une réglementation contraignante du marché du travail, sous la forme d’une législation stricte sur la protection de l’emploi dans le secteur formel et d’un salaire minimum élevé, peut éloigner les travailleurs et les entreprises du secteur formel. Dans le même ordre d’idées, la même source précise qu’afin d’être efficaces, les stratégies en faveur de la régularisation doivent être globales au lieu d’être axées sur un seul facteur. Par ailleurs, l’OCDE a mis en avant quelques exemples de stratégies déployées dans d’autres pays en vue de limiter l’activité informelle. Il s’agit tout d’abord de la réduction du coût de l’entrée dans le secteur formel. Dans ce sens, l’Organisation souligne que les entreprises et les travailleurs souhaitant éventuellement intégrer le secteur formel sont découragés par le coût que cela représente.
«Des procédures d’enregistrement compliquées et coûteuses, ou encore une réglementation excessive du travail pourraient en être la cause. La réduction du coût d’une entreprise et de l’emploi dans le secteur formel peut déboucher sur une hausse appréciable de la régularisation», peut-on lire dans le rapport. L’OCDE a également évoqué la réduction du coût permanent de l’activité formelle afin de la rendre plus attractive, en plus de l’amélioration des avantages offerts par cette dernière.
«Du point de vue des travailleurs, une couverture d’assurance maladie plus complète pour les travailleurs du secteur formel peut être une importante incitation à intégrer le secteur formel, comme cela a été le cas en Colombie», note l’Organisation. Parmi les stratégies citées par l’Organisation, figure également la transformation numérique. A ce propos, l’OCDE indique que la dématérialisation des procédures requises pour opérer dans le secteur formel peut impulser la régularisation en réduisant le coût de la conformité et en renforçant les mécanismes de dissuasion.
«La mise en œuvre de la facturation électronique de la TVA au Pérou a fait augmenter les ventes et la valeur ajoutée déclarées par les entreprises de plus de 5% en un an. De même, le déploiement de la facturation informatisée de la TVA en Chine a renforcé les incitations à s’enregistrer et à déclarer correctement les ventes, ce qui a entraîné une amélioration de la collecte des recettes publiques de plus de 10 points de pourcentage après 5 ans», détaille la même source. Dans la même veine, Azzelarab Zaoudi Mougani, économiste et enseignant-chercheur à l’ISCAE, estime que la réduction du gap de compétitivité fiscale entre le secteur formel et informel apparaît comme une mesure clé pour lutter contre ce fléau.
«L'allègement de l'imposition sur le travail et les outils de production dans le secteur formel peut contribuer à rendre les entreprises légales plus compétitives, réduisant ainsi l'incitation à opérer dans l'informel pour des raisons fiscales. Cette approche pourrait atténuer l'écart de compétitivité fiscal, incitant les acteurs informels à opter pour la légalité», précise-t-il. Dans le même sillage, l’économiste met en avant l’importance de développer un cadre réglementaire et incitatif pour les unités de production informelles.
«Accompagner ces unités dans leur transition vers le formel, en facilitant l'accès au marché et en renforçant leurs capacités, peut favoriser une intégration en douceur. Des incitations financières et des mesures d'accompagnement peuvent encourager les entreprises informelles à régulariser leur statut, contribuant ainsi à l'émergence d'un secteur formel plus robuste», insistet-il. In fine, l’expert fait part d’autres recommandations telles que l'implication de l'ensemble des fédérations dans la détection des fraudes afin de renforcer les mécanismes de contrôle, la sensibilisation des consommateurs aux méfaits de l'économie informelle, ainsi que la promotion de l'emploi formel et de ses avantages.