Plus de 14.000 participants de haut niveau sont attendus du 9 au 15 octobre 2023 à Marrakech.
Le Maroc en a assuré la présidence il y a 31 ans, précisément en septembre 1992, 9 ans après le début de la mise en œuvre du Programme d’ajustement structurel.
Par D. William
Le Maroc s’apprête à accueillir, du 9 au 15 octobre 2023, les Assemblées annuelles du Groupe de la Banque mondiale (BM) et du Fonds monétaire international (FMI). C’est en avril 2018 que le Royaume a été officiellement choisi pour abriter cette manifestation d’envergure, au terme d’un long processus d’évaluation des candidatures présentées initialement par 13 pays. Elle devait avoir lieu initialement en 2021, avant d’être reportée en 2023 à cause de la pandémie liée à la Covid-19.
Ces Assemblées, qui se tiendront pour la seconde fois sur le continent africain après l’édition de 1973 à Nairobi, au Kenya, coïncident avec le 65ème anniversaire de l’adhésion du Maroc à ces deux institutions le 25 avril 1958. La tenue de cette grand-messe de la finance internationale à Marrakech est certes inédite, témoignant de la capacité du Royaume à réussir l’organisation d’évènements d’envergure mondiale, comme le fut la COP22. Mais elle symbolise surtout le crédit dont jouit le Royaume à l’international, qui est le fruit d’un long processus qui a démarré… il y a plus de 40 ans.
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Les observateurs de la vie économique marocaine s’en souviendront peut-être : le Maroc a joué les premiers rôles en assurant, en septembre 1992, la présidence des Assemblées annuelles du FMI et de la BM. Aux manettes, l’ancien ministre de l’Economie et des Finances (1986 – 1993), Mohamed Berrada. Une surprise que le Royaume soit mis en orbite ? Peut-être pas. Car, rappelons-nous du contexte : nous sommes au tout début des années 80. L’actuel gouverneur de Bank Al-Maghrib, Abdellatif Jouahri, était alors ministre des Finances (1981- 1986). L’économie nationale était fébrile durant ces années post deuxième choc pétrolier de 1979, marquées par la sécheresse, la flambée du Dollar, des taux d’intérêt élevés et des cours du pétrole forts.
«J’ai appris par le biais du directeur du département étranger qui a en charge la gestion des réserves de change du Royaume que nous n’avions plus de devises», nous apprend Jouahri dans un entretien croustillant accordé à Taline Koranchelian, directrice adjointe du département Moyen-Orient et Asie centrale du FMI, et publié sur le site de l’institution le 31 août dernier. Après avoir informé en urgence le défunt Roi Hassan II de la situation et obtenu son approbation, il se rendit à Washington pour rencontrer l’équipe du FMI. Il en revint avec dans ses valises un Programme d’ajustement structurel (PAS) drastique lancé en 1983, et auquel son successeur, Mohamed Berrada, participera à la mise en œuvre. Le PAS était dicté par la nécessité de redresser une économie marocaine fortement chahutée par la détérioration des équilibres internes et externes.
Principaux objectifs : maitriser la demande interne, mobiliser de l'épargne locale, réaménager les taux de change en vue de sauvegarder la compétitivité de l'économie nationale. Dans ce cadre, différentes réformes ont été mises en œuvre, relatives entre autres aux finances publiques, à la politique monétaire, au commerce extérieur et à la politique des prix… Même si les «vertus» du PAS sont actuellement toujours vertement critiquées par les experts, Berrada l’avait fervemment défendu à l’époque. Dans son discours prononcé à l’ouverture de ces Assemblées de 92, il a notamment souligné que les politiques macroéconomiques et d’ajustement structurel menées par le Maroc «ont été manifestement bénéfiques en termes de réduction des déséquilibres financiers intérieurs et extérieurs, de renforcement de l’appareil de production et d’amélioration du niveau de vie de la population».
Aussi, faisait-il savoir, «au cours de cette période, le déficit budgétaire a été ramené de 11 à 1% du PIB, tandis que le déficit du compte courant de la balance des paiements a été réduit de 13 à 2,5% du PIB; l'inflation a été réduite de moitié, ne dépassant pas 5% en moyenne ces dernières années, tandis que les avoirs extérieurs ont été considérablement renforcés dans la mesure où ils couvrent désormais plus de quatre mois d’importations».
Outre des investissements directs étrangers qui ont triplé en l’espace de 3 ans pour s’établir à environ 400 millions de dollars en 1991, «les réformes structurelles entreprises ont permis de consolider la libéralisation de l'économie marocaine et des mécanismes orientés vers le marché et de stimuler la croissance économique». Ainsi, précisait Berrada, «au cours de cette période d'ajustement, le taux annuel moyen de croissance économique a été maintenu à 4,5%, ce qui correspond à une augmentation de 2% du PIB réel par habitant».
S’il a permis de redresser sensiblement certains indicateurs macroéconomiques, le PAS n’a pas cependant résolu tous les problèmes du Maroc. Loin de là. Comme le montre un rapport du ministère de l’Economie et des Finances datant d’octobre 1995, le taux de croissance enregistré par l'économie marocaine durant la période 1983-1994 (4,1% l'an en moyenne) n'a pas été en mesure de faire face à la forte augmentation de la population active, ce qui a entrainé une aggravation du chômage. «C'est en définitive sur l'emploi que l'application du Programme d'ajustement structurel a eu les retombées les plus négatives. Le taux de chômage au niveau national est passé de 10,7% en 1982 à 12,1% en 1991 (20,6% en milieu urbain et 5,6% en milieu rural), et ce malgré le développement durant les années 80 du secteur informel qui a constitué un filet de sécurité en période d'ajustement», conclut le rapport.
Le Maroc, un modèle
Dans l’application du PAS, le Maroc était visiblement un bon élève des institutions de Bretton Woods. C’est ce partenariat, dont les racines se prolongent loin dans le temps, qui se poursuit aujourd’hui. Car au gré des réformes qui se succèdent depuis les années 80 pour construire une économie moderne et robuste, le Royaume s’est forgé une réputation de partenaire de confiance et crédible, respectant scrupuleusement ses engagements internationaux. Le fait que le Maroc ait été choisi pour abriter cette édition des Assemblées annuelles FMI-BM n’est donc pas fortuit.
C’est le fruit d’un long processus qui traduit, d’abord, l’étroitesse de la coopération entre le Maroc et les institutions de Bretton Woods, mais également la bonne réputation du Royaume, engagé dans un vaste chantier de développement et de transformation structurelle de son économie sous l’impulsion du Roi Mohammed VI. Globalement, c’est ce défi du développement auquel fait face le continent africain.
«L’Afrique reste confrontée à une profonde crise économique qui met en péril la croissance et les efforts visant à améliorer les conditions de vie des populations africaines. Plus grave encore est le fait que certaines régions du continent africain restent vulnérables à la pauvreté, à la malnutrition, à la famine et à la guerre civile», affirmait Berrada il y a 30 ans de cela. Trois décennies plus tard, ces propos ont une résonnance particulière, s’incrustant cruellement dans l’actualité du continent. Pour preuve, aux prochaines Assemblées du FMI et de la BM, où plus de 14.000 participants de haut niveau sont attendus, dont les ministres de l’Economie et des Finances et les gouverneurs de Banques centrales des 189 pays membres ainsi que les représentants de la société civile, du secteur privé, des médias internationaux et du monde académique, le développement de l’Afrique sera au centre des débats.