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Inondations à Safi : Après le drame, les interrogations

Inondations à Safi : Après le drame, les interrogations

La ville de Safi a été plongée dans un désarroi en raison de fortes intempéries ayant coûté plusieurs vies humaines. Pourquoi ces pluies ont-elles eu un tel impact ? Les infrastructures urbaines sont-elles adaptées à des épisodes climatiques de plus en plus extrêmes ? Décryptage.

 

Par Désy. M.

Alors qu’on parle de rareté de l’eau et de stress hydrique devenu structurel dans le Royaume, dans l’une de ses provinces, à Safi précisément, plus d’une trentaine de personnes décèdent des causes d’un trop plein d’eau. En lieu et place de garantir une sécurité hydrique, ne fusse que pour une réutilisation à but agricole ou d’assainissement, ces pluies d’une intensité violente, soudaines et dévastatrices ont plongé la ville de Safi dans une insécurité, causant des dégâts humains et matériels considérables.

Une situation qui interroge sur les capacités du pays à se prémunir des dégâts d’inondations ou à faire face à des chocs climatiques de plus en plus fréquentes. Il est évident que les effets du changement climatique frappent le Maroc de plein fouet, et ce dans les extrêmes. D’un côté, ils sont la cause d’une sécheresse de plus en plus aigue et, de l’autre, ils occasionnent des crues dévastatrices. Selon les experts, ces averses sont le résultat d’une «goutte froide», soit une masse d’air froid ayant pu se détacher et s’introduire dans l’air chaud in situ au-dessus du Maroc.

L’atmosphère marocaine, saturée de vapeur d’eau due à la température élevée, a généré un déluge d’une grande énergie. Ce phénomène, bien que survenant durant la saison transitoire de l’automne, est aujourd’hui amplifié par l’effet du réchauffement climatique qui, en augmentant la température, accroît considérablement la vapeur dans l’atmosphère, rendant le retour de la pluie très violent.

Rappelons d’ailleurs que des conditions globales comme la Niña et l’oscillation nord-atlantique négative pourraient prolonger un retour important de la pluie et de la neige durant les saisons d’hiver et de printemps, appelant à une vigilance globale. Bien qu’un bulletin d’alerte orange ait été publié par la Direction générale de la météorologie, les experts soulignent que l’alerte est nécessaire mais pas suffisante, car la préparation doit se faire en amont, notamment en développant des abris et des refuges pour sauver des vies.

Ce qui s'est produit à Safi est comparable aux événements de Valence en Espagne, non seulement sur le plan météorologique, mais surtout à cause de l'infrastructure défaillante, celle-ci ayant été conçue pour un cycle de l'eau qui n'existe plus en raison de l'évolution des températures. La quantité de pluie tombée à Safi (80 millimètres en 48 heures) est importante, mais d'autres régions ont connu des épisodes plus intenses. Le problème réside dans l'incapacité de l'infrastructure à absorber l'eau qui arrive instantanément et avec une intensité très élevée.

Le professeur Abderrahim Ksiri, président de l’Association des enseignants de sciences de la vie de la Terre (AESVT), insiste sur le fait que le caractère destructeur de ces inondations résulte d'un urbanisme rapide et non maîtrisé, combiné au sous-dimensionnement et au vieillissement des réseaux d'assainissement pluvial.

«La ville souffre d'une forte  ‘’bétonisation’’ ou artificialisation des sols qui limite drastiquement l'infiltration de l'eau. De plus, les Oueds, comme celui de Chaâba qui traverse la vieille ville de Safi, ont été urbanisés au lieu d'être aménagés en espaces verts». En effet, la Médina de Safi, déjà caractérisée par la fragilité de son tissu et la présence d'habitat anarchique, a été la principale victime de cette catastrophe. Enfin, une question est soulevée quant à un mur en béton récemment édifié le long du front de mer, qui, selon les habitants, aurait amplifié le désastre en stoppant le déversement normal des eaux de l'Oued vers l'océan.

L'impératif de l'anticipation

Ce n’est pas la première fois que ce genre de catastrophe naturelle s’abat sur le pays. L’année dernière, le sud-est du Royaume a aussi connu des inondations causant des dégâts matériels et de nombreux disparus. Ces inondations, qui représentent plus de 62% des catastrophes naturelles au Maroc, interrogent sur la gouvernance et l'aménagement du territoire. Les experts estiment que Safi a été «l'oubliée» des politiques de développement territorial de la région MarrakechSafi, ce qui explique l'absence de plan d'assainissement et de prévention des risques contre les inondations.

«L'intégration du risque d'inondation doit être structurelle dans les plans d'aménagement, car le climat a changé» affirme le professeur Ksiri, en soulignant que la prévention est un «investissement gagnant, car chaque Dirham investi dans cette prévention nous permettra de gagner 100 dirhams qu’on évitera de dépenser pour la réparation». Il appelle à une révision des normes d’infrastructures, d’espaces et de construction de routes dans toutes les villes du Maroc, en fonction de ce nouveau climat. Ceci pour avoir une capacité d’infiltration de l’eau plus optimale.

Des pistes de solutions

Parmi les solutions urgentes, Ksiri revient sur la proposition faite de lancer la journée mondiale du 13 octobre consacrée à la lutte contre les catastrophes naturelles.

«Cette journée permettrait de préparer de manière obligatoire toutes les parties prenantes à la gestion des risques (sensibilisation), à la gestion des crises et à la gestion post-crises, basée sur des cas concrets de manière participative et démocratique», explique t-il. Parallèlement, la mise en place d'un système d'alerte par SMS, sur le modèle de Valence, est également suggérée pour anticiper les pertes humaines. Les efforts nationaux sont présents, notamment le programme royal de 7 milliards de dirhams lancé en mai dernier pour la construction de 12 plateformes régionales de réserve de première nécessité, visant à améliorer la réponse aux catastrophes naturelles et industrielles.

«Nous avons la capacité, les moyens et l’expertise pour investir dans la prévention pour protéger la vie des citoyens marocains face aux effets du changement climatique», conclut Abderrahim Ksiri. Notons que le Parquet a ouvert une enquête pour élucider les réelles causes de cette tragédie.

 

 

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