Le premier débat de l’année 2015, dans le cadre du cycle des conférences de la Fondation Attijariwafa bank, a été animé hier à Casablanca par le ministre de l’Economie et des Finances, Mohamed Boussaïd. Retour sur les faits marquants de cette rencontre organisée sous le thème «La Loi de finances 2015 : Cap sur la relance de la croissance et l’équité sociale».
* Le retour à l’équilibre se poursuit
«Nous avons acheté la croissance avec un peu de déficit », constate le ministre en commentant l’évolution des fondamentaux de l’économie marocaine. L’année 2014 s’est soldée par un déficit budgétaire de 4,9% contre 5,2% en 2013 (4,3% prévus en 2015). Le déficit du compte courant est passé de 7,6% en 2013 à 5,8% en 2014 et devrait se limiter à 3,3% en 2015. «Je vous invite à apprécier la performance d’avoir divisé le déficit du compte courant par trois en trois ans», soutient le ministre Boussaïd. Le Maroc entame depuis 2013, dit-il, une phase de redressement des équilibres macro-économiques, sous l’effet des réformes touchant les finances publiques, et ce après la conduite d’une politique contracyclique depuis 2009.
* Un taux de croissance autour de 3% en 2014
La reprise des activités non agricoles s’accélère. Les indicateurs sectoriels attestent d’une meilleure évolution à fin 2014 en comparaison avec 2013, à l’exception du secteur du BTP (les ventes de ciment en baisse de 5,4%). Du côté de l’export, la dynamique des principaux secteurs, essentiellement la construction automobile, a largement compensé la baisse des ventes des phosphates et dérivés.
«Compte tenu de ces évolutions, le taux de croissance économique devrait se situer autour de 3% en 2014, en dépit de la baisse de 1,5% de la valeur ajoutée du secteur agricole», estime le ministre de l’Economie. Ce dernier annonce par ailleurs que le PIB devrait franchir en 2015 la barre des 1.000 milliards de DH.
* Le déficit commercial a doublé en dix ans
Avec une offre exportable insuffisante et peu diversifiée, et une dépendance énergétique et alimentaire forte, le Maroc doit enrichir son modèle de croissance : le déficit de la balance commerciale a doublé en dix ans, passant de pratiquement 100 à 200 milliards de DH entre 2005 et 2014. La solution, selon le ministre, passe par l’intégration du tissu productif et le développement de l’import-substitution. Il s’agit aussi d’accélérer la transformation vers des industries manufacturières et les services à forte valeur ajoutée.
* Vers un nouveau cap économique
L’argentier du Royaume définit quatre axes stratégiques pour un nouveau cap économique :
- l’impulsion d’une politique de l’offre basée sur la réindustrialisation, avec des mesures destinées à la stimulation de l’investissement privé;
- la poursuite de la politique de soutien à la demande et à l’emploi, tout en ciblant davantage les segments sociaux et territoriaux les moins intégrés;
- le rétablissement progressif des équilibres macroéconomiques, appuyé par la transformation de la gouvernance et le fonctionnement de l’Etat;
- la diversification des partenariats avec le monde.
* Chute du pétrole : Effets contrastés
L’impact de la baisse des prix du baril sur la croissance en 2015 reste insignifiant. Une première simulation a donné un différentiel de 0,2 à 0,3% de croissance. Par contre, laisse remarquer Boussaïd, l’impact sur le compte courant de la balance des paiements demeure important.
D’un point de vue budgétaire, la chute du prix du pétrole aura pour effet une perte de l’ordre de 3 milliards de DH au titre des recettes de TVA à l’importation. Au cas où le Maroc aurait maintenu le système de compensation des produits pétroliers, le budget aurait gagné 7 milliards de DH.
«Le gouvernement ne va pas revenir sur cette décision. La décompensation a des effets bénéfiques sur la compétitivité économique ainsi que le pouvoir d’achat. La baisse des prix est une aubaine pour les ménages et les entreprises. Il faut en profiter», martèle Boussaïd.
* Butoir TVA : Cinq milliards remboursés
«Le montant des crédits TVA (butoir) remboursés en 2014 a atteint 5 milliards de DH (notamment pour les exportations)», affirme Boussaïd. En plus de ce montant, il va falloir compter également 1,1 milliard de DH, soit l’équivalent du manque à gagner pour le budget de l’Etat (dépenses fiscales) suite à l’application de la règle de décalage. Le processus de remboursement du butoir de TVA a commencé par les dossiers dont les créances cumulées au 31 décembre 2013 ne dépassent pas 20 millions de DH.
Les 5 milliards remboursés jusqu’ici correspondent à 96% de l’ensemble des entreprises concernées par le butoir. Le reste à rembourser, soit le gros lot, va toucher un total de 70 entreprises (en dehors des entreprises publiques). «Nous espérons tourner cette page du butoir au cours des trois prochaines années», précise Boussaïd.
* Une nouvelle charte de l’investissement en cours
«La nouvelle charte de l’investissement est en cours de finalisation. Elle sera bientôt mise dans le circuit législatif», affirme Boussaïd. De nouvelles incitations financières y seront intégrées, a-t-il précisé. Les projets seront par ailleurs différenciés selon leur nature ainsi que le territoire de leur implantation.
* Les contrats PPP bientôt opérationnels
La loi sur les contrats de partenariat public privé (PPP) étant d’ores et déjà approuvée, l’heure est à la concrétisation et à la mise en pratique de ce nouveau dispositif. «Nous sommes en train de mettre en place une conception opérationnelle du texte. Nous identifions les projets qui seront mis à travers des PPP», souligne le ministre.
* 10 milliards de DH destinés aux régions à l’horizon 2021
La part des recettes d’IS et d’IR affectées aux régions va passer de 1 à 5%. Mieux encore, la taxe sur les contrats d’assurances au profit des régions va passer de 14 à 20%. Voilà ce qui fait dire que la régionalisation (les lois organiques ont été approuvées hier en Conseil des ministres) va coûter cher à l’Etat. L’objectif, annonce le ministre, est de réserver aux régions 10 milliards de DH de ressources budgétaires d’ici 2021. Ces ressources vont transiter par les deux Fonds prévus par la Constitution : le Fonds de solidarité interrégionale et celui de mise à niveau sociale.
* Dernière ligne droite pour la Loi organique de la Loi de Finances
De retour du Conseil de ministres tenu hier à Fès, au cours duquel le ministre des Finances a présenté un exposé sur les effets juridiques de la décision du Conseil constitutionnel au sujet de la constituationnalité de la LOLF (celle-ci stipule la conformité de ladite loi avec la Constitution, à l’exception de deux alinéas), le ministre a évoqué deux nouveautés apportées par cette loi :
- la facilitation de la procédure d’adoption des Lois de Finances rectificatives dans la mesure où le ministre des Finances peut en présenter une en 15 jours, seulement une fois les conditions requises satisfaites;
- le surplus d’endettement publique ne peut en aucun cas dépasser le montant programmé au titre de l’investissement public.
«Fini l’ère d’emprunter juste pour consommer», tranche Boussaïd. A travers la LOLF, les finances publiques au Maroc passent d’une logique de dépense (taux d’engagement, taux d’émission, etc) à une logique de résultat, à l’aide d’une programmation budgétaire pluriannuelle (au moins trois ans).