Inforisk vient de publier sa dernière étude sur les délais de paiement au Maroc.
L’étude, qui s’est focalisée sur un échantillon de 32.400 entreprises, montre que la TPE est la catégorie d’entreprises qui souffre le plus des délais de paiement.
Les délais clients ont augmenté de plus de 24 jours entre 2017 et 2018 pour atteindre 212 jours (7 mois).
Depuis 2011, les délais clients de la TPE se sont très nettement dégradés (+111 jours) : ils étaient de seulement 101 jours à cette époque.
L’étude montre aussi le faible pouvoir de négociation des TPE : cette catégorie d’entreprises n’a pas pu répercuter la hausse importante de ses délais Clients sur ses fournisseurs.
Entre 2017 et 2018, la hausse du délai Fournisseurs n’a été que de 4 jours. Pire, la TPE paie ses fournisseurs 91 jours (3 mois) avant elle-même d’être payée, souligne Inforisk.
Du mieux chez la PME
Entre 2017 et 2018, les délais Clients ont baissé de 3 jours pour atteindre 113 jours. Depuis 2011, les délais clients n’ont augmenté que de 20 jours, note l’étude, qui souligne néanmoins des disparités assez fortes au sein même de la catégorie PME.
L’étude montre aussi une stabilité des délais fournisseurs entre 2017 et 2018 à 104 jours, ce délai reste stable sur la période 2011-2018.
Cette catégorie d’entreprises a réussi à plus ou moins répercuter sur ses fournisseurs la hausse de 20 jours de ses délais clients, indique Inforisk, précisant en effet que depuis 2011, les délais fournisseurs de la PME ont augmenté de 12 jours.
Au final, en 2018, on constate une baisse des délais clients et stabilité des délais fournisseurs, avec une baisse du solde net de 3 jours qui contribue à améliorer leur BFR.
Par ailleurs, selon l’étude, la grande entreprise (GE) est payée plus tôt par ses clients qu’elle ne paie elle-même ses propres fournisseurs.
«En l’occurrence, elle paie ses fournisseurs 8 jours après avoir été payée par ses propres clients», fait savoir Inforisk.
La PME, une catégorie d’entreprises peu homogène
C’est que montre l’étude qui zoome sur les entreprises réalisant entre 10 et 175 MDH de CA.
Premier constat : des délais clients quasi similaires en 2011, quelle que soit la taille de l’entreprise, et tournant autour de 93 jours à cette époque. «7 ans après, on constate des écarts importants entre sous-segments de PME», précise-t-on.
Deuxième constat : des délais clients différents selon la taille de la PME.
Les sociétés réalisant entre 10 et 50 MDH de CA ont en 2018 des délais clients très proches de la moyenne sectorielle (de 113 jours).
En revanche, les 2 autres sous-segments ont des délais clients beaucoup plus proches de la GE (respectivement 97 et 98 jours pour les segments 50-100M DH et 100-175 MDH).
Troisième constat : le sous-segment 50-100 MDH est celui qui a connu la plus forte amélioration de ses délais clients entre 2017 et 2018 : -9 jours.
«La nette dégradation des délais de paiement depuis 2011 n’a pas simplement touché la TPE, mais s’est également répandue auprès des PME réalisant jusqu’à 50 MDH de CA», conclut Inforisk.
Secteur public, le bon élève ?
Les délais de paiements sont de 49 jours pour les EEP, 39 jours pour l’administration centrale et 44 jours pour les collectivités locales, ce qui fait du secteur public le bon élève des délais de paiement.
«Ces chiffres laissent sceptiques certaines entreprises privées travaillant avec le public : elles considèrent que ces délais communiqués par l’Etat ne correspondent pas à leur réalité, avec des délais qui ne tiennent pas compte du temps échu entre le moment où le bien ou service est livré et le moment où la facture est acceptée et entre dans le circuit de paiement», fait savoir l’étude.
Crédits interentreprises
La véritable problématique des délais de paiement se situe dans les relations commerciales entre sociétés privées, avec 392 milliards de dirhams de crédit interentreprises privés-privés.
Par ailleurs, la catégorie TPE est celle qui souffre le plus de l’allongement des délais de paiement avec 212 jours en 2018, contre 113 jours pour la PME et 88 jours pour la GE.
Inforisk souligne par ailleurs que, globalement, le crédit interentreprises a baissé entre 2017 et 2018 de 23 Mds de DH. Ce qui peut s’expliquer par plusieurs facteurs, notamment la «mise en place de l’opération de remboursement de crédit de TVA par l’Etat et l’ amélioration des délais de paiement publics».
Par contre, les TPE n’ont pas bénéficié de cette baisse. Au contraire, ses délais clients continuent d’augmenter fortement, avec +22 jours entre 2017 et 2018.
«Donc cette amélioration a profité essentiellement aux PME de plus de 50 MDH de CA et aux GE. En revanche, les TPE et PME de moins de 50 MDH de CA n’ont pas suffisamment profité de cette manne», conclut l’étude.
Inforisk précise par ailleurs que 28% des entreprises seulement respectent le cadre de la loi 49-15, et respectent les 90 jours maximaux de délais de paiement.
Cela signifie donc que 72% des sociétés marocaines sont en dehors de la loi sur les délais de paiement.
«Si un système de sanctions devaient demain voir le jour pour les entreprises dépassant 120 jours de délais de paiement (c’est-à-dire dépassant un retard de 30 jours), cela concernerait 60% des sociétés marocaines», estime Inforisk qui souligne que près de 30% des sociétés font subir à leurs clients des retards de paiement supérieurs à 120 jours.
Inforisk démontre en outre un lien de corrélation évident entre délais de paiement et défaillances d’entreprises.
Selon l’étude, 40% des défaillances sont engendrés par des retards de paiement.
Ainsi, l’allongement des délais de paiement depuis 2010 est là 1ère cause de mortalité des entreprises.■