es modèles de développement ont atteint leur limite et deviennent insoutenables.
Le changement de mode de gouvernance et de développement est inévitable.
Pour Hassan Abouyoub, ancien ministre de l’Agriculture et Ambassadeur du Maroc à Rome, il faut accepter la remise en cause des paradigmes de l’après-guerre.
- Finances News Hebdo : Lors de votre intervention, vous avez souligné que beaucoup de modèles de développement ont montré leur limite, qu’il s’agisse d’intégration régionale, le cas de l’UE, ou des modèles de développement inspirés du Consensus de Washington. Mais, est-il aisé de changer autant de paradigmes ?
- Hassan Abouyoub : Je ne pense pas qu’il s’agisse de quelque chose qu’on qualifierait de facile ou de difficile, parce que nous sommes devant une réalité qui est la suivante : l’Etat-Nation qui était le cadre de l’action politique, économique, sociale et culturelle, est désormais contesté dans son efficacité en terme de gouvernance par les acteurs non gouvernementaux.
- F. N. H. : Quels sont ces acteurs non gouvernementaux ?
- H. A. : On parle d’abord de la sphère financière qui a un pouvoir, une masse critique de loin supérieurs à ceux de l’Etat-Nation, qu’il s’agisse d’une super puissance ou d’un pays émergent.
Ces acteurs non gouvernementaux ont un rôle considérable, car nous avons un nouveau mécanisme d’information qui échappe aux mécanismes institutionnels et au monopole de l’information par l’Etat que les nations connaissaient dans les années 50 et 60, qui est aujourd’hui développé à l’échelon individuel. Un mobile peut en effet changer la face du monde par trois séquences de dix secondes. Je crois que c’est une réalité qui s’ajoute aux défis que l’économie mondiale, que la planète est en train d’affronter.
Ce sont des défis qui demandent des actions sur le très long cours, c’est-à-dire des actions sur plusieurs décennies.
On peut citer, entre autres, la problématique du dérèglement climatique, du développement en Afrique, de la sécurité alimentaire… autant de problèmes que l’espace démocratique occidental, avec la norme de quatre à cinq ans que dure un mandat politique, ne permet d’affronter.
Donc, nous sommes aujourd’hui devant l’effondrement de l’économie et du modèle social de l’après-guerre, parce qu’il n’est plus soutenable ni finançable.
Il faut donc réinventer de nouveaux paradigmes qui affrontent une nouvelle réalité où il n’y a plus de Nord ni de Sud, ni d’Est ni d’Ouest. Il y a un domaine commun, un patrimoine commun, c’est celui du bien-être de l’humanité pour lequel nous devons travailler ensemble. Ce n’est pas une alternative, c’est un impératif !
- F. N. H. : Ceci dans un monde idéalisé, mais en réalité…
- H. A. : Ce n’est pas un idéal ! Il faut savoir qu’il y a des pays, comme ceux de l’Espagne, qui se sont effondrés. C’est une réalité ! Donc, soit on agit, soit le phénomène que nous constatons en Méditerranée va se déployer rapidement et toucher tous les pays de la planète, sans exception.
- F. N. H. : Chaque pays a ses propres intérêts, ses propres lobbies… Comment réunir tout le monde autour d’un objectif commun ?
- H. A. : Nous ne sommes pas dans l’unanimisme, nous ne sommes pas dans le cadre de la construction d’une institution régionale, nous sommes dans un cadre de réflexion pour faire les évaluations qu’il faut, pour tirer les enseignements qu’il faut et ordonner, je dirais, une vision et une approche communes.
Déjà, avoir une vision commune signifie une coordination à l’échelle des gouvernements, de l’entreprise, de la société, de l’université; donc il s’agit de repenser les paradigmes pour faire repartir, je dirais, l’action commune qui est, quoi qu’on dise, impérative et obligatoire.
Dossier réalisé par I. B. & S. E.
Déclaration de Skhirat : «Initiative pour une Communauté Atlantique»
Les participants au deuxième Forum de Skhirat, réunis les 30 novembre et 1er décembre 2012, pour une réflexion commune sur l’« Initiative pour une Communauté atlantique », ont réitéré l’analyse et les conclusions de l’Appel de Skhirat du 30 mai 2009, adoptées dans le cadre de la Vision 2030. Ils ont ainsi confirmé le caractère systémique de la crise économique davantage illustré par la crise des dettes souveraines dans la zone euro. Celle-ci hypothèque désormais les perspectives de relance de la croissance aussi bien parmi les membres de l’Union européenne que parmi ses voisins. De même qu’il est prématuré d’évaluer les changements politiques intervenus sur la rive Sud de la Méditerranée, tant dans leur soutenabilité institutionnelle que dans leur capacité à apporter les solutions idoines aux besoins en développement humain des populations concernées.
Dans la déclaration de Skhirat, la pertinence de la démarche est confirmée. En effet, les doutes exprimés par certains grands acteurs quant à la pertinence d’une démarche atlantique collective, se muent progressivement en un intérêt qu’il convient de transformer en contributions effectives aux réflexions et actions en cours.
La dégradation de la situation sécuritaire au Sahel a également interpellé les acteurs de l’Espace atlantique comme ceux du Bassin méditerranéen occidental pour entreprendre des mesures concertées sur la base d’une responsabilité collective.
A l’issue de ce forum, il a été convenu que les axes identifiés en 2009 demeurent prioritaires, qu’il s’agisse de la sécurité alimentaire ou énergétique, de la mobilité humaine ou du partage de la connaissance. Ces priorités stratégiques devraient tenir compte des travaux internationaux en cours sur les tendances globales 2030 de manière à associer plus d’acteurs atlantiques à leur identification et à leur appropriation collective.
Les participants ont par ailleurs déclaré qu’une Communauté atlantique serait le cadre idéal pour une gouvernance nouvelle qui associe les acteurs non-gouvernementaux notamment l’entreprise, la société civile, en particulier les associations des femmes et des jeunes, à la formulation et à la mise en œuvre de politiques concertées dans les axes prioritaires proposés. Ces politiques doivent être conçues dans le contexte d’une approche qui remet l’Homme au centre des préoccupations communes et qui revisite les paradigmes du développement.
Cette gouvernance collective nouvelle ne doit aucunement se fonder sur de nouvelles institutions qui viendraient renforcer les bureaucraties multilatérales.