Le haut-commissariat au Plan, le Système des Nations Unies au Maroc et la Banque mondiale ont développé conjointement une «Note stratégique» pour approfondir la compréhension de l'impact socio-économique de la pandémie de la COVID-19 au Maroc.
Selon la note, outre des mesures de santé publique strictes qui ont permis au pays de réagir rapidement contre l'évolution de la pandémie, le Maroc a également mis en place le Fonds national COVID-19 (d’un montant de près de 3,3 milliards USD à la fin Mai) afin d’atténuer les impacts de la pandémie sur les entreprises et les ménages vulnérables, tout en permettant des allocations de santé plus élevées.
En plus des mesures monétaires, il pourrait permettre d’éviter la faillite d'un bon nombre d'entreprises, notamment les PME et sauver des emplois.
Un comité de veille économique (CVE) a été mis en place au niveau du Ministère de l'Économie, des Finances et de la Réforme Administrative, chargé, d'une part, de suivre l'évolution de la situation économique à travers des mécanismes de suivi et d'évaluation rigoureux et, d'autre part, d'identifier les mesures appropriées en termes de soutien aux secteurs impactés.
Le CVE a ainsi décidé d'un plan d'action à exécuter jusqu'à fin juin, avec une première série de mesures et prépare un plan national de relance.
Le pays a également préparé un projet de Loi de Finances rectificative, afin de rééquilibrer les comptes publics et soutenir les secteurs et les catégories fortement affectés par la crise.
Le Maroc, à l’instar de nombreux autres pays dans le monde, peut tirer des enseignements de la mise en place en 1983-84 de programmes d'ajustement structurel (PAS), dont l’impact négatif sur les secteurs sociaux a demandé un effort de plus de 30 ans pour tenter de réduire les inégalités engendrées.
Toutefois, la crise actuelle revêt un caractère unique qui remet également en question la viabilité et la priorité des réformes positives engagées par le pays sur le plan social face à une crise économique qui demandera probablement une réallocation des ressources financières.
Le renforcement de la protection sociale semble alors être une réponse appropriée et viable aux impacts négatifs de la COVID-19 sur les populations vulnérables opérant dans les différents segments de l'économie marocaine.
Par ailleurs, la vulnérabilité des populations face à la crise concerne également l’accès aux services de base, en particulier la santé et l’éducation.
A cet égard, l’UNICEF souligne que la priorité donnée à la COVID-19 dans la réponse sanitaire peut affecter négativement l'accès aux soins de santé réguliers et primaires (vaccination, suivi de grossesse, etc.) ou encore la continuité de l'enseignement, déjà inégale entre les secteurs privé et public et entre les zones rurales et urbaines.
L’identification des personnes en situation de vulnérabilité multidimensionnelle est un élément clé de la réponse à la crise.
Le Maroc dispose d’ores et déjà, à travers le dispositif du RAMED, d’une première base de données importante pour l’identification des personnes les plus vulnérables aux effets de la crise.
Celle-ci a permis de recenser 15,1 millions de personnes (i.e. personnes disposant d’une carte RAMED, valide ou non) présentant un risque de vulnérabilité accrue.
Des mesures sont déjà mises en place pour cibler cette population.
La crise du COVID-19 a provoqué un choc sanitaire impactant directement le marché du travail.
Comme expliqué plus haut, les travailleurs informels sont plus vulnérables à l'appauvrissement et aux maladies, ne bénéficiant pas des filets de sécurité sociale et des systèmes de soutien nécessaires s'ils perdent leurs moyens de subsistance.
Il convient alors d’examiner les impacts de la crise sur le chômage, le sous-emploi, la pauvreté au travail, mais aussi l’impact différencié sur les groupes vulnérables comme les travailleurs indépendants, les travailleurs non-protégés et les personnes occupant des formes d’emploi atypiques, urbains et ruraux, notamment les jeunes et les femmes.
À l'échelle mondiale, l’OIM et le HCR soulignent la nécessité d'inclure les migrants, les réfugiés et les demandeurs d’asile dans les réponses nationales contre la pandémie, en accordant une priorité à la coordination des interventions d’assistance directe avec une approche systémique, soutenant les autorités nationales et locales.
Au Maroc, la population enregistrée dans la base de données du HCR est, au 31 mai 2020, de 11.149 personnes, dont 3.843 demandeurs d'asile et 7.306 réfugiés ayant besoin d'une protection.
L’inclusion de ces populations dans les réponses nationales est primordiale pour soutenir leur résilience face à cette situation de crise, et ce également dans l’optique de ne laisser personne pour compte en conformité avec la réalisation des ODD.
Le HCP et le HCR ont mené du 02 au 07 juin 2020 une enquête-ménages auprès de 600 familles afin de mesurer l’impact de la crise COVID-19 sur les réfugiés.
Une fois disponibles et communiqués, les résultats de cette analyse constitueront une importante référence pour cette note stratégique.
En effet, les femmes sont plus exposées aux risques de la crise et ont également des besoins spécifiques de protection sanitaire et médicale qui ne sont pas toujours satisfaits, notamment l’équipement, la sécurité psychologique et un environnement de travail adapté.
Au Maroc, les femmes représentent 57% du personnel médical, 66% du personnel paramédical et 64% des fonctionnaires du secteur social.
ONU Femmes rappelle que lorsque les systèmes de santé sont surchargés, la charge des soins à domicile est plus importante et incombe en grande partie aux femmes, qui ont consacré en moyenne six fois plus de temps au travail domestique que les hommes pendant la période de confinement.
D’après la deuxième enquête réalisée par le HCP auprès des ménages durant la crise COVID-19, le temps moyen journalier alloué aux travaux ménagers au domicile (cuisine, vaisselle, linge...) est de 2h 37mn, soit 33mn de plus par rapport à une journée normale avant le confinement (40 mn en milieu urbain et 23mn en milieu rural).
Il est important ainsi d’inclure les femmes dans la prise de décision et la conception des programmes de soutien, pour promouvoir l'égalité des sexes dans les mesures budgétaires, d'amortissement et de relance.
Un transfert d'argent rapide est aussi nécessaire pour les femmes travaillant dans le secteur informel.
Les PME, les startups ou les coopératives dirigées par des femmes ont besoin de soutien par le renforcement de leurs capacités et l'accès au marché, surtout durant les phases de restriction de mobilité, plus élevée pour les femmes.
Au Maroc, la participation des femmes à la vie économique compte parmi les plus modestes au monde (22% en 2018 vs 48% mondialement, dont 10% d’entrepreneuriat), avec un recul depuis 20 ans (29% en 2000).
Les services de base pour les victimes de violences basées sur le genre ne fonctionnant qu'à capacité réduite à cause du confinement, cette note invite donc à une réflexion autour d'autres outils innovants pour s'assurer que les femmes et les filles soient protégées contre les violences dans leur foyer.
Au Maroc, le taux de prévalence des violences domestiques est de 52%, soit 6,1 millions de femmes avant la crise, et le monde observe aujourd’hui une tendance haussière.
Enfin, la résilience communautaire dépend en grande partie des femmes; le dialogue communautaire devrait être renforcé pour inclure les voix des femmes dans la recherche d'une réponse de crise.