Autorisant les agrégateurs agricoles à vendre directement leurs produits sans passer par les marchés de gros, le projet de décret n°2.23.920, nouvellement adopté par l’Exécutif, pourrait remédier à la prédominance des intermédiaires dans les circuits de distribution et de commercialisation.
Par M. Ait Ouaanna
C'est une vérité incontestable : la multiplication des intermédiaires dans la chaîne de distribution des fruits et légumes affecte considérablement le prix proposé au consommateur final. L’influence prédominante de ces intervenants, servant régulièrement de courtiers entre les agriculteurs et les commerçants, conduit souvent à des iniquités et perturbe l'équilibre des marchés.
Récemment, le Conseil de gouvernement a adopté le projet de décret n°2.23.920 qui, visiblement, pourrait contribuer à remédier à cette problématique tant décriée par les défenseurs du droit des consommateurs. Mais dans quelle mesure cette solution peut-elle être efficace? Présenté par le ministre de l'Agriculture, de la Pêche maritime, du Développement rural et des Eaux et Forêts, Mohamed Sadiki, ce décret est, en effet, une application de la loi n° 37.21 qui met en place des dispositions spécifiques concernant la commercialisation directe des fruits et légumes produits dans le cadre de l’agrégation agricole.
En vertu de cette nouvelle réglementation, les agrégateurs sont autorisés à vendre directement leurs produits sans passer par les marchés de gros, sous réserve de l'obtention d'une autorisation préalable. Ce projet prévoit en outre la création d'un comité technique auprès de l'autorité gouvernementale chargée de l'Agriculture, pour formuler un avis sur les demandes d'octroi et de renouvellement de cette autorisation, ainsi que son retrait. En éliminant l'obligation de passer par le marché de gros pour la distribution des fruits et légumes, le circuit est raccourci, réduisant ainsi le nombre d'intermédiaires. Toutefois, est-ce que cela entraînera vraiment une diminution des prix pour le consommateur final ?
Pour Ouadie Madih, président de la Fédération nationale des associations du consommateur (FNAC), cette nouvelle est certes réjouissante, mais «elle ne peut se concrétiser que si nous verrouillons tout le circuit». «Cette mesure va assurément réduire les intervenants, mais il est primordial d’exiger la délivrance de la facture au client tel que spécifié dans la loi n° 31-08 édictant des mesures de protection du consommateur, qui oblige tous les professionnels et fournisseurs à remettre un document justifiant la transaction commerciale. Cela permet de garantir la vérification du processus et le respect du circuit», explique-t-il.
«Ce nouveau décret pourrait potentiellement éliminer les intermédiaires des marchés de gros, mais certains opérateurs agissent en dehors de ces marchés et restent libres de leurs actions. Il est donc crucial de sécuriser l'ensemble du processus de facturation afin d'assurer une réelle baisse des prix», insiste-t-il. S’exprimant autour de ce nouveau projet de décret, le ministre délégué chargé des Relations avec le parlement, porte-parole du gouvernement, Mustapha Baitas, a indiqué lors d’un point de presse que ce nouveau décret «vise à assurer l'ouverture de ce secteur à titre exceptionnel afin de réformer, réglementer et réhabiliter les marchés de gros».
Et de poursuivre que l'ouverture de ce secteur sera réalisée sous certaines conditions, dont la mise en place d'une commission centrale regroupant nombre de ministères, notamment le ministère de l'Intérieur, le ministère de l'Agriculture, de la Pêche maritime, du Développement rural, et des Eaux et Forêts, et le ministère de l'Industrie et du Commerce, qui s'attellera à l'examen des demandes déposées. «Une fois l'approbation accordée, les commissions régionales procéderont au contrôle de la qualité des produits et de leur conformité aux conditions édictées par le décret. Les licences seront, par la suite, prorogées ou retirées conformément aux délais impartis», conclut le responsable gouvernemental.