La Banque africaine de développement (BAD) s'apprête à vivre un moment charnière de son histoire institutionnelle, avec l'élection d'un nouveau président, parmi les cinq candidats en lice, appelé à succéder au Nigérian Akinwumi Adesina, en poste depuis 2015.
Dans un contexte marqué par de fortes attentes autour du rôle futur de la BAD dans le développement économique et la souveraineté du continent, cette élection s'annonce stratégique.
Le prochain président, qui sera élu le 29 mai à l'occasion des Assemblées annuelles 2025 de la Banque à Abidjan, devra piloter l'Institution dans une nouvelle phase, entre ambitions politiques, urgences climatiques et exigences de financement innovant.
Cinq profils de haut vol
Lors de cette élection, qui se tient dans un contexte de profondes mutations économiques mondiales où l'Afrique aspire à renforcer son autonomie et à valoriser pleinement son capital humain, naturel et institutionnel, cinq personnalités de haut niveau, issues de divers horizons géographiques et professionnels du continent, sont officiellement en lice.
Il s'agit d'Amadou Hott (Sénégal), de Bajabulile Swazi Tshabalala (Afrique du Sud), de Sidi Ould Tah (Mauritanie), de Samuel Munzele Maimbo (Zambie) et d'Abbas Mahamat Tolli (Tchad).
Ancien ministre sénégalais de l’Économie, du Plan et de la Coopération, Amadou Hott, qui est également un ancien vice-président de la BAD chargé de l’énergie, du climat et de la croissance verte, Amadou Hott mise sur son expertise en financement structuré, en transition énergétique et en partenariats public-privé pour impulser une nouvelle dynamique de développement axée sur la souveraineté économique africaine.
Financier aguerri, il a également exercé au sein de la Banque islamique de développement (BID) et de grandes institutions internationales.
Seule femme candidate pour cette élection, Swazi Bajabulile Tshabalala est l’actuelle première vice-présidente de la BAD. Forte d’une longue carrière dans les secteurs bancaires public et privé, notamment à la banque sud-africaine Standard Bank et du South African Industrial Development Corporation (IDC), elle incarne la continuité dans la réforme institutionnelle et la transformation numérique de la Banque.
Son profil est perçu comme un atout pour une gouvernance inclusive et une stratégie axée sur la transparence et la performance.
Quant à Sidi Ould Tah, qui est directeur général de la Banque arabe pour le développement économique en Afrique (BADEA) depuis 2015, sa candidature met l’accent sur l’ancrage panafricain, la coopération arabe-africaine, et le soutien aux États fragiles et aux pays à revenu intermédiaire.
Il bénéficie d’une expérience significative dans la coopération Sud-Sud et le financement concessionnel.
De son côté, le Zambien Samuel Munzele Maimbo est cadre supérieur à la Banque mondiale, spécialiste des systèmes financiers et de la gouvernance bancaire.
Il a occupé plusieurs postes stratégiques dans les politiques de développement et la réforme des institutions financières en Afrique. Samuel Munzele Maimbo s’appuie sur une expertise technique reconnue pour moderniser l’architecture financière de la BAD et renforcer sa capacité à mobiliser des ressources à grande échelle pour les infrastructures et le climat.
Concernant le candidat tchadien Mahamat Abbas Tolli, il est l’actuel gouverneur de la Banque des États de l’Afrique centrale (BEAC).
Ancien ministre des Finances du Tchad, Mahamat Abbas Tolli est un acteur majeur de la régulation monétaire et de la stabilité financière en Afrique centrale.
Il plaide pour une approche prudente mais ambitieuse, fondée sur la rigueur macroéconomique et l’optimisation des ressources propres du continent. Son profil se veut rassurant pour les partenaires internationaux et les marchés financiers.
Un vote à forts enjeux
Prévu lors de ces assemblées annuelles de la BAD, qui se poursuivent jusqu'au 30 mai, le scrutin réunira les gouverneurs représentant les 81 pays membres régionaux et non régionaux de la BAD.
Le successeur d’Adesina, qui quitte ses fonctions après dix ans à la tête de l'Institution, héritera d'une BAD renforcée mais confrontée à de nouvelles exigences : accélérer l’investissement dans les infrastructures, faciliter l’accès au financement pour les États, mais aussi accompagner les économies africaines dans un environnement mondial plus incertain.
Le nouveau président devra incarner une vision de leadership transformateur, capable d’adapter la Banque aux priorités émergentes à savoir, l'industrialisation, la résilience climatique, l'inclusion financière, et la mise en œuvre de la Zone de Libre-Échange Continentale Africaine (ZLECAf).
Au-delà des profils et programmes, il sera question de préserver l’équilibre délicat entre ambition politique et rigueur financière, tout en poursuivant les réformes de gouvernance interne et en consolidant le rôle de la BAD comme partenaire incontournable du développement africain.
Dans un contexte mondial en recomposition, cette élection marque une nouvelle page dans le positionnement stratégique de l’Afrique sur l’échiquier économique international.